Étatiser les banques: au royaume de l’ineptie, le socialisme est roi

Publié le 29 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Au grand concours Lépine des solutions miracles qui vont enfin ramener la croissance stratosphérique dont nous avons besoin pour résorber notre sur-endettement, la solution de tout socialisme, c’est l’État partout… Tenez, dans la banque, ce qu’il nous faudrait, c’est une bonne dose de nationalisation. Vraiment ?

Par Vincent Bénard

Étatiser les banques. Vraiment ?

Oyez, Oyez, l’économie se meurt, l’économie est morte ! Et les experts bien en cour, les politiciens, se désespèrent de trouver la solution qui ferait d’eux les sauveurs providentiels d’un système à l’agonie.

La longue marche radieuse vers le socialisme !

Et à les en croire, la solution à la crise, c’est l’État ! Qu’importe que les économies n’aient jamais été aussi étatisées que ces dernières années, que les États-providence soient au bord de la crise de surendettement… Mais prendre en toute circonstance une posture anti-libérale a un gros avantage : c’est un fantastique ersatz d’intelligence, cela permet aux paresseux intellectuels de paraître savants malgré l’indigence de leurs arguments.

Aussi, au grand concours Lépine des solutions miracles qui vont enfin ramener la croissance stratosphérique dont nous avons besoin pour résorber notre sur-endettement, la solution de tout socialisme, c’est l’État partout…

Aujourd’hui, voyons quelques exemples de ce que les nouveaux champions de l’État saint-Bernard nous proposent pour sauver l’économie.

1. La GosBank des PME

Pour commencer, La Tribune nous informe que l’actuel gouvernement souhaite regrouper OSEO, la Caisse des Dépots (branche entreprises) et le Fonds Stratégique d’Investissements dans une entité unique destinée au financement des PME, que j’appelerai la « GosBank », en attendant son patronyme officiel. L’idée est tellement appréciée qu’au PS, Ségolène Royal et François Hollande l’auraient reprise à leur compte. Quand je vous dis que les différences entre socialistes de droite et socialistes de gauche sont infinitésimales, ce n’est pas par hasard.

C’est que, comme je l’expliquai en 2009, malgré les communiqués lénifiants de l’AFB, les banques sont obligées de limiter la croissance de leur bilan pour absorber les pertes qu’elles ont dû porter du fait de l’épisode 1 de la crise financière (Subprimes), et l’épisode 2 qui s’annonce ne va pas améliorer la situation. Du coup, elles réduisent les prêts les plus risqués, notamment ceux aux PME, et surtout aux PME en phase de démarrage, ou du moins, elles en durcissent les conditions : plus de garanties, moins d’effet de levier… En soi, leur attitude est parfaitement saine, elles ne font que renchérir le prix d’accès à une ressource dont elles ont été trop prodigues ces dernières années, le crédit.

Évidemment, les politiciens déplorent cette situation, depuis longtemps déjà. Notre président a bien essayé de menacer les banques qui ne prêteraient pas de terribles représailles, mais que voulez vous, les lois de la comptabilité finissent toujours par être aussi intangibles que celles de la gravité. Ah ça mais ! Puisque les (méchantes) banques privées ne prêtent plus, on va créer une grande banque publique qui se substituera à elles, et qui inondera les veines des PME de sa source inépuisable de crédit.

Les proposants de l’idée nous affirment que « comme la GosBank aura la garantie de l’État, elle pourra emprunter moins cher sur les marchés financiers, et ainsi répercuter cette économie sur les taux consentis aux PME ». Imparable, non ?

Un parfum de déjà vu…

Sauf que… dites moi… Aux USA, Fannie Mae et Freddie Mac, ne fonctionnaient-elles pas sur le même principe ? N’ont-elles pas profité de leur accès à des taux plus bas qu’un hedge fund classique du fait de leur garantie publique, pour financer des crédits immobiliers qui n’auraient jamais trouvé preneur dans un marché libre ? Inutile de commenter le résultat, que tous les observateurs du Foreclosure Gate connaissent.

L’on me répondra que cela n’a rien à voir, que les prêts de la GosBank iront à des entreprises industrielles avec un vrai projet de création de valeur. Soit, mais il n’empêche que l’incitation au mal-investissement, en baissant artificiellement le coût du crédit, sera renforcée.

Pire encore, ces incitations au mal investissement seront renforcées par le « jeu politique », exactement comme cela fut le cas pour Fannie et Freddie. En effet, le gouvernement ne pourra s’empêcher de donner des directives à la GosBank pour orienter ses politiques d’octroi de prêts en fonction de considérations politiques et non techniques. Les lubies du moment risquent de devenir des consignes stratégiques. « Prêtez au développement durable, car le ministre a décidé que c’était l’avenir !« , entendra-t-on dans les couloirs de la GosBank, avant de passer à la mode suivante. Et des dizaines d’Evergreen Solar ou de Solyndra français engloutiront l’argent de la GosBank, dont les pertes seront in fine supportées par le contribuable.

Et encore, je vous ai servi la version « soft » de ce qui pourrait arriver. Car, comme au bon vieux temps du Crédit Lyonnais, le PDG de la GosBank recevra des coups de téléphones de son ministre de tutelle l’informant que le gouvernement se montre particulièrement sensible aux projets d’investissements de tel ou tel membre de l’oligarchie dominante introduit dans les bons cercles de décision, et que « il serait mal venu qu’un chef d’agence d’Avignon refuse d’ouvrir à notre ami Machin une ligne de crédit de 3 millions d’euros sous de vagues prétextes de fonds propres insuffisants, ou que sais-je encore. »

Et ce n’est pas le souvenir des turpitudes liées au Crédit Lyonnais et aux autres banques nationalisées, que l’excellent magazine Contrepoints nous rappelle ici, qui pourra nous rassurer. Extrait :

En plus du désastre du Crédit Lyonnais, il y a eu celui du Crédit Foncier (2 Mds d’euros de pertes) et de l’Agence Française de Développement […l La banque Hervet enregistre les premières pertes de son histoire après sa nationalisation en 1982 ; la BIAO (Banque Internationale pour l’Afrique de l’Ouest) est au bord de la faillite en 1988 lorsqu’elle est reprise par la BNP […] le CCF (Crédit commercial de France) en quasi-faillite en 1987 après des prêts insensés accordés au Brésil, le Comptoir des entrepreneurs et les achats immobiliers suivis d’une surévaluation frauduleuse de la part d’une institution financière dotée d’une mission de service public ; le blanchiment d’argent de la Société marseillaise de Crédit, etc.

Résultat contraire aux effets recherchés

Enfin, le coup de grâce : la présence de la GosBank sur le marché risque, in fine, de tarir la masse de financements globalement accessible aux PME, lorsque l’économie repartira. Car les PME concernées voudront d’abord, logiquement, s’adresser à la GosBank pour bénéficier d’un taux subventionné. Puis, en cas de refus, elles iront voir une banque classique, ou des capital-risqueurs. Et là, voici la réponse qui les attendra : « vous n’avez même pas été fichu d’obtenir un prêt de la Gosbank ? Passez votre chemin, espèce de loser ! » Non pas que les acteurs du financement privé aient une confiance exagérée dans le flair des chargés d’affaires de la GosBank, mais ils sauront qu’une boite qui n’a pas obtenu ce soutien risque de se retrouver en compétition avec des concurrents plus vendeurs, ou mieux introduits, qui, eux, en bénéficieront.

Bref, même en admettant que l’idée du gouvernement parte d’une bonne intention – fausse naïveté par pur souci pédagogique -, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Comme toujours, vouloir utiliser l’État pour subventionner, explicitement ou insidieusement, une ressource, surtout quand il s’agit d’une des plus importantes qui soit, le crédit, revient à garantir que cette ressource sera mal utilisée d’un point de vue économique, et que la subvention rendra possible un certain nombre de malversations qu’un prix de l’argent fixé par les seules forces du marché n’aurait pas permis de rentabiliser.

2. Les banques plongent : nationalisons les !

Mais cette proposition n’est rien par rapport à celle faite par Marc Fiorentino, le chroniqueur bien connu de BFM. Je n’ai rien contre lui spécialement, il me fait parfois bien rire, et parfois, arrive à sortir quelques propos sensés. Ceci dit, rappelons non sans une pointe de fiel qu’il faisait partie de ceux qui réclamaient un « nouveau new deal » lors de la crise de 2008.

Et que nous propose-t-il, M. Fiorentino l’économiste révolutionnaire ? De rassurer les agents économiques en annonçant une nationalisation « temporaire » des banques. Vous avez bien lu. Là où les sources gouvernementales ne parlent, les petits joueurs, que d’une banque de financement des PME, M. Fiorentino met carrément les pieds dans le plat, et nous chante les louanges de la nationalisation des trois plus gros bilans bancaires français (CA, BNP, SG, 65% du total à eux trois).

Soigner la dette par la dette pour résoudre la crise du surendettement…

Quand tout va bien, Saint-Marc, patron des traders, vitupère contre les taxes imbéciles, mais quand le cours de bourse des financières plonge, il faut que l’État se pose en protecteur ultime, non de dieu ! Du nerf, que diable ! Avec une quarantaine de malheureux milliards d’Euros, l’État pourrait, compte tenu du plongeon des cours des valeurs financières, en prendre le contrôle, et ainsi rassurer aussi bien les ménages que les entreprises sur la solidité financière de ces établissements… Et comme, grâce à son intervention magique, l’État transformerait des portefeuilles d’actifs bancaires plein d’incertitudes en pépites d’or garanties, il pourrait revendre ces mêmes banques quelques mois plus tard en empochant une large plus-value ! Et dire que personne n’y avait pensé, c’est ballot, tout de même ? Mais non, le contribuable n’aura AUCUNE perte sur actifs à combler, voyons !

Naturellement, tous les arguments de fond contre la création d’une banque publique des PME sont réutilisables à l’identique ici, l’aléa moral et le jeu politique seraient à leur comble. Mais allons plus loin, et résumons la nouvelle économie de ces étatistes de la 25ème heure (soyons justes : M. Fiorentino n’est pas le seul à donner dans la statôlatrie de circonstance) :

Il faudrait que les États menacés de faillite parce que sur-endettés, nationalisent les banques elles-mêmes menacées de faillite par le risque de faillite des États, en augmentant leur dette.

Ahum.

Et donc, du coup, la confiance va revenir, MAIS SI, MAIS SI, car l’État surendetté va, euh… s’endetter à peine un tout petit peu plus pour éviter que les banques menacées par le surendettement de l’État ne soient en faillite, étant entendu que si les pertes bancaires sont plus élevées que prévu, l’État empruntera pour les combler. Et ça, c’est supposer redonner confiance à tous les entrepreneurs actuels et potentiels de Romorantin à Lavelanet.

Et les vaches vont se mettre à voler, aussi. Ah, je l’ai déjà faite, celle là.

Mais, cher Marc Fiorentino, pourriez-vous me dire pourquoi, si c’était si simple, les entreprises non financières et les fonds de private equity, qui sont actuellement gorgés de cash, ne se précipitent pas sur les banques pour en faire leur festin ? Après tout, 50 milliards, c’est à la portée de n’importe quel groupement de grandes entreprises venues.

Peut-être que l’affaire ne serait pas si bonne que cela ?

Monsieur Fiorentino a sûrement entendu parler d’un petit pays que l’on appelle l’Irlande, qui a, au plus fort de la crise de 2008, annoncé qu’il garantirait l’intégralité des dépôts et de l’épargne des déposants sur ses banques, ce qui équivaut à une quasi nationalisation… Cette seule garantie a suffi à transformer un pays prospère et relativement bien noté par les agences de notation en pays surendetté au bord de la faillite.

Monsieur Fiorentino a sans doute remarqué que le soutien immodéré de l’État américain envers ses banques en capilotade n’avait pas fait grand chose pour redresser ni les banques ni l’économie américaine, et que cela n’avait pas permis de redresser comme par miracle la valeur des prêts immobiliers qui pourrissent les portefeuilles d’actifs bancaires d’outre-atlantique.

Mais qu’importe les daubes que les banques ont embarqué dans leurs bilans, une nationalisation des banques, voilà ce qu’il faut pour revigorer l’économie française, et que dis-je, mondiale !

Mais si la nationalisation est si désirable, pourquoi ne vouloir qu’elle ne soit que temporaire ? Ou ne la limiter qu’aux banques ? Ah, c’est vrai, cela a été tenté sous François Mitterrand, et cela n’a pas marché non plus… fichue réalité, tiens !

L’avenir du socialisme financier ne se présente pas sous de meilleurs auspices que son passé.

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