Vestiaire poétique, exposition de Phet Cheng Suor à Gand (Gent)

Publié le 30 septembre 2011 par Onarretetout

Une graine contient le végétal qui en sort : tige, feuilles, fleurs et à nouveau graines. Phet Cheng Suor sème ses graines de mémoire pour en faire éclore sa propre histoire. Et la nôtre par le même geste de nous vêtir des textes et des textures qu’elle élabore patiemment.

Dans l’exposition de son Vestiaire poétique, au MIAT (Musée des industries textiles de Gand), au cours de l’été 2011, elle vient à la rencontre de ses visiteurs. Elle consulte les archives de l’usine, explore le jardin des plantes tinctoriales, rétablit avec respect la mémoire de celles et ceux qui ont travaillé ici : Maria V (photo Christian Caugant) pour qui elle confectionne corsage et salopette, et d’autres ouvriers et ouvrières dont les photos et témoignages trouvent place dans des vêtements de papier japonais et écorce de mûrier. Ce sont eux qui nous accueillent, ouvriers d’hier, et d’aujourd’hui : kimonos, blouses, mots, textiles, papiers, cousus et suspendus comme dans un vestiaire où l’on trouve côte à côte les vêtements d’une famille et de ses invités (le mot vestiaire lui-même désigne soit le lieu où sont rangés les vêtements, soit l’ensemble de ces vêtements).

Et, quand le visiteur progresse dans l’exposition, il rencontre d’autres mémoires, dans les Habits de passage (photo Christian Caugant), au centre de la salle, qui donnent le sentiment que les êtres qui les ont portés se sont absentés longtemps mais qu’ils vont revenir, qu’on les attend, les mouvements de leurs corps étant encore inscrits dans les ondulations des hanches, les franges qui s’effilochent. Ecorce de mûrier, de niaouli, papier d’orties. Si c’est par les traces du travail que nous avons été accueillis, ici nous entrons dans une habitation (dont le mot même est fait de la racine qui donne habit).

Suivant le chemin de pierres blanches qui se dessine au sol, pour donner un appui horizontal au mouvement d’élévation des habits, le visiteur va progressivement entrer dans la demeure et ses espaces plus intimes. Déjà, à la Bambouseraie d’Anduze, les personnages semblaient nous inviter à entrer dans la maison, mais le dispositif nous tenait sur le seuil. Ici, nous sommes à l’intérieur, et l’enfance est là, avec ses rires, ses jeux, et le voyage de la vie qui commence, sur lequel Phet Cheng pose les mots des autres (Pierre Loti, par exemple), par pudeur sans doute. Gaines de bambous, écorces de palmiers de Chine. Vestibule, cuisine, chambre.

On ne peut pas lire tous les textes que l’artiste recopie dans ses vêtements (souvenirs de l’usine, récits de voyage, descriptions de bâtiments, Cantique des Cantiques, recettes de cuisine…). Ainsi c’est leur mystère, et non leur évidence, qui continue à travailler en nous.