En Ile-de-France, la guerre de l'eau est déclarée

Publié le 01 octobre 2011 par Blanchemanche
Le Monde - 30 septembre 2011
Béatrice Jérôme
Article paru dans l'édition du 01.10.11
André Santini a perdu, jeudi 28 septembre, la présidence du comité de bassin de l'Agence de l'eau Seine-Normandie. Le maire (Nouveau Centre) d'Issy-les-Moulineaux, qui occupait ce poste depuis 2005 a été battu, contre toute attente et de justesse ( 69 voix contre 73) par Anne Le Strat, adjointe (apparentée PS) de Bertrand Delanoë chargée de l'eau, de l'assainissement et de la gestion des canaux.
Ex-Verte mais, dit-elle, "toujours écologiste", Mme Le Strat, 42 ans, l'a emporté au sein du collège électoral du comité de bassin grâce aux voix des représentants des collectivités majoritairement à gauche, ainsi qu'à celles des associations environnementales, de certains agriculteurs, et de pêcheurs. M. Santini pouvait compter, de son côté, sur le soutien des représentants de Veolia, Suez-Environnement, de la majorité des agriculteurs ainsi que de la FNSEA qui ont pris part au vote.
M. Santini est par ailleurs président du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) qui gère l'approvisionnement en eau de 144 communes franciliennes et a renouvelé son contrat avec Veolia en 2010, la plus importante délégation de service public en Europe.
POSTE STRATÉGIQUE
Le poste conquis par Mme Le Strat est stratégique. Etablissement public dépendant du ministère de l'écologie, l'Agence Seine-Normandie est chargée de la protection de l'eau sur un territoire qui court de la Manche à la Côte-d'Or, recouvre en partie dix régions et comprend plus de 16 millions d'habitants.
Elle dispose d'un budget de 900 millions d'euros financé par les redevances prélevées sur les factures des usagers. Le comité de bassin décide des subventions aux collectivités locales, aux industriels, aux agriculteurs et aux associations qui entreprennent des travaux pour gérer les ressources et lutter contre les pollutions.
"C'est clairement le camp de ceux qui sont mobilisés sur les questions environnementales qui l'a emporté", se félicite Mme Le Strat, interrogée par le Monde.
VICTOIRE DES DÉFENSEURS DU SERVICE PUBLIC DE L'EAU
Son élection est aussi la victoire des défenseurs du service public de l'eau contre les partisans du recours aux grands groupes privés. En 2009 et 2010, Mme Le Strat a piloté le passage en régie publique de la gestion de l'eau de Paris.
Cette remunicipalisation de l'eau a mis fin à la délégation de service public, avec Veolia pour la rive droite et Suez pour la rive gauche, conclue depuis 1985 par Jacques Chirac, maire de Paris. Elle a permis, pour la première fois après des années de hausse, puis une période récente de stabilité, une baisse du prix de l'eau le 1er juillet 2011.
Même si le comité de bassin Seine-Normandie n'a aucun pouvoir d'influence sur le mode de commercialisation de l'eau, "mon élection donne plus de visibilité à l'expérience parisienne que nous aimerions voir étendue à d'autres collectivités", estime Mme Le Strat. L'élue parisienne voudrait créer "une conférence métropolitaine de l'eau" qui regrouperait Paris et ses voisins.
M. Santini, président du directoire de la Société du Grand Paris milite, de son côté, pour l'avènement d'un "Grand Paris de l'eau". La guerre pour les marchés de l'eau dans la région-capitale ne fait que commencer.