La Puissance Publique lance un nouveau minitel 3.0

Publié le 02 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

La Puissance Publique lance un nouveau minitel 3.0

Le dimanche est toujours l’occasion rêvée de se préparer un bon repas (aujourd’hui : coquelets et pommes sautées, fraises à la menthe au dessert) et de se moquer de l’administration française. Pourquoi ? Parce ce que d’une part, le dimanche, on a le temps de cuisiner et donc, de se faire de bons petits plats, et d’autre part parce qu’on ne doit jamais, jamais perdre une occasion de se moquer de la façon dont nos administrations aspergent l’argent qu’elles reçoivent du contribuables dans des projets plus ou moins pertinents. Et ça tombe bien, un récent exemple vient s’ajouter à un repas dominical qu’on devine déjà savoureux !

À l’opposé diamétral des coquelets qui sont une recette qu’on ne peut pas louper et qui est délicieuse, l’investissement de fonds publics dans des développements de technologies innovantes est une recette qu’on ne peut pas réussir et qui pue quasiment dès le départ.

Oh, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : oui, on peut cramer son coquelet, on peut fusiller sa sauce et niquer ses pommes de terres, et donc, là encore symétriquement, l’État peut parfois obtenir un résultat concret d’un investissement dans une technologie innovante. Le débat reste cependant ouvert sur l’utilité réelle au niveau du citoyen des développements obtenus ; la bombe A puis H sont d’excellents exemples de production étatique extrêmement coûteuse au bénéfice imparfaitement palpable dirons-nous.

Cette fois-ci, nous apprenons donc, en plaçant nos coquelets dans le four, préalablement chauffés autour de 200°C, et bien évidemment enduits délicatement d’un peu de beurre à l’ail qu’on aura confectionné préalablement, que l’État et des collectivités territoriales (PACA, Rhône-Alpes) vont injecter 7 millions d’euros dans un projet conjoint entre Gemalto, Archos et Wysips qui vise à créer un truc révolutionnaire : une sorte d’ordinateur super-portable, sans clavier, ni souris, très plat, qu’on peut trimbaler partout.

En gros, il s’agit de faire ça :

Mais mieux.

Et comme Gemalto (cartes SIM), Archos (baladeurs MP3) et Wysips (films photovoltaïques) sont des super-cadors des ordinateurs tout plat sans souris ni clavier, on est déjà certain qu’on se lance ici sur un terrain particulièrement bien maîtrisé, et que l’argent gratuit du public sera donc employé à réaliser une de ces performances que le monde nous envie, comme celle-ci par exemple :

L’idée brillante, derrière ce partenariat et ce cramage cet investissement de 7 millions d’euros est de proposer, enfin, une tablette très peu gourmande en énergie au point qu’elle se rechargera directement avec la lumière solaire. Et comme les performances globales sont liées à la consommation, comme on veut cette consommation aussi faible que possible, on part déjà sur une base tonique avec des performances de schtroumpf anémique.

D’ailleurs, devant cette tonicité, un compromis est envisagé : plutôt qu’amoindrir les performances, on pourra faire en sorte que la tablette consomme la même énergie que les autres en fonctionnement, mais absolument rien lorsqu’elle est en veille, ce qui permettrait peut-être d’étendre l’autonomie globale de moitié. Et le consortium, frétillant d’aise après avoir été arrosé d’aides publiques, se donne deux ans pour parvenir à un premier prototype fonctionnel.

Deux ans que la concurrence qui existe déjà n’aura pas mis à profit pour améliorer encore l’autonomie ou les performances ou les deux. Ce qui permettra à notre consortium d’être pile-poil au bon moment sur le marché avec son bidule innovation.

Oh. C’est le moment de retourner les coquelets. Miam, cela sent bon. On n’aura pas perdu de temps à éplucher le bilan des startups qui se sont lancées dans l’aventure, et on aura plutôt épluché quelques petites pommes de terre (selon votre appétit ou le nombre de convives à table), qu’on collera au four aussi vite que possible histoire qu’elles cuisent en s’imbibant des bonnes odeurs. Certains choisissent de mettre les pommes dès le départ. C’est un choix, ça marche aussi. Pas de haine, c’est le week-end.

Au fait, vous avez déjà entendu parler de Tabbee ? Non ? C’est normal. C’est une tablette développée en 2009 par Orange. Un succès commercial foudroyant, que le monde entier nous… Enfin bref.

Et pour ce qui est des idées géniales d’investissements de fonds publics dans des nouvelles technologies, vous avez certainement entendu parler de Quaero. Mais si, Quaero. Le moteur de recherche lancé en grandes pompes par Chirac courant 2005/2006 ! Voyons, Quaero, l’ex-moteur de recherche devenu parapluie de technologies multiples et reconnues un peu partout dans le monde avec plein de contrats juteux et beaucoup de pépettes qui rentrent à gros bouillon et que le monde… Bon.

Ce n’est pas, notez bien, que ça ne marche pas. Tabbee semble être vendue. Des gens en achètent et certains n’y ont pas été forcés. Il y a des trucs qui se passent sur l’écran, ça semble fonctionner. Et Quaero produit des machins qui permettent d’obtenir des résultats colorés, dans différents domaines. C’est… heu… disons… sympathique.

On avouera que le coté rock’n'roll de tout ça est un peu difficile à déceler. Et pour cette magnifique initiative à 7 millions d’euros, je vous fiche mon billet que ce sera exactement pareil : oui, il y aura bien une tablette au bout du compte. Ses performances seront moyennes. Son intérêt aussi. L’engouement déclenché, évidemment, sera totalement moyen. Les gens seront passés à autre chose, le marché sera déjà complètement verrouillé. La France, dans ce domaine et grâce aux impulsions saccadées du pouvoir politique, se complaît fort bien dans le moyen, le « pas complètement nul », le « dans la masse ».

Ah, les coquelets sont cuits, autant que les contribuables qui ont participé à ce don généreux sans retour sur investissement possible.

Je vous souhaite un bon dimanche et un bon appétit. Oubliez ces 7 millions. Ce n’est que 3500 SMIC chargés, après tout. La France, éternelle et impérieuse, en a vu d’autres.

Santé.
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