Gossip Urbain #2 : Une Histoire de Conscience Ecologique

Publié le 03 octobre 2011 par Heilios

Aujourd’hui, alors que je descendais mes poubelles « jaunes », aka cartons et papiers, je remarque une plante morte encore dans son vase en verre dans la poubelle « verte », destinée aux déchets en verre. En bon enfant-écologiste, je retire la plante de son vase et la jette dans un coin du parc d’à côté. La plante allait donc se désintégrer de façon naturelle, la biodégradation aura bien fait son travail, comme à son habitude. D’ici une ou deux semaines plus aucune trace de celle-ci.

Seulement voilà, une voisine me surprend – mais ne dit rien – et me lance un regard outré, grand soupir… Pas d’affrontement, je rentre chez moi. C’est alors que, en bon voisin friand de commérages et de gossip urbains en tous genres, je surprends une conversation entre le jardinier, le gardien de la cité (oui parce-que j’habite une cité en banlieue) et ma fameuse voisine. Voici qu’ils se mettent à causer et casser du sucre en secret dans mon dos. Ils m’insultent et m’accusent « d’outrage à la mère Nature » : « c’est le jeune du premier étage, il a jeté ses ordures dans la nature… comme ça… regardez, c’est n’importe quoi ! ».

Mais je ne me suis pas arrêté là, ce « gossip urbain » ne pouvait continuer, et puis ma réputation de voisin modèle était en jeu. Alors j’ai pris à part ma voisine, le jardinier et le gardien leur expliquant que ce n’était pas grave de jeter des plantes dans la nature, au contraire, et qu’il était bien plus judicieux de s’affoler face au mauvais tri du déchet organique, source principale d’un conflit qui n’a pas de sens. Ce à quoi la voisine a quand même eu l’audace de m’accuser de « dommage sur espace public ». Sacré gossip que voilà !

Bref, je suis certain que vous avez aussi quelques gossip urbains à nous faire part, n’hésitez pas à commenter ou bien à nous soumettre un article, et indignez-vous avec nous !

Mauvais tri(p), mauvaise conscience, ou les deux ?

Brève analyse du Gossip.

La conscience écologique est biaisée, une fois n’est pas coutume, par le rituel green washing. Nourrie par une somme d’interprétations personnelles et subjectives, le green washing est omniprésent dans la conscience collective. Il indique uniquement « pourquoi faut-il s’intéresser au respect de l’environnement » mais ne diffuse pas toujours « comment exactement réaliser ces gestes respectueux ». Bien sûr, les collectivités locales et grandes enseignes privées proposent souvent des spots publicitaires, des « marques repères », des prospectus indiquant « les 10 gestes pour sauver la planète », « faisons vite, la planète chauffe » mais pour aller où, pourquoi aller vite, dans quel but…? Là où à une époque les publicités de voitures détaillaient avec fierté les mille soupapes ou autres options hyper hype, aujourd’hui ce qui fait swagg dans une voiture c’est son côté hybride, faible taux de CO2 émis, économie et faible consommation d’essence, etc.

Quand Le petit Nicolas prêche la bonne parole, rien ne nous certifie que cette méthode soit la bonne. Nous ne sommes pas aujourd’hui dans la possibilité d’affirmer avec conviction qu’un tel ou tel acte soit bon ou mauvais, est-ce-que l’image « verte » de la nature diffuse une image de « respect », pourquoi la nature, si respectable soit-elle, doit être synonyme de bienfaisance et d’image positive d’un objet, d’un bien, d’une pensée. Alors, mauvais tri = mauvaise conscience ?

C’était en 2008 (avant grenelle) :

C’était en 2011 (après Fukushima, le petit Nicolas est candidat aux présidentielles et utilise la catastrophe comme levier d’action et incitation à la conscience écologique)  :

Finalement, peut-être n’y a-t-il pas de « méthode parfaite » de sensibilisation de la population à une « culture écologique ». Je critique M. Hulot mais c’est un homme politique, donc opportuniste , et on se doit de retenir sa forte popularité et sa capacité d’éveiller, parfois d’une façon vulgarisée voire fausse, la curiosité voire la conscience écologique d’une grande part de la société. Mais attention aux mauvaises interprétations car une culture est propre à chacun, elle est nourrie et perfectionnée par un apprentissage personnel à travers une perception subjective. Ainsi, au même titre que la culture littéraire, musicale, artistique ou monnaie népalaise, la culture écologique est une affaire personnelle. C’est sensé être un acte personnelle réfléchi pour l’intérêt général. Agir local, penser global. Pour l’instant, c’est la méthode que l’on emploie. Est-ce légitime ? Oui. Est-ce efficace ? Nous n’en savons rien.

"Think Globally, Act Locally"

Le grand Charles Darwin parlait de sélection naturelle en évoquant le fait que l’évolution était à la portée des espèces qui peuvent s’adapter. Appliquée à la ville, cette notion laisse entendre des interrogations quand à l’évolution, ou plutôt la croissance urbaine que l’on veut durable, soutenable, d’autres Mr Green Wash parlent de villes désirables, etc…

L’adaptation est-elle indispensable à l’évolution ? Si l’on imite tant les mécanismes de la nature, qui sera capable de s’adapter aux dysfonctionnements technologiques et naturels de la ville ? Ainsi, existe-t-il une sélection urbaine ? Si oui, est-elle positive à l’humanité ? Tant de questions à creuser…

Et puis, sincèrement, qui a envie de se prendre la tête avec une culture écologique aujourd’hui ? Et pourtant, il en va de l’intérêt général de s’intéresser à l’écologie. Qu’est-ce que l’intérêt général sinon des actes de bienfaisance à la faveur de l’Etat ? Je pense que, comme toute culture, libre à chacun de penser ce qui lui semble judicieux et effectivement « bon » à sa philosophie. En voilà une belle aménité que celle de la culture.

L’urbanisme n’est donc pas qu’un système complexe, il est un paradoxe mêlant ville et nature où plusieurs variables techniques prévisibles et variables aléatoires sociétales se rencontrent, se contredisent, se supportent. Plus on avance dans le temps, plus les connaissances scientifiques, les technologies, les dogmes évoluent, la ville grandit ou bien décroît, l’homme change de paradigme et la ville devient de plus en plus source de paradoxes.

Quoi qu’il en soit, on continue de jeter ses plantes et déchets organiques dans la poubelle à verres, qui d’ailleurs est verte soit-dit-en-passant. La population associe beaucoup trop cette couleur à la nature. L’automne est arrivé, même si on ne le sent pas encore (gossip : y a pas à dire y a plus de saisons, « la faute au nucléaire »…), nous verrons enfin des couleurs d’une autre nature. Celles que l’on imagine à travers la musique de Vivaldi : orangée, rose, bleutée, grise, brune, marron – la nature n’est pas verte, elle n’est pas non plus « propre » ou bien « divine », elle n’est pas positive ou négative, elle est parfaitement neutre et n’a pas d’éthique. Elle est ce qu’elle est : sauvage. Elle n’est pas si différente de la ville finalement. Ces deux-là font bons ménages quand il s’agit de sauvagerie, de zones désaffectées ou abandonnées, etc. Ne parle-t-on pas de « jungle urbaine », les friches et autres Tiers-Paysages ne sont-ils pas une nature urbaine ?

ESTUAIRE 2009 - Jardins du Tiers-paysage par l'agence de paysage COLOCO