"Tuer le père" d'Amélie Nothomb

Publié le 03 octobre 2011 par Francisrichard @francisrichard

Chaque année, à la même époque, Amélie Nothomb sort un petit roman, petit par le nombre de pages mais intéressant par le contenu.
Elle aime traiter des anomalies de la vie et, je le reconnais, je me laisse prendre à chaque fois à ces petits - parfois gros - brins de folie des hommes, auquels elle attache tant d'importance.
Tuer le père, publié chez Albin Michel ici, est un titre freudien, qui ne peut qu'accrocher le lecteur. Comme Amélie Nothomb est malicieuse, elle se fait plaisir. Elle nous entraîne sur une fausse piste et nous nous faisons prendre à son piège.
Lire du Nothomb se fait sans grand effort, parce que le style est agréable, volontiers impertinent, et que nous le lisons d'une petite traite. Revers de la médaille, nous ne prêtons pas suffisamment attention aux petits détails qui devraient nous mettre sur la bonne piste.
Joe Whip vit seul à la périphérie de Reno, avec sa mère, Cassandra, qui ne sait plus très bien de quel père ce fils unique est le rejeton. Cette mère volage n'arrive pas à fixer d'homme dans sa vie parce qu'elle mélange les prénoms de tous ceux qui se succèdent dans son lit, ce qui n'est pas fait pour flatter leur ego.
Un jour elle tombe sur un Joe, ce qui devrait faciliter leur relation. Seulement il n'y a pas de place pour deux Joe sous le même toit. Elle met donc dehors Junior pour garder Senior auprès d'elle. Junior, à quinze ans, se retrouve alors seul dans la vie, sans père ni mère.
Joe est un peu spécial. Il a une passion, les tours de magie, qu'il exécute de mains de maître tout au long de la journée, au lieu d'aller à l'école où il s'ennuie, ce qui lui rapporte quelques pourboires. Dans un bar il se fait ainsi remarquer par un inconnu, qui ne lui donne rien mais lui recommande de prendre pour maître le plus grand magicien de l'époque, Norman Terence.
Joe Junior se présente donc chez Norman, qui vit à Reno même, et devient effectivement son élève. Norman vit avec Christina, qui a dix ans de moins que lui et dix ans de plus que Joe. Christina et Norman considère très vite Joe comme leur fils.
Ce ménage à trois n'est pas fait pour durer. Il ne dure pas. Joe fait tout pour se faire détester par Norman. Il quitte donc son foyer d'adoption au bout de trois ans. Or Norman s'est attaché à ce gaillard surdoué à qui il a appris plus d'un tour, même des tours de triche, en le mettant toutefois en garde :
"La magie déforme la réalité dans l'intérêt de l'autre, afin de provoquer en lui un doute libérateur; la triche déforme la réalité au détriment de l'autre, dans le but de lui voler son argent."  
En se rendant odieux, Joe veut-il en quelque sorte tuer le père qui l'a adopté de bon coeur et qui n'est pas son père biologique ? Le dénouement ne surprendra que ceux qui, comme moi, n'ont pas lu le début du livre de manière assez attentive. Amélie Nothomb a bien dû s'amuser à écrire la chute de son histoire...  
Francis Richard
PS
Voici les autres livre d'Amélie Nothomb dont j'ai parlé sur ce blog :
Le voyage d'hiver ici
Une forme de vie ici