Quand le Parti-État au Cameroun se confond au Parti communiste chinois

Publié le 05 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Le Parti politique actuellement au pouvoir au Cameroun et qui remportera vraisemblablement les prochaines élections présidentielles, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, présente de fortes similitudes avec le Parti Communiste Chinois. Analyse.

Par Daniel Noumbissie Tchamo (*)
Article publié en collaboration avec UnMondeLibre

Paul Biya, président de la République du Cameroun

Au Cameroun, le Parti politique au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais remportera vraisemblablement les élections présidentielles du 09 octobre 2011 avec son candidat naturel, Paul Biya même si le vrai vainqueur sera l’abstention. Le troisième Congrès ordinaire du RDPC tenu les 15 et 16 septembre 2011 à Yaoundé après l’officialisation de la candidature du « candidat de l’État » a mobilisé toutes les hautes personnalités de l’État. Ce qui a fait dire à certains qu’on assistait au Congrès du Parti communiste chinois surtout que ce dernier y était un hôte de marque. Une telle analogie était-elle une plaisanterie ?

Probablement pas. Le RDPC qui, idéologiquement, ne se réclame ni d’un communisme ou d’un « socialisme aux caractéristiques chinoises » (Hu Jintao), présente néanmoins de fortes similitudes avec le PCC fort intéressant à analyser sous la grille d’un régime autoritaire.

Le RDPC et le Parti communiste chinois au regard de leurs structures de fonctionnement donnent à voir et à penser la prééminence de la même figure emblématique à la fois à la tête du Parti et de l’État. Si en Chine, le premier Secrétaire général (n°1) du Parti communiste chinois Hu Jintao est à la fois le Président de la république populaire de Chine, au Cameroun le chef de l’État, Paul Biya, dirige son Parti depuis plus de 26 ans. Sa récente candidature laisse penser que le RDPC, comme l’État, est systématiquement verrouillé et dominé davantage par un groupe de réseaux formels et de relations personnelles que par la rigueur des structures dont la caducité et l’immobilisme ne présentent d’ailleurs aucun sursaut démocratique. Comment aurait-il pu en être autrement quand le RDPC, depuis le Congrès de Bamenda en 1985 (date de sa création) et après la démocratisation pluraliste avortée du début des années 1990, a gardé, outre les biens, les droits et les obligations de toute nature, tous les vestiges de l’autoritarisme de l’ancien Parti unique, l’Union nationale camerounaise (UNC). Les cadres du Parti comme les militants imbus de l’affairisme et de clientélisme, sont tous et constamment sujets aux réflexes de l’ère du Parti unique au point que Paul Biya affirmait au Congrès extraordinaire de juillet 2006 que « [...] la distinction entre l’administration, [l’État] et le parti n’est pas évidente pour tous, [même pour son chef] ». Cette confusion de genres et d’époques, les conflits d’intérêts et l’inculture politique sont entretenus par le Président national, véritable « homme-lion » au-dessus des lois (Art. 53 de la Constitution).

Comme dans la Chine dirigée de main de fer par le PCC, chaque poste à responsabilité dans le secteur public ou parapublic (directeur d’entreprise, des grandes écoles publiques, recteur et doyen d’Université, juges, maires de grande ville, patron de police, d’audiovisuel, et de l’armée etc.) au Cameroun est doublé d’un poste politique du parti. Comme à l’ère du Parti unique, c’est tout l’appareil de l’État personnalisé qui fait le parti. D’où le Parti-État. L’autoritarisme interne du Parti soutient celui de l’État et vice-versa en clouant au pilori les illusions démocratiques d’un peuple camerounais poussé à la compromission voire à la démission.

En Chine du PCC comme au Cameroun du RDPC, l’ascension socio-économique passe ou se consolide par l’appartenance au Parti. Pour les militants de base en proie aux questions de survie, l’appartenance au parti présente un atout pour décrocher un gagne-pain. Pour le chef d’entreprise, le Parti sert à obtenir les faveurs des services des impôts et garantir une prospérité fulgurante de ses affaires. Pour le parlementaire, la bannière du parti RDPC procure des privilèges qui « donnent droit » au trafic d’influence pour gagner indirectement des marchés publics. Pour les intellectuels devenus des clercs du régime, le Parti est un bon tremplin pour sortir de la clochardisation, de la marginalisation ou faire fonctionner rapidement l’ascenseur social grippé et le maintenir « en haut ». Car ici le poste de responsabilité est une mangeoire.

Au Cameroun, le RDPC imite le Parti communiste chinois dans son rapport aux libertés publiques et individuelles au travers d’un mode de gouvernance par la terreur, la corruption institutionnalisée, la manipulation (des personnes et des statistiques), les mensonges d’État, l’intimidation et les répressions sauvages de tout mouvement susceptible de donner lieu à des revendications publiques légitimes. Les libertés de réunions et d’associations pour les non militants de ce Parti ou « dissidents » dépendent du tempérament des administrateurs civils tels que les préfets, les sous-préfets, les gouverneurs, délégués au Congrès du Parti, et formés pour servir le Parti-État. Face à cette situation, l’opposition a perdu la bataille de la témérité dans l’action et la réflexion alternatives.

Par ailleurs, le mot « stabilité » au PCC comme au RDPC est un concept magique pour légitimer un État liberticide. Les droits humains sont davantage bafoués dans des prisons sauf pour la plupart de cadres du Parti condamnés ou en attente de jugement pour corruption ou détournement des deniers publics. Néanmoins, leur sort judiciaire ou pénitentiaire est entre les mains du chef de l’État et dépend du degré et de la nature de leur déloyauté à son égard.

Le classement de The Economist au sujet de l’Indice de perception de la démocratie 2010, où le Cameroun et la Chine figurent respectivement au 126ème et 136ème rang, ne surprend donc plus que les inconditionnels de ce régime, attachés à leurs privilèges. Mais le Cameroun PPTE échoue avec fracas là où la Chine émergente aurait « réussi » grâce l’ouverture économique depuis Den Xiaoping.

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(*) Daniel Noumbissie Tchamo est chercheur en philosophie politique et juridique.