Quels enjeux économiques et quelles ambitions pour notre territoire à l'horizon 2020?

Publié le 27 septembre 2011 par Toulouseweb
Les enjeux économiques locaux étaient à la une ce jeudi 22 septembre dernier sur le thème "Quels enjeux économiques et quelles ambitions pour notre territoire à l’horizon 2020", à la 1ere édition du FORUM ECONOMIQUE DE TOULOUSE organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse.
Cette première édition du Forum de l'Economie Toulousaine, dont l'objectif est de discuter ensemble autour d’un sujet d'actualité ou un thème intéressant particulièrement la région, rassemblait à Entiore, en périphérie de Toulouse, 700 décisionnaires et leaders économiques, politiques et institutionnels .
Françoise Benamou, économiste et professeur à l’Université Paris XIII a salué le choix de la CCI de commencer le forum par le thème de l’Université, qui, dit-elle, souffre de moins en moins du grand décrochage traditionnel Grande Ecole/Université qui se rapproche de plus en plus de l’entreprise ou du décalage entre recherche fondamentale et recherche apliquée. Elle a évoqué la baisse des crédits publics pour la recherche et l’innovation en France entre 1995 et 2007 pas du tout compensée par les investissements privés.
Selon elle, la valorisation de la recherche progresse à petits pas et elle déplore que la position française soit différente des Etats-Unis, car en France, on a des difficultés à transformer recherche scientifique en innovation industrielle et en business malgré le faisceau d’efforts entrepris.
Elle explique qu’en Europe et en France on devrait travailler sur 3 critères :
- L’incitation des Entreprises créées à partir de savoirs académiques
- Les accords de partenariats
- Les brevets
Présent également au forum, Alain Costes, directeur de Mapping Consultants et ex directeur du Laas, a conduit par le passé de nombreux projets de partenariats entre les communautés scientifiques et industrielles.
Celui-ci apporte quelques éléments de réponse à la question : « Pourquoi on peine en France à mettre en œuvre la valorisation de la recherche?
Alain Costes s’appuie pour répondre sur « le manque cruel en France, de recherche industrielle », et énonce que 2,1% du PIB est consacré à la recherche et au développement, dont 1% assuré par le public et 1% par la recherche industrielle et privée et résume qu’en France, on est mauvais en valorisation.
Il a été souligné par Hervé Penan, conseiller auprès de la direction générale des Laboratoires Pierre Fabre, que l’investissement privé dans l’université pour la recherche et l’innovation était trop bas et que le rapport industrie/université devait être appréhendé comme un investissement, que la temporalité de ces investissements n’était pas prise en compte par les gouvernances.
A ce forum a été rapidement évoqué le manque d’un dispositif fiscal choisi pour que les entreprises financent la recherche.
Et enfin, Olivier Dugrip a lancé à l’ensemble des entreprises présentes « Venez investir à l’Université vous en tirerez des bénéfices ».
On s’étonne d’un tel appel formulé à l’occasion de ce premier forum dans l’interêt des entreprises et on peut se demander si tout doit reposer d’emblée sur les entreprises pour financer l’université, et on se demande aussi s’il est réaliste qu’elles doivent toutes, sans distinction, prendre à leur charge par obligation des contrats en alternance – comme il l’a été imaginé pendant le forum . N’étant pas des centres de formation mais des entreprises à but lucratif, elles paient déjà une taxe professionnelle qui aurait du servir en partie à financer l’université comme déjà, les écoles. Et nous savons tous que les contrats en alternance ne peuvent se faire sur une durée de moins de deux mois, entraînant ainsi des charges sociales supplémentaires à l’entreprise.
Jusqu’à présent l’université n’était pas organisée pour recevoir des fonds en provenance des entreprises. Jusqu’à présent elle ne se donnait pas les moyens de le faire. Certains professeurs de l’université des Sciences Sociales à Toulouse prennent aujourd’hui l’initiative isolée de démarcher les entreprises en porte a porte pour financer un DESS, aujourd’hui transformé en Master, et ont accompli un travail titanesque bien que n’étant pas leur rôle.
L’Université ne semble pas être complètement préparée. Pourtant elle aurait eu un auditoire rêvé le jour du forum de Toulouse pour communiquer son numéro vert pour investir en recherche, comme l’a fait la CCI pour toutes les questions que se posent les professionnels, pour innover. Elle aurait pu aussi mentionner la création depuis 2009, d’une fondation UT1 Capitole présidée par le professeur Lucien Rapp, qui va avec succès chercher des fonds auprès d’investisseurs privés.
Prenons l’exemple de l’UIMM Midi-Pyrénées, qui s’engage aux côtés des Ailes Anciennes, d’IFI PEINTURE, et de l’AFPI Midi Pyrénées dans la mise en place à partir du mois d’octobre 2011, d’un Chantier Ecole.
En participant à la restauration collective d’un avion DE HAVILLAND VAMPIRE T11, une douzaine de jeunes et d’adultes en recherche d’emploi découvriront les métiers de la peinture industrielle, de l’ajustage montage et des matériaux composites.
Ce parcours de 455h comprend une Période d’Application en Entreprise de 105h.
A l’issue de ce projet, les stagiaires auront obtenu les pré-requis nécessaires pour accéder à un contrat en alternance (CQPM) ou à une embauche directe.
Si jusqu’ici l’Université ou l’Académie était plus active en la matière, des actions de ce type n’auraient pas besoin d’exister.
Le décalage entre le besoin des entreprises et l’université doit être résolu.
Certaines entreprises ont effectivement besoin de la recherche fondamentale et des universités si elles veulent survivre, et l’innovation n’est pas, comme l’a souligné Alain Costes, l’apanage des grands groupes comme Airbus.
Il a été souligné néanmoins durant ce forum que l’université a fait de gros progrès et a opéré des changements profonds, par exemple, à propos du cycle license, devant depuis peu – et c’est un tournant culturel - déboucher sur un diplôme professionnalisant.
Et les banques ? Que dire et quoi espérer aujourd’hui face à la vacuité des banques, qui ne prennent plus leur rôle de risqueur ? D’ailleurs aucune banque n’était présente à ce forum pour intervenir aux réflexions du forum sur les perspectives de la région en matière d’innovation et de leadership.
Autre sujet soulevé durant ce forum, le peu de motivation des jeunes en France, et même en Midi Pyrénées à créer une entreprise. Cette démotivation vient en partie du fait qu’à l’école le fonctionnement terre à terre d’une entreprise au quotidien ne soit pas mieux enseigné, et que les charges de structure et charges sociales soient particulièrement lourdes en France.
Alain Costes nous a rappelé que Toulouse est depuis longtemps la capitale de l’architecture de systèmes, que nous sommes en pointe sur l’ingénierie, et que l’université de Toulouse est au premier rang en matière de production de communications.
Il conclut que la région Midi Pyrénées ne manque ni de chercheurs, ni d’entreprises à la pointe de l’innovation, ni même d’outils et dispositifs incitatifs, mais ces derniers ne sont pas lisibles et les boosters éducatifs, incitatifs, financiers, ne sont pas au rendez vous pour transformer leurs efforts en business.
Souhaitons que cette prise de conscience visible sur le forum de Toulouse se transforme, comme le souhaite fermement la CCI, en actions concrètes d’ici 2020 de la part de l’ensemble des acteurs, état, Région, banques, universités et centres de recherche, et au centre de tout, l’école primaire et secondaire chargée de faire connaître et faire pousser la graine de l’entreprise dans la tête des élèves, encore faut-il que les enseignants eux-mêmes la connaissent et changent leur mentalité pour un esprit plus « partenaire » de l’entreprise et une rupture culturelle, fort heureusement entamée aujourd’hui par l’université. Alors naîtra plus naturellement une « culture de l’entreprise respectueuse de la recherche ».
Et les petites entreprises dans tout cela ? Comment peuvent-elles accéder à l’innovation ? Les intervenants au forum de Toulouse organisé par la CCI ont soulevé que l’innovation n était pas l’apanage des grands groupes et qu’il fallait aussi se battre sur les moyens à donner aux PME.
Dans tous les cas, il a été réaffirmé que pour fabriquer, construire, innover, Etat et collectivités locales avaient un rôle majeur à jouer et comme l’a souligné Fabrice Brégier, directeur d’Airbus et président de « pacte PME » représentant des groupes d’entreprises, il faudra définir des règles de bonnes conduite et des partenariats « win/win » - gagnants/gagnants – pour maintenir le leadership de notre région.
Rappelons que le gouvernement, dans le cadre du grand emprunt, a lancé l’idée de faire sélectionner les universités, pour leur permettre, en fonction de différents projets, de bénéficier d’un capital qui leur serait accordé.
En ce qui concerne les différents projets, les universités de Toulouse on eu des retombées, notamment LABEX (laboratoires d’excellence) et EQUIPEX.
Le vrai combat consiste à obtenir la qualification IDEX (initiative d’excellence) pour profiter des retombées du Grand Emprunt. 7 sites universitaires ont été sélectionnés, dont Toulouse. Mais seuls 3 sites universitaires ont été retenues au premier tour, malheureusement pas Toulouse.
Toulouse se prépare donc à conforter son image internationale en présentant sa candidature pour un second tour.
Toulouse, Nadia Didelot, Toulouseweb, le 27 sept 2011