Sleeper Cell - 1.04 - Scholar

Publié le 04 juin 2006 par Heather

J'avais rêvé d'un épisode de cette force prenant une telle tournure dramatique, philosophique, et une telle envergure et épaisseur, en lisant, cet été, le pitch de la série : le voilà. Intense, faisant oeuvre de pédagogie, complexifiant et déroutant les préjugés sur l'Islam, un épisode qui mériterait vraiment d'être visionné par beaucoup.
D'une telle densité que je ne sais par où commencer ma review.

Farik envoie l'étudiant d'origine indonésienne rencontré précédemment au Canada récupérer une cargaison d'anthrax. Dans le même temps, Darwyn, Farik et Tommy sont priés d'assister au discours d'un cheik yéménite, en visite aux Etats-Unis, dans une mosquée de L.A. Ce discours constitue le déclencheur d'un caléidoscope de réactions. En effet, le cheik prèche une vision du Coran opposée à celle avec laquelle Christian et Tommy ont été endoctrinés, condamnant le terrorisme, replaçant dans leur contexte des citations sensées justifiés le Jihad, glosant sans relâche dans un sens opposé des extraits du Coran, et recherchant la contradiction et le débat. 'Quel est le plus grand Jihad a dit le prophère ?' répète le cheik. Christian (ou le terroriste emprisonné vu au début de l'épisode et que le cheik a convaincu) répond sans hésitation : 'Le combat contre les Infidèles'. 'Non, le prophète a dit que c'était le moins important Jihad. Le plus important se déroule dans son esprit.' Pédagogue, le cheik disserte sur différents points du Coran, avec Christian qui, troublé, revient le voir à la fin de son discours. On a rarement l'occasion d'assister à un tel débat dans une fiction télé.
Farik annonce un peu après qu'il a reçu une fatwa contre le cheik et qu'ils doivent l'éliminer avant qu'il ne quitte les Etats-Unis, et surtout, avant qu'il ne délivre la fatwa qu'il a lui-même l'intention de délivrer à l'encontre de tous les terroristes suivant cette voie, enjoignant tous les musulmans à se joindre au mouvement.

Darwyn se sent impliqué et proche du cheik, il enjoint Ray (l'agent du FBI qui est son contact) de le protéger. Leurs discussions soulignent soudain tout le fossé existant entre deux hommes qui sont pourtant du même côté dans cette lutte contre le terrorisme, montrant bien que tout ne se résume pas à ça. Ray voit en ces luttes inter-Islam une lutte entre deux Jihad envers lesquels il éprouve la même méfiance, n'appréhendant pas la différence entre les deux. Ray assimile l'Islam, et les religions de manière générale, au fanatisme... Et implicitement, on sent que c'est contre cet ensemble flou et indéterminé qu'il combat. 'Cette war against terror'.
Farik réussit malgré tout à atteindre le cheik par Christian, qui le tue. Lorsque Ray annonce cette nouvelle à Darwyn, ce dernier paraît effondré et l'accuse de ne pas avoir pris les mesures de protection nécessaire. Ray lui répond que sa couverture compte plus que tout... Ils doivent aller au bout de cette opération.
Darwyn énonce alors une vérité, sous-jacente dans tout l'épisode mais qui n'avait jusqu'alors pas été explicitement affirmée : pour vaincre le terrorisme, il ne s'agit pas de lutter contre ses agents. La seule façon, c'est de l'intérieur. La vie du cheik était plus importante que l'entrée de l'anthrax sur le sol US empêchée par les informations de Darwyn, car c'est au sein de l'Islam que la lutte se joue entre de deux visions totalement opposées de cette religion. Ce n'est pas par la force que l'on peut vaincre le terrorisme, mais en promouvant les vues du cheik. C'est par la condamnation du terrorisme par l'Islam, c'est par l'Islam que les vues extrémistes peuvent être combattues. Et que cette guerre against terror pourra triompher.
Ray commence à peine à saisir les tenants de cet ensemble complexe, onhubilé qu'il est par cette unique opération, sans vision globale, se focalisant seulement sur ses intérêts et son côté.

Un épisode très fort donc sur le plan théologique.
La ligne dramatique est renforcée par les deux assassinats vers la fin dans un fond sonore prenant renforçant leur intensité : le cheik et l'étudiant qui a perdu en cours de route l'anthrax récupéré par les services secrets américains sans qu'il s'en rende compte et que Farik exécute après avoir appris la version selon laquelle de l'anthrax était en route pour l'Indonésie.

Cet épisode voit pour la première fois Darwyn se distancer vraiment du FBI dans leur vision de la lutte contre le terrorisme : c'est aux sources qu'il convient de lutter pour Darwyn. C'est au sein de l'Islam que cette 'guerre' se gagnera.
Des opinions exprimées dans cet épisode qui accentue l'aspect réaliste de la série, montrant également toute la complexité de la foi, la religion, le fanatisme. Chacun apporte sa réponse personnelle aux évènements qu'il subit. Les conflits actuels qui accentuent les tensions, exacerbent les extrèmes, sont cités à plusieurs reprises dans l'épisode : Tchétchénie, Palestine, Irak. La série dresse un constat dénué de tout manichéisme, comme une photographie d'une situation trouble où chacun recherche des réponses, mais pas forcément sur la même voie. Comme l'illustre Christian qui même s'il finit par tuer le cheik conformément à l'ordre de Farik a été troublé par ce qu'il lui a dit. La situation internationale amène à une victimisation d'une religion et les réponses à ces guerres varient selon les personnes mais peuvent amener justement à ce fanatisme...

L'épisode se conclut par une note d'optimisme après ce sentiment d'échec devant l'assassinat du cheik. Le terroriste emprisonné au Yemen, converti par le cheik au début de l'épisode, reprend son flambeau. Et on le retrouve dans la même cellule au Yemen, venant voir un nouveau prisonnier, reprenant les mêmes mots que le cheik... Une sorte d'effet papillon : les actions d'un homme peuvent ainsi avoir des répercussions, au sein même de l'Islam le mouvement de conversion doit se propager. L'action de quelques modérés est la seule voie contre le fanatisme. L'usage de la force générera toujours des victimes, et parmi ces victimes qui chercheront des réponses, certaines se tourneront vers le terrorisme.

Bilan : Le meilleur épisode jusqu'à présent. Très fort et puissant qui amène à réfléchir et remet en perspective beaucoup de choses dans une synthèse bien maîtrisée.