[Critique Cinéma] De bon matin

Par Gicquel

On le comprend, mais peut-on l’excuser ? Le geste est ultime, et  nous le montrer dès les premières images, implique bien évidemment un autre regard sur l’histoire de cet employé de banque acculé au meurtre.

Dans l’attente des forces de l’ordre, c’est du moins ce que l’on suppose, Paul Wertret revoit, enfermé dans son bureau, les moments de sa vie qui ont pu d’une façon ou d’une autre le conduire dans une telle impasse.

Le procédé n’est pas nouveau, mais une fois encore, Jean-Marc Moutout, (« Violence des échanges en milieu tempéré » ) l’utilise de manière originale, très circonstanciée.Au flash-back classique , voire redondant, au parcours linéaire, il opte pour la dispersion d’un puzzle qui ne cherche jamais forcément à constituer un ensemble. Mais plutôt des impressions, des sentiments, des images. Le processus habilement monté, donne à voir une histoire nouvelle , dans un contexte pourtant très ciblé.

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On y parle de subprimes, et autres  primes de liquidité (j’ai cru comprendre cela), et de la faillite des banques. «  Mais malgré nos 2 milliards de perte, nous sommes hors de portée » entonne, sur un refrain bien connu, un patron rassurant. Rassurez-vous à votre tour, ce n’est qu’une parenthèse du film, ou plus exactement son argutie autour duquel Jean-Pierre Darroussin  campe un extraordinaire personnage, figure emblématique de l’employé modèle , comprimé par un système qu’il a lui-même contribué à mettre en place.

C’est à cette implacable démonstration, et à son démontage, que sa hiérarchie va maintenant s’employer, dénaturant son propre travail au regard d’une collectivité qui ne survit que par la peur d’en être extrait.

Et là encore, il faut citer la prestation de Xavier Beauvois , en patron Caterpillar, tout aussi habité par l’ambition que  Paul Wertret peut l’être par la notion du travail. La critique sociale de Moutout réside dans cet antagonisme, qu’il élève à son paroxysme en condamnant au geste fatal une victime devenue bourreau.

On peut le comprendre, mais peut-on l’excuser ? A l’image du film, je n’ai pas la réponse.