Les libéraux et les deux libéralismes

Publié le 09 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Dans un monde qui ignore les idées libérales, on ne peut que saluer la parution de cette Anthologie réalisée par Michel Guénaire et intitulée Les deux libéralismes, Perrin, 2010. Le volume regroupe les textes de 29 auteurs, français et étrangers, de John Locke à Amartya Sen.

Une recension de Bogdan Calinescu
Article publié en collaboration avec l’aleps

Le titre de l’Anthologie est trompeur. Même l’auteur le reconnaît. En faisant la distinction – devenue classique -  entre le libéralisme politique et celui économique, il n’érige pas un véritable mur entre les deux. Le libéralisme politique a été plutôt l’œuvre des Anglais, d’un John Locke par exemple tandis que celui économique, et c’est un comble, fût plus français, avec l’œuvre des physiocrates. Les deux libéralismes se sont pourtant rejoints dans les écrits de plusieurs auteurs du XIXe siècle. Plus récemment, la mondialisation se serait opposée au libéralisme politique. Rien n’est moins sûr. Elle a apporté, au contraire, l’individu qui est au centre de la théorie libérale sur le devant de la scène politique en obligeant le politique à se remettre en question. Il est vrai que les institutions politiques ont été ébranlées. Mais n’avons-nous pas là la preuve que le libéralisme se méfie du cadre administratif et se tourne vers les principes ? Michel Guénaire a raison d’écrire que, paradoxalement,  « les hommes de notre temps ont abusé des principes libéraux sans se soucier de la dimension morale ». Car le libéralisme, quel qu’il soit, c’est d’abord une morale.

Les Français sont majoritairement contre l’économie libérale et la mondialisation. Mais lorsqu’on touche à la propriété privée et aux prix des produits qu’ils achètent, ils deviennent libéraux. Ce qui leur manque c’est la pédagogie des idées libérales. C’est peut-être la principale mission de cette Anthologie. Les textes choisis montrent d’abord que le libéralisme a été une réaction à l’absolutisme, qu’il a posé les bases de la démocratie moderne. C’est bien John Locke dans ses écrits qui fonde le « gouvernement libéral ». Ceci n’empêchera pas la méfiance future des libéraux à l’égard des politiques, même élus…  Ce qui est très important dans ce rappel historique c’est que le libéralisme est complètement incompatible avec toute forme d’autocratie. C’est bien l’état de nature qui confère aux hommes la liberté. Au XVIIIe siècle, on vit apparaître un second libéralisme, plus économique représenté surtout par Adam Smith. Certains pays se sont enrichis plus que d’autres, remarque Smith. Pourquoi ? Grâce aux échanges et à la liberté du commerce… C’est le « laissez faire » tant décrié aujourd’hui qui fonctionne et qui permet la création de richesses.

N’oublions pas non plus que la Révolution française fut d’abord libérale et qu’elle a été détournée de ses principaux objectifs : la liberté et la propriété privée. Benjamin Constant a bien senti les dérives du monde politique et a soutenu la distribution du pouvoir. Pour lui, le chef de l’État devrait avoir un « pouvoir neutre » séparé de celui des ministres qui ont un « pouvoir actif ». Intuition  de génie qui s’applique à merveille au fonctionnement politique du gouvernement actuel. Trop peu de place est accordée à Bastiat dans cette Anthologie. Il aurait mérité beaucoup plus de pages que d’autres. Bastiat l’inconnu en France est un auteur de génie avec le grand mérite d’avoir aussi été un politique, un vrai. Clair, passionnant, pédagogue, Bastiat devrait même être étudié dans les écoles.

Il y a dans cet ouvrage des auteurs qui ne devraient peut-être pas figurer, tant leur libéralisme est difficile à saisir. Et d’autres qui sont absents comme Jean-François Revel ou bien Mario-Vargas Llosa dont certains essais sont consacrés aux idées libérales. Où sont les libéraux français du XXe ? Les économistes Pascal Salin ou Jacques Garello ?  Difficilement compréhensible aussi le titre du dernier chapitre, « La fin de l’Histoire ou la fin du libéralisme ? » Fukuyama est opposé à Marcel Gauchet (son libéralisme reste encore à démontrer). L’évolution du monde et les récentes révoltes dans le pays arabes ne donnent-elles pas raison à Fukuyama ? Et finalement, existe-t-il un autre système – économique ou politique – qui marche ?

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Un article du site de l’aleps, Libres.org, reproduit avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.