Travaillant comme éditeur aux éditions du Sonneur, mes recensions d'ouvrages émanant de cette maison ne seront publiées que sur ce blog personnel.
Deux livres rejoignent ce mois-ci La Petite Collection du Sonneur : En quête du rien, de William Wilkie Collins, et Les éperons, de Tod Robbins.
En quête du rien n'est probablement pas ce qu'il commit de plus éblouissant. Ce petit texte n'en est pas moins sémillant et caustique à souhait : il faut imaginer ce que l'on put dire, en 1857, de ce personnage à qui le médecin ordonne le calme et un absolu repos (jusqu'à l'interdiction de penser), dans une société bourgeoise aux aspirations très industrieuses. Sans nullement constituer un chef-d'oeuvre, tant le propos manque tout de même un peu d'étoffe, l'on ne peut s'empêcher de sourire aux remarques de cet esprit que rien ne semble plus amuser que de prendre ses contemporains à rebrousse-poil, et pour lequel, on s'en doute, il ne sera guère aisé de trouver le calme escompté : "En ce monde de vacarme et de confusion, je ne sais où nous pourrons trouver le bienheureux silence ; mais ce dont je suis sûr à présent, c'est qu'un village isolé est sans doute le dernier endroit où le chercher. Lecteurs, vous que vos pas guident vers ce but qui a nom tranquillité, évitez, je vous en conjure, la campagne anglaise." A lire, donc, avec un peu de malice, et en songeant à nos moeurs les plus contemporaines.
De fait, on n'en mesure que mieux encore la folle modernité de cette nouvelle de Tod Robbins, condensé du meilleur esprit de la farce, dont elle a tous les groteques attraits, de la fable, car elle n'en est pas moins édifiante à sa manière, et de la satire, tant c'est aussi de l'époque que Robbins se moque. Peut-être pourrait-on dire qu'il use des personnages de foire comme La Fontaine usait des animaux : non tant pour se moquer des hommes que pour en déplorer la suffisance et la bêtise. J'ai toujours pensé qu'il y avait aussi une part de mélancolie, voire de colère, dans ce registre qui conduit le lecteur à louvoyer entre hilarité, stupéfaction, cynisme gourmand et voyeurisme grand-guignolesque. Dans le genre, Les éperons nous donnent une petite leçon de maîtrise et de composition : c'est vif, roboratif, implacable, et d'une concision narrative dont le goût du détail ne pâtit jamais.
La préface des Eperons est de Xavier Legrand-Ferronière. Les deux textes sont traduits par Anne-Sylvie Homassel.