On a gagné ! cocoribas !

Publié le 16 octobre 2011 par Egea

La qualification de la France pour la finale de la coupe du monde a-t-elle une signification géopolitique ? oui, car elle témoigne d'un changement de comportement français. Il n'y a plus d'exception française, et le French Flair est comme le Moulin Rouge, un mythe important à l'export pour faire fantasmer les touristes, mais très loin de la vie quotidienne des Français.

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1/ Que n'ai-je entendu : on a été nul, on ne mérite pas la victoire, bof, ce n'est pas français. Je retrouve là ce goût français pour le panache et l'honneur, cette fascination pour les défaites glorieuses qui font (depuis le XX° siècle seulement), la gloire des armées françaises (Camerone, Bazeilles, Sidi Brahim, Dien Bien Phu, Reichshofffen, ....). Depuis Azincourt, on adore ces batailles où "tout est perdu, fors l'honneur".

2/ Où sont ces charges de chevau-légers, cette furia francese, cette cavalerie légère, ces attaques au large, cet esprit mousquetaire, cet esprit français ? Je vais vous le dire : dans nos rêves, ou ce qu'il en reste.

3/ Car seule la victoire est belle. Revenez au Grand Siècle, à Corneille, au Cid : alors le culte de l'honneur ne compte que la victoire, c'est elle qui fait le héros. Et la naissance. Corneille est disparu depuis longtemps, et Racine a pris le dessus (souvenez-vous : l'homme tel qu'il est par rapport à l'homme tel qu'il doit être...). Nos rêves sont du siècle passé. Dans le nouveau siècle, normalisé, standardisé, mondialisé, ces rêves appartiennent à l'intime, au virtuel, aux jeux de rôles : on les pratique en privé, mais pas dans la vie réelle.

4/ Et le rugby n'est plus celui du village ou du pré. Le rugby s'est urbanisé, plus que professionnalisé. Il sentait le rouge du Languedoc, il s'était mis à la bière avec le tournoi des cinq nations, il s'est mis à l'eau, comme le capitaine des Anglais. Pensez à cette attitude de Lièvremont, après la défaite contre les Tonga, qui vient avec ses packs de bière pour refaire le match avec les joueurs, et ne trouve aucun amateur.

5/ Ils sont pros. Pas de mise en bière, ni en boite. Ils sont là pour gagner, pas pour des émotions collectives et compulsives. Laissez cette littérature aux journalistes et pisse-copie, payés pour faire mousser "l'événement", celui qu'on vend à la télé. Hénaurme, vous dit-on ! vous devez le regarder, et ne pas vous éclipser pendant les pubs (pardons, les pauses des partenaires, comme on dit pudiquement).

6/ Donc, ils auraient perdu sans gloire contre les Tonga, et gagné sans convaincre contre les Gallois, devenus subitement les héros du jours, les Français du jour ? Bravo au beau défait.

7/ Eh ! bien, je ne suis pas d'accord. Vae victis ! Marre d'avoir regardé tant de match où la "beauté du jeu" et la défaite "digne car avec orgueil" m'ont laissé avec l'amertume de celui qui a perdu et qui se raconte des coups pour compenser son échec. On a joué comme des Anglais ? du pragmatisme ? du char d'assaut plutôt que de la fantassinade ? on n'a pas joué pour gagner mais pour ne pas perdre ? un jeu d'avant et de défensive, plutôt qu'un jeu d'ailier et d'offensive ? on a tenu le score ? bien joué. Seule la victoire est belle. (surtout que V Clerc reste le meilleur marqueur de la coupe du monde).

8/ Et c'est la fin de l'exception française. Cette équipe perdue, égarée, larguée, se retrouve finalement en finale de coupe du monde. Elle symbolise très bien un pays qui a fait sa mue et viré sa cuti, un pays qui s'est normalisé et qui a accepté les règles du jeu : pragmatisme, calcul, changements de pied selon les intérêts du moment. Loin du message universel qu'il a longtemps porté ? mais cette illusion, que nous a-t-elle apporté ? même en France, on s'adapte. C'est ça ou disparaître. Il faut que tout change pour que rien ne change.

9/ Restera la vraie exception française : celle d'un pays qui choisit pour symbole un coq (voir mon billet), truc ridicule avec plein de belles plumes qui chante tôt sur son tas de fumier, alors que tous les autres se prennent au sérieux avec leurs aigles, leurs lions et leurs léopards..... L'esprit français, celui qui perdurera, ce ne sera pas le mythe triomphant de d'Artagnan et de Bayard, mais l'humour rebelle d'un Arsène Lupin qui joue de la force et de l'humour.

Cocorico !

O. Kempf