Qu’est-ce qu’un bon système fiscal?

Publié le 17 octobre 2011 par Copeau @Contrepoints

Un bon système fiscal est simple, peu coûteux, équitable et il minimise les distorsions économiques.

Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec

La récente sortie de Warren Buffet concernant l’impôt sur les revenus des riches a jeté un pavé dans la mare. Ce que sa situation mettait en évidence n’est pas que les riches ne sont pas suffisamment imposés, mais bien que ceux-ci bénéficient d’innombrables niches fiscales qui leur permettent de diminuer leur fardeau fiscal. Dans le cas de Buffet, une grosse portion de ses revenus proviennent de dividendes, lesquels sont sujets à un crédit d’impôt.

Ceci étant dit, en supposant que les dépenses de l’État ne puissent pas être entièrement financées par des frais et des tarifs à l’utilisateur, quel est le meilleur système fiscal? Pour moi, un bon système fiscal est simple, peu coûteux, équitable et il minimise les distorsions économiques. Selon Nathalie Elgrably, des chercheurs ont montré que les Canadiens ont dépensé en 2005 de $18,9 milliards à $30,8 milliards pour produire leurs déclarations de revenus, soit un montant variant entre 585$ et 955$ par contribuable. De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a estimé en 2008 qu’il en coûte $12,6 milliards aux entreprises canadiennes au chapitre de la conformité fiscale. La complexité est également coûteuse pour l’État. À lui seul, Revenu Québec emploie 9.000 fonctionnaires et nécessite un budget de $1,4 milliard. Ces chiffres sont scandaleux.

Le rôle régalien de l’État est de protéger la propriété des citoyens. Cela comprend entre autres le système de justice, le système carcéral, la sécurité civile, la police et la défense. La propriété la plus basale dont nous disposons naturellement est notre corps. Le coût de cette protection est le même pour tout le monde. Cependant, lorsqu’il est questions de propriété matérielles et financières, les riches en ont davantage, il est donc logique que ceux-ci paient davantage d’impôts.

Concernant Monsieur Buffet, il faut noter que ce dernier paie plus d’impôts que la grande majorité des américains. Le problème est qu’il en paie moins que d’autres en pourcentage de son revenu total grâce au crédit d’impôts sur les revenus de dividendes. Doit-on éliminer ce crédit?

En fait, l’impôt sur les dividendes est une forme de double-taxation car les profits de l’entreprise versant lesdits dividendes ont déjà été sujets à l’impôt. Est-ce qu’on devrait alors ne plus taxer les dividendes? Non! Car à ce moment, certains petits entrepreneurs choisiraient de ne plus se verser de salaire et de se verser de plus gros dividendes non-imposables, ce qui serait une forme d’évasion fiscale. Il serait plus simple et efficace d’abolir l’impôt sur les entreprises. En revanche, j’abolirais aussi le crédit d’impôt sur les dividendes, celui sur les gains en capitaux ainsi que les régimes enregistrés d’épargne retraite (REER) et les comptes enregistrés libre d’impôt (CELI). En somme, tous les revenus de placements seraient imposés à 100% sans aucune exception. Ainsi, les entreprises seraient taxées à travers leurs actionnaires. Qu’en est-il des actionnaires situés à l’étranger? Les revenus de placements seraient taxés à la source, et non à la destination.

Concernant l’impôt sur le revenu, je favorise nettement la « flat tax », pour sa simplicité et parce qu’elle engendre moins de distorsions que l’impôt progressif. Ce dernier décourage le travail et la prise de risques. Par ailleurs, l’impôt progressif incite les riches à se réfugier dans les niches fiscales, à adopter des stratégies d’évasion fiscale et même à frauder le fisc. Dans un système flat tax, plus nos revenus sont élevés, plus on paie d’impôt, ce qui peut être considéré équitable. Il y a de nombreux exemples de systèmes flat tax qui ont connu du succès à travers le monde.

Voici quelques extraits d’un excellent texte publié récemment par Vincent Bénard :

Les Anglais, en guerre contre Napoléon, décidèrent de créer en 1799 un impôt sur le revenu progressif, dont le taux marginal était de 10%, ce qui, pour l’époque était très élevé. Rappelons que les États consommaient couramment moins de 10% du PIB de leurs nations à l’époque. Notez également que les guerres sont souvent le prétexte pour créer un impôt sur le revenu, impôt jamais supprimé en temps de paix…Cet impôt rapportera environ 2 millions de livres à la couronne, ce qui sera jugé décevant. Alors que le Blocus Napoléonien fait rage, l’Angleterre transforme cet impôt progressif en Flat Tax à 5% (1804) puis 6,5% (en 1806): le produit fiscal augmente à 15 millions de livres, à une époque où l’inflation n’existe pas. La baisse des taux et la simplification du barème ont permis de multiplier par 7 le produit fiscal de l’impôt.

Dans la période récente, ce sont dans les iles anglo-normandes et à Hong Kong que l’on retrouve les premières traces de Flat Taxes. Mais c’est après la chute du mur de Berlin que le nombre de pays libérés du communisme vont, tour à tour, adopter cette fiscalité de bon sens. Sauf oubli de ma part, ce sont 35 pays dans le monde, qui, aujourd’hui, ont mis en place des « Flat Taxes » ou des « quasi Flat Taxes », c’est à dire avec une première tranche à zéro % et une Flat Tax opérant uniquement à partir d’un certain seuil de revenus.

Prenons le cas de la Russie. Après la chute du communisme, conseillé par les habituels idiots keynésiens des grands organismes mondiaux regroupés sous la bannière du « consensus de Washington », le président Eltsine néglige la mise en place d’un droit propice à la vie des affaires honnêtes, ouvrant la porte à toutes les dérives mafieuses, et croit pouvoir mettre en place un « impôt juste et efficace » en instaurant un impôt progressif avec un taux marginal de 42%. C’est d’autant plus ironique que l’URSS, paradis égalitaire autoproclamé, avait instauré sur ses citoyens une… Flat Tax au taux de 13%. À 42%, les riches, qu’ils soient honnêtes ou non, ont arrêté de payer leurs impôts. Vladimir Poutine, arrivant au pouvoir, constata le désastre, et adopta la seule solution de bon sens qui lui restait: rétablir la Flat Tax de l’ancien régime, au taux de… 13%, entrée en vigueur le 1er janvier 2001. En 2001, le produit de l’impôt sur le revenu en Russie a augmenté de 25,2% après ajustement lié à l’inflation. La croissance du PIB elle même (5,1%) ne peut expliquer la totalité de la croissance de ce produit. En 2002, le produit fiscal a encore augmenté de 24%, ajusté de l’inflation (croissance du PIB: 4,7%). Enfin, en 2003, la croissance du produit fiscal a été de 15% (inflation ajustée) pour une croissance du PIB de 7,3%.

La Slovaquie a introduit la Flat Tax en 2004 – Plus globalement, elle a réformé sa fiscalité autour de 3 impôts représentant la quasi totalité des recettes fiscales: la TVA, la Flat Tax et la Corporate Tax, toutes les 3 à 19%, avec une exemption pour les très bas revenus. La croissance jusqu’en 2004 était déjà robuste, et il est impossible d’affirmer avec certitude que les chiffres ébouriffants obtenus entre 2005 et 2008 sont seulement dus à l’effet « Flat Tax », ou si l’entrée dans l’UE doit être créditée d’une partie de cette performance. Mais en tout cas, elle n’a pas fait de mal! La Flat Tax a tellement amélioré les fondamentaux économiques de la Slovaquie qu’elle a été acceptée au sein de la zone Euro en 2009 (ce qu’elle semble regretter aujourd’hui, mais c’est un autre débat…).

En Géorgie, la révolution « des roses » de 2004 a porté au pouvoir une équipe encore plus réformatrice que celle qui sortit l’Estonie du communisme en 1991. Au cœur des réformes, une transformation du système fiscal, où le nombre d’impôts est passé de 20 à 7, avec comme ossature une Flat Tax sur les revenus des ménages de 12% remplaçant un impôt progressif, augmentée d’une « payroll tax » de 20% (charges sociales -33% avant la réforme), un IS de 20%, et une TVA de 18% (au lieu de 20). L’effet sur la réduction de l’évasion fiscale a été exceptionnel, et la croissance des trois années suivantes atteindra 10% en moyenne, alors que les revenus fiscaux de l’État et des collectivités passera de 14,5% du PIB en 2003 à 22% en 2006. Parallèlement, la Géorgie est passée de la 131ème à la 11ème place mondiale des pays « business friendly », selon la banque mondiale.

Par ailleurs, en Estonie, suite à ce que le niveau général des impôts ait été diminué et qu’un taux d’imposition unique ait été introduit, les recettes fiscales de l’État ont augmenté substantiellement, engendrant un boum économique. Le nombre d’entreprises est notamment passé de 2.000 en 1992 à 70.000 en 1994 (source).

Il est donc clair que l’impôt à taux unique, ou « flat tax » a fait ses preuves. Il est plus simple, moins coûteux à administrer, plus équitable et engendre moins de distorsions économiques que l’impôt progressif.

Mais pourquoi taxer les revenus? Pourquoi ne pas taxer les dépenses à la place, avec une taxe de vente? Pourquoi ne pas taxer le stock de capital?

Pour ce qui est des taxes de vente, c’est encore une fois une double-taxation puisque l’argent utilisé pour acheter les biens taxés provient de revenus qui ont déjà été taxés. Par ailleurs, cette forme de taxation est régressive; c’est-à-dire que plus un individu a des revenus élevés, moins il paiera de taxe de vente en pourcentage de son revenu. Elle encourage les gens à dépenser dans d’autres pays où le niveau de taxation est inférieur. Elle place un lourd fardeau administratif sur les commerçants, qui finissent pas repasser une partie des coûts aux consommateurs, réduisant le pouvoir d’achat. Finalement, elle encourage les consommateurs à l’éviter en payant comptant, ce qui permet aux commerçants de cacher des revenus à l’impôt. En ce qui me concerne, j’éliminerais les taxes de vente.

Concernant une taxe sur le stock de capital, elle a l’effet pervers dévastateur de décourager l’investissement, une bien mauvaise chose pour l’économie. D’ailleurs, si on taxe déjà les revenus générés par le capital, cette taxe constitue une autre forme de double-taxation. Il est plus simple de taxer les revenus provenant du capital directement dans les poches de ceux qui le détiennent.

Conclusion :

En somme, les réformes que je propose simplifieraient grandement le système fiscal et le rendraient moins coûteux. Le travail acharné, la productivité, la prise de risque et l’investissement seraient moins découragés. En éliminant l’impôt sur les entreprises, beaucoup d’entreprises étrangères décideraient de venir s’installer ici, créant des emplois. La flat tax sans possibilité de se cacher dans des niches fiscales viendrait combattre l’évasion fiscale et élargirait l’assiette de taxation, tout en étant moins coûteuse. L’élimination des taxes de vente viendrait augmenter le pouvoir d’achat des gens. Le niveau de compétitivité de notre économie et son aptitude à créer de la richesse y gagneraient beaucoup.

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