James Blake – Enough Thunder

Publié le 18 octobre 2011 par Lcassetta

L’étape suivant un grand succès est toujours délicate. Après l’album de James Blake, plus créatif que jamais, tout le monde est resté les yeux rivés sur l’artiste, attendant avec impatience son prochain coup de grâce. Notre musicien qui sait si bien nous plonger dans des ambiances sombres et mélancoliques nous a donné de ses nouvelles récemment en sortant son EP, Enough Thunder. Qu’en est-il de ce disque ?

Avant de commencer toute critique, s’il y a une chose qu’il faut bien reconnaître, c’est que James Blake est l’un des rares à révolutionner la musique d’aujourd’hui, à créer quelque chose de nouveau en mêlant des inspirations improbables. Entre sons post-dubstiens, pianos envoûtants et chants déchirants de mélancolie, James Blake a indéniablement réussi ce pari d’innover, de créer, de faire de la musique moderne et de se distinguer.

S’il y a une chose dont il faut être certain, c’est que ce disque représente une grande mutation pour Blake, si à ses débuts l’artiste jouait sur ses sonorités déchiquetées, dérangeantes et pourtant si attachantes, le voilà maintenant qu’il met sa voix au coeur de la musique même, qu’il en fait l’instrument principal de son disque. Chose qui peut plaire, vu sa voix cristalline si particulière, mais qui peut aussi décevoir, vu qu’on assiste à de longues prouesses vocales où la monotonie est l’élément directeur.

Vous l’aurez donc compris, fini l’autotune massif, cet outil se fait désormais discret, à part sur son somptueux duo avec Bon Iver, Fall Creek Boys Choir qui reste, pour moi, la piste la plus réussie de l’EP. On serait même tenté de dire que James Blake a fini par troquer sa dubstep singulière contre une soul monotone et nonchalante et là est tout le hic.

Le CD commence sur Once We All Agree où on ressent encore ce ton propore à Blake, cette voix discrète, si répétitive et enivrante qui nous transperce et nous transporte ailleurs, mais pas assez. Il y a cette force qui manque à cette piste, il y a quelque chose qui n’est plus, ce brin d’émotion poignant qui nous déchirait sur Lindisfarne ou I Never Learnt to Share. On reste alors sur notre faim et l’on continue l’écoute, nous disant que ce n’est finalement que le morceau introductif d’un long EP de 38 minutes.

We Might Feel Unsound vient discrètement prendre la relève, un son discret, une voix musicale qui nous emporte, mêlée à des murmures et des crépitements ponctuant le morceau. On n’est toujours pas convaincu et l’on se dit que le meilleur reste à venir, ce qui est en parti vrai, mais pas tout à fait.

James Blake ne s’est pas trompé en sortant Fall Creek Boys Choir en guise de premier single extrait de l’EP, c’est indiscutablement le morceau le plus fort du disque. Cette chanson est émouvante, on ressent l’alchimie dans laquelle elle a été conçue, les voix de Blake et Bon Iver se mélangent dans une harmonie parfaite, on en arrive à ne plus distinguer leurs voix décidément faites pour chanter ensemble. Le chant est merveilleux, la musique est travaillée dans le détail, le résultat colle à la peau, se fait écouter en boucle, à chaque fois différemment. Fall Creek Boys Choir est ce qu’on peut appeler un morceau très réussi.

Ce qui a toujours attisé la curiosité des auditeurs de James Blake, c’est que sa musique ne faisait pas que se consommer comme on écouterait de la musique “ordinaire”, elle avait cette touche mystique qui faisait que l’on se posait des questions, que l’on se tourmentait en cherchant à comprendre ce qui se passait dans nos oreilles et notre esprit à l’écoute de ces sons éclectiques, et c’est, quelque part, ce qui fait l’identité même de la musique de James Blake, cette touche compliquée de mystère, de créativité et de jamais vu sur laquelle on butait quasi-automatiquement à première écoute, et c’est malheureusement cet aspect de la musique de Blake que l’on ne retrouvera plus dans la suite de l’EP. A Case of You et Enough Thunder sont deux pistes où James Blake s’est concentré sur son piano et a mis sa voix au coeur de la musique. En toute objectivité, ces pistes nous font découvrir une facette différente de celle que nous connaissions de Blake, cette dernière pourrait certainement plaire à des personnes qui n’ont pas encore expérimenté la musique de l’artiste tourmenté mais elle risque aussi de déstabiliser les fans de la première heure, notamment ceux qui ont même eu du mal à digérer son premier album.

Not Long Now laisse indifférent, on ne s’y arrête pas longtemps, une sorte de pause entre A Case of You et Enough Thunder qui constituent certainement une certaine nouveauté par rapport à ce qu’à fait James Blake auparavant mais qui risquent de ne pas faire l’unanimité non plus.

Il aurait été facile pour James Blake de nous proposer un EP similaire à l’album, chose qui serait passée très facilement, son public l’aurait vite fait acclamé et il aurait pris un chemin facile vers la notoriété. Ce qui n’est heureusement pas le cas. Même si l’artiste a tous les yeux rivés sur lui, il n’a pas hésité à expérimenter de nouvelles choses, à surprendre, décevoir aussi peut-être, mais il n’a pas laissé indifférent en tout cas. Enough Thunder est décidément le projet le plus risqué de l’artiste, mais qui recueille en lui de petites perles musicales qui ne laissent pas de marbre, se laissant apprécier au fil des écoutes, et c’est là tout le charme de l’artiste.

Youssef Roudaby (Youssef Roudaby)

Étudiant architecte. Avide de découvertes musicales et littéraires. Cinéphile passionné. Rédacteur en chef de Lcassetta.com