Comment les partis politiques draguent-ils les jeunes sur Internet?

Publié le 19 octobre 2011 par Abelcarballinho @FrancofoliesFLE

Voilà un article au moins sympatique, de David Doucet sur Rue89 sur les stratégies des partis politiques pour attirer les jeunes par le moyen d'Internet.

Un jeune qui ne s'intéresse pas à la politique a autant de chances de tomber sur le site web de l'UMP que de voir Eric Zemmour faire la claque à un congrès du Parti communiste. Alors que les jeunes sont massivement présents sur les réseaux sociaux, tant bien que mal, les partis tentent de s'adapter. Pour capter l'attention du « jeune », ils misent sur quatre leviers.

La bataille du LOL


« Les gens ne viennent plus sur nos sites pour lire des articles, on cherche à s'adapter », explique Emile Josselin, responsable des contenus web au Parti Socialiste. 

Le parti a lancé Bonjour la droite, un site parodiant allégrement les turpitudes des hommes et femmes politiques appartenant à la majorité. Lors des élections cantonales, le site avait notamment fait parler de lui en épinglant une candidate UMP qui s'était laissée aller à des blagues racistes sur son profil Facebook.

Dans cette guerre du LOL (abréviation de « laughing out loud » symbolisant le rire), l'UMP n'est pas en reste et a lancé un Observatoire des mensonges de la gauche cherchant à traquer les contre-vérités du Parti socialiste. Benjamin Lancar, président des Jeunes Populaires, explique :

« Cette opération a bien marché et elle permet d'associer l'idée de mensonge à la gauche dans l'esprit des gens. »

A mi-chemin entre la provocation et l'autodérision, il n'hésite d'ailleurs pas à donner de sa personne pour « iRiposter » (contrer les attaques de la gauche) et donner de la visibilité à son mouvement, comme le montrent ces deux messages ci-dessous qu'il a postés sur son compte Twitter.

Monique Dagnaud, sociologue au CNRS, analyse :

« Les sites institutionnels représentent une sorte de littérature grise pour les jeunes aujourd'hui. Les partis politiques cherchent donc à s'adapter en reprenant les codes de l'humour sur Internet. »

L'humour sur le Net permet également un passage à l'action. Gérald Briand, responsable des contenus au Parti communiste, rapporte :

« Lors des cantonales, nous proposions par exemple d'imprimer un logo UMP à coller sur les affiches des candidats de droite refusant d'indiquer leur appartenance. »

Choc et effroi

Au sein d'Europe Ecologie-Les Verts, on « aimerait dépasser le LOL ». Lors des élections régionales de 2010, EELV avait déjà adopté une stratégie de communication très décalée par le biais de clips subversifs critiquant l'écologie de droite. (Voir la vidéo)


Michel, contrôleur de surface en zone...
par EuropeEcologie


Frédéric Neau, responsable web d'Europe Ecologie-Les Verts, explique :

« Nous nous sommes rendu compte qu'il était difficile de mixer l'humour et le contenu sérieux, et désormais nous réfléchissons plutôt à des campagnes basées sur des images choc, à l'instar de ce que peut faire Banksy. »

Une stratégie déjà adoptée par le Parti communiste par le passé. Ainsi, lors des européennes de 2009, un clip nerveux réalisé conjointement avec le Parti de Gauche reprenait une séquence du film « La Haine » pour dénoncer la rage engendrée par la politique sarkozyste. (Voir la vidéo)

 


front de gauche
par espacecitoyen


Pour ces partis aux moyens moins importants que ceux du PS ou de l'UMP,
l'objectif est de marquer suffisamment l'opinion pour obtenir des reprises dans les médias et toucher ainsi davantage de personnes que les traditionnels cercles d'initiés.


Les vertus du participatif

La victoire de Barack Obama en 2008 est avant tout celle d'une extraordinaire mobilisation sur les réseaux sociaux, le candidat démocrate ayant réussi à persuader un grand nombre d'internautes qu'ils pouvaient être des « acteurs du changement ».

Aujourd'hui, avec 19 millions de personnes abonnées à sa page Facebook, le président américain a fidélisé sa communauté de militants. En France, si Arnaud Montebourg ou Rama Yade rêvent eux aussi d'une révolution 2.0, les partis politiques sont loin d'en tirer la substance et se servent surtout de Facebook comme d'une source de trafic pour leur site web.

En la matière, il faut bien reconnaître que le bon exemple ne vient pas d'en haut. La page Facebook du président de la République peine à mobiliser les foules tandis que la modération des commentaires laisse franchement à désirer.

Un constat qui n'étonne pas la sociologue Monique Dagnaud :

« Le Web a fait disparaître la sacralisation des partis politiques et des institutions au profit de l'idée qu'en s'organisant collectivement, on peut parvenir à ses fins, Internet étant profondément porteur du concept d'auto-organisation, la notion de “do it yourself”. »

Europe Ecologie est sans doute la structure ayant le plus assimilé cette idée à sa structure d'organisation. Fonctionnant de manière très décentralisée, les « écologeeks », la division web d'EELV mise sur la démultiplication d'initiatives individuelles sur les réseaux sociaux (créations de groupes Facebook misant sur le second degré, lancement de vidéos virales…).

Fréderic Neau explique :

« Nous cherchons à décloisonner la politique sur Internet et nous nous laissons donc libre court à la créativité de nos militants. »

Le nouveau statut de « coopérateur » inscrit dans la charte d'Europe Ecologie-Les Verts permet d'ailleurs de participer à ces opérations web sans avoir besoin d'une carte d'adhérent.


Identification et libération de la parole

Concurrencés par les réseaux sociaux, les blogs ont vu leur rôle se tasser dans les stratégies des partis. A une exception près : l'extrême droite, où certains sites jouent un rôle de passerelle entre le parti et les sympathisants, et de carrefour pour leurs discussions et l'expression de leurs idées.

Julien Sanchez, secrétaire national à la communication numérique au FN, explique ainsi :

« Il n'y a que sur Internet que l'on a des médias proches, avec Nations Presse Infos ou Fsesouche. Ça permet d'ouvrir les yeux aux gens. »

« Tous les jeunes que l'on récupère aujourd'hui, c'est grâce au Web », soutient également Nathalie Pigeot, responsable du Front national de la jeunesse.

Alors que les électeurs frontistes ont longtemps eu des difficultés à exprimer leurs opinions en public, le Web a permis une libération de la parole sous l'effet de l'émulation collective.

Fdesouche, un « monopole sur les questions d'intégration »

Contacté par e-mail, François de Souche prend soin de préciser sa stratégie :

« Nous sommes la génération télé et Internet, les jeunes lisant de moins en moins, nous nous sommes adaptés en ayant souvent recours à la vidéo. »

A l'instar de la méthodologie qui a fait le succès électoral du FN, Fdesouche alimente sa revue du Web quotidienne en récitant une partition monochromatique : identité, islam et immigration.

Conscient de la popularité prise par Fdesouche, le Mouvement des jeunes socialistes et plusieurs associations vont prochainement lancer un site cherchant à donner la parole à des minorités peu visibles sur le Web, les jeunes des quartiers difficiles.

Jonathan Debauve, secrétaire national de la communication au MJS, en résume l'objectif :

« Nous allons répondre point par point à Fdesouche pour rétablir la vérité sur les cités populaires et sur les réussites de l'intégration. Nous ne laisserons plus ce site avoir le monopole sur ces questions. »

source: David Doucet sur Rue89