Pas d’aligot pour les manchots !

Par Klmchantrier
by Fanie

Attention âmes sensibles sudistes s’abstenir. Car je vais vous parler d’un plat que les normands ne peuvent pas connaître… L’aligot. Et quand une normande « un peu » tête en l’air sur les bords se mêle de le cuisiner, l’aligot n’a aucune chance de survie.

L’aligot. Je connaissais aligator, aligato, mais l’aligot, nan. Grand mal m’en fasse. Car ce jour-là, j’ai bien failli perdre la vie.
Le drame qui va se rejouer pour vous demande un peu de concentration. On commence par le début.
La situation initiale était quasi idyllique : on était tous réunis, les inséparables du week-end, Clem, moi et Gg.

Gg, harassé par une semaine de boulot, revenait du marché avec tout plein de bonnes choses de « son pays », marché, qui au passage n’a lieu qu’une fois par un an. C’est le fameux marché de l’Aveyron, et à l’entendre, c’est le seul endroit de toute la terre, en tout cas à Paris, où tu peux trouver des produits de là-bas de qualité.
Donc ce n’était pas du tout un évènement. Il en avait seulement rêvé toute la semaine.
Ses yeux, ses cheveux, enfin toute sa personne brillait de bonheur à l’idée de se régaler de son plat préféré, et d’en faire profiter les deux femmes de sa vie.
Vous l’aurez compris : le sudiste, c’est lui. la normande, c’est moi. C’est un détail dans l’histoire, mais. Quand même.
Moi, stressée par mes aventures avec ma voiture, – qui bientôt me coûtera un rein, pour l’instant, elle ne m’avait coûté qu’un bras -, et quant à Clem, pressée de prendre sa douche hebdomadaire, me lance : « Mets vite le pack de l’aligot dans l’eau, avant qu’elle s’évapore ». Je prends le pack en question, et je me dis, « bon c’est de la purée, ben c’est pas compliqué, dans l’eau et zou »…. Et là, le drame. Dans mon inconscience normande, je sors tout de go l’aligot, sorte de purée compacte, et le balance dans l’eau …
Première grave erreur : l’aligot de la purée ? C’est un savant mélange de purée de pomme de terre, de tome fraîche, d’aïl et de crème fraîche.

Notre sudiste rentre tout frétillant, mais bientôt voyant le spectacle de l’aligot agonisant dans l’eau, il s’arrête net.
Ses couleurs l’abandonnent. Son regard devient fixe. C’est un peu comme s’il venait de voir s’ouvrir la porte des étoiles, ou qu’il entrait dans le vortex d’une autre dimension.
Je sentais bien que quelque chose clochait. Et soudain je vois dans ses yeux que le coma n’est pas loin. Gg, respirant à peine, me dit, livide, « je vais fumer une cigarette »…
Aïe, aïe, le sudiste d’ordinaire charmant et souriant a perdu sa joie de vivre.
On avait assassiné l’aligot ! Et c’étaient mes mains avec tous mes sales doigts de normande qui avaient perpétré le crime.
Je ne savais pas quelle serait ma sentence, mais elle allait être lourde !

Je crie au secours, « Cleem », avec tous les e et les m tremblant de désespoir ! Et puis un « J’ai regardé sur google, et j’ai pas trouvé comment faire » … Je vous dis pas ce que j’ai trouvé : Ne jamais mettre aucun liquide dans l’aligot, et surtout ne jamais le porter à l’ébullition, et moi en trois secondes chrono, j’avais réussi le combo.
Heureusement ma blondinette toute auréolée de parfums, descend affolée et voit le carnage. Pensant que le sudiste n’était pas encore rentré, son esprit n’a fait qu’un tour et tente le tout pour le tout : épaissir l’aligot noyé dans l’eau et en pleine ébullition… avec… de la mousseline, mais oui bien sûr ! Il n’y verrait que du feu !
Mais… le gg était là, et avait senti l’arnaque. Le crime se doublait d’un scandale… Le pauvre babultiait : « tu sais lire non, un bain-mariiiiiiiiie » et « de la mousseline, dans l’aligot ??? ».

Si le ruban de l’amitié avait bien souffert (c’est comme ça que les gens du sud l’appelent !!!- , l’aventure s’est bien tout de même bien terminée : on a tous mangé le pauvre aligot, bien délayé dans sa mousseline – même Gg, malgré toute sa résistance- , avec un excellent jambon…
Et on s’est bien marré à s’en étouffer !

Moralité : si vous êtes normande, que la cuisine pour vous c’est du chinois, une seule chose à faire : n’entrez J A M A I S dans son périmètre : la cuisine, c’est un temple sacré que les profanes n’ont pas intérêt à souiller

By Fanie