Prise de risques

Publié le 20 octobre 2011 par Toulouseweb
Tom Enders à la recherche d’une vision d’avenir.
Nous ne sommes pas habitués à entendre Tom Enders, patron d’Airbus, s’exprimer sur un ton quasi philosophique sur l’avenir à long terme de l’aéronautique. D’où l’intérêt particulier que suscitent les remarques qu’il vient de formuler devant un bel aréopage international à l’occasion des états généraux de la Society of Aerospace Engineers qui se tient actuellement à Toulouse.
Il ne faudrait pas que nous soyons opposés à la notion de prise de risques, sans quoi de nouveaux concurrents nous dépasseraient tôt ou tard, a-t-il déclaré en substance. En revanche, a-t-il ajouté, si nous prenions trop de risques, le résultat final serait à peu près le même. On devine que le «nous» utilisé par Tom Enders n’est pas un pluriel de majesté et qu’il inclut Boeing. D’ailleurs, lors de la même intervention, Tom Enders a évoqué des propos récents de son «collègue» Jim Albaugh, directeur général de Boeing Commercial Airplanes, qui s’inquiète d’un risque de désarmement moral qui handicaperait l’avenir, cela parce que l’industrie aéronautique pourrait ne plus disposer de tous les talents qui lui sont indispensables et risquerait alors de perdre l’expérience qu’elle a mis un demi-siècle à construire.
Tom Enders élève ainsi le débat et en appelle à une refonte de la manière de travailler de l’ensemble du secteur. Au cœur de cette préoccupation, la nécessité de trouver un juste équilibre entre innovations, technologies ayant déjà fait leurs preuves et ce qu’il appelle des procédures efficientes. La suite demande une grande capacité à lire entre les lignes et ne constitue peut-être qu’un préambule à d’autres propos à venir, que l’on souhaite plus explicites.
On note que Tom Enders dénonce une tendance à affirmer que le secteur aérospatial n’est qu’une affaire transatlantique. Ce qui reviendrait à ignorer tout à la fois des risques et à négliger des opportunités : il faut arrêter de considérer les marchés émergents (sans doute voulait-il dire les concurrents venus de marchés neufs) comme une pure menace. Certes, il convient d’établir les justes règles du jeu pour maintenir une concurrence saine mais aussi d’attirer les compétences de ces nouveaux acteurs. Est-ce à dire qu’il suggère de nouer des alliances avec les derniers arrivés comme la Chine ou la Russie nouvelle manière ? Il semble que la question soit bel et bien posée.
Autre remarque qui suscite la réflexion : quelqu’un venu d’autres horizons qui aborderait le secteur aérospatial avec des bases culturelles, de formation, d’expérience industrielle tout autres aurait peut-être le profil requis pour susciter une avancée décisive. Autrement dit, il conviendrait de susciter des échanges plus nombreux entre activités civiles et militaires, secteurs privé et public, approches académiques et commerciales.
Autre remarque qu’Enders devra tôt ou tard expliciter, il suggère le développement d’avions textuellement plus robustes, plus simples à utiliser et pouvant être adaptés à des technologies évolutives. Et, dans le même esprit, il s’interroge : ne faudrait-il pas rompre la manière de faire traditionnelle qui veut que l’industrie enchaîne le lancement de nouveaux avions, les uns après les autres ? Ne serait-il pas préférable de créer des plates-formes évolutives ? Entre-temps, dit-il, il conviendrait de réduire les temps de développement, les cycles de certification tout en optimisant l’industrialisation.
«Depuis 40 ans, nous avons appris à économiser le carburant mais nous avons oublié comment prendre des risques et les gérer convenablement, nous avons oublié comment faire une réalité de nos idées avant qu’elles ne soient dépassées».
Le congrès de la SAE, sans être terre à terre, a adopté une ligne de conduite plus classique, comme l’indique le titre choisi, «Eco-efficient innovation leading the future of aviation». C’est d’ailleurs cette même SAE qui suggère la réalisation d’un démonstrateur baptisé SUGAR (notre illustration), Subsonic Ultra Green Aircraft Research. Il faudra organiser un autre colloque pour décoder tout cela…
Pierre Sparaco - AeroMorning