Madeleine(s)

Par Gaby
Timber Timbre - Black Water

J'ai remarqué que certains objets, certaines choses, restent parfois identifiés dans notre mémoire à une unique personne. Ça peut être un jeu qu'on faisait avec son petit frère. Ça peut être une voiture que conduisait son père. Ou ça peut être une recette que faisait très bien sa grand-mère.
Ma grand-mère à moi, elle faisait très bien la cuisine (comme toutes les grands-mères) mais il y a autre chose qui me fait à chaque fois penser à elle. C'est la compote à la rhubarbe Bonne Maman. Un produit que j'ai découvert avec elle et que je prends toujours plaisir à manger. C'est un peu bête qu'un produit tout simple comme ça me fasse penser à elle, mais c'est comme ça. C'est elle qui me l'a fait goûter la première fois et chaque été, chaque hiver, quand j'allais chez mes grands-parents, le pot de compote était là. A chaque fois Manou, comme on l'appelait, avait pris soin d'aller l'acheter pour moi. A chaque fois on le dévorait tous les deux à la cuillère.
Ce pot de 600g me rappelle ma grand-mère, mais il me rappelle aussi tous ces moments d'insouciance et de bonheur enfantin, quand on est en vacances et qu'on doit juste en profiter. Aujourd'hui Manou n'est plus là, et mes autres grands-parents sont — grâce à mon déménagement à Rennes — beaucoup plus proches de moi. Mais ça me fait bizarre d'aller les voir en dehors des vacances, même si j'en ai pleinement l'occasion. Je sais pas, dans mon esprit mes grands-parents sont associés à jamais aux vacances scolaires, aux trajets à trois sur la banquette arrière entre Toulouse et la Bretagne. Ils sont directement reliés aux nuits dans les hôtels Formule1 quand les trajets étaient trop long pour mon petit âge, aux sandwichs sur les aires d'autoroutes et à la sortie Niort - direction Nantes. Maintenant je suis à une heure de chez eux, et je peux y aller le week-end. J'aime toujours les voir, c'est pas ça, mais ça a perdu cette authenticité de l'enfance et ce charme des vacances.
Finalement ce pot de compote représente un peu pour moi ce que la madeleine était pour Proust. Un détail qui rattache au passé, une image de l'enfance et dans mon cas, aussi, le souvenir d'une femme qui comptait beaucoup pour moi.
Une femme qu'on surnommait Manou, mais qui s'appelait Madeleine, justement.