Anthologie permanente : Lucebert

Par Florence Trocmé

sonnet 
 
je 
moi 
je 
moi 
 
moi  
je 
moi 
je 
 
je 
je 
mien 
 
mien 
mien 
je 
 
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école de la poésie 
 
je ne suis pas un doux poète 
je suis le preste troublion 
de l’amour, vois la haine au-dessous 
et au-dessus une action caquetante. 
 
la lyrique est la mère de la politique, 
je ne suis qu’un criailleur de rebellion 
et ma mystique est la pâture pourrie 
du mensonge par laquelle la vertu se guérit. 
 
J’annonce que les poètes de velours 
se meurent farouches et humanistes. 
désormais s’ouvrira la gorge chaude 
de fer des mélodieux bourreaux émus. 
 
encore moi, qui habite ce recueil 
fait comme un rat, j’aspire à l’égout 
de la révolution et crie : rats rimeurs, huez, 
huez encore cette trop belle école de poésie. 
 
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la chair s’est faite verbe 
 
maintenant aussi les cages de la poésie 
s’ouvrent à nouveau pour le bestiaire de miró 
une puce une bonne-basse-fosse un hanneton 
se prennent les tentacules dans le langage 
 
ô cadastre de rêve vatican sensible 
maintenant errent nombre de dévots dans votre terrarium 
et grenouille rigide soufflant sur les vêpres 
toute une ère – sombre comme des banques 
sous un ciel d’orage – bruissant de rumeurs d’inflation 
 
mais la nuit les canons de leurs langues s’éveillent 
et les grenades de leurs cris coassent et 
passent au-dessus du bois gelé 
sur les yeux des enfants froids 
et pitoyables s’accroupissent autour des abris de leurs lèvres 
là déjà crépite le squelette de la crèche 
il y a un messie à l’intérieur le corps traversé 
par cinq entonnoirs de balles pour un piège à clous 
 
les larmes de la mort 
les asticots de cristal 
 
Lucebert, apocryphe, Le Bleu du ciel, 2005 
Note bio-bibliographique 
 
 
[Jean-Pascal Dubost]