Les algues vertes font du papier

Publié le 25 octobre 2011 par Sequovia

Un fabricant de papier italien a trouvé le moyen de valoriser les algues vertes qui envahissent chaque été les côtes de Bretagne. En effet, il utilise depuis 1992 ces algues toxiques pour remplacer jusqu’à 80% de fibres de bois dans la fabrication de pâte à papier, et a annoncé avoir acheté 130 tonnes d’algues vertes en Bretagne en 2009 et 2010.

  • Origine et dangers des marées vertes

On compte entre 40 000 et 70 000 m3 d’algues vertes qui s’échouent sur le littoral Breton chaque année. Le coût de ramassage s’élève de 300 à 500 000 Euros par an, pris en charge par les communes et conseils généraux du Finistère et des Côtes d’Armor. La formation des algues vertes s’est accélérée ces 30 dernières années en raison du taux d’azote excessif dans la mer, cet azote étant formé par le nitrate transporté par les rivières. Le nitrate provient principalement des activités agricoles et notamment de l’épandage de lisier ou fumier (issu de déjections animales) qui forment de l’engrais azoté.

La décomposition de ces algues vertes présente un danger pour la santé, y compris pour l’homme, en rejetant de l’hydrogène sulfuré. En effet, on a pu assister cet été à la mort d’un homme chargé de les transporter et d’une quarantaine de sangliers. De plus, ces algues perturbent la production d’huîtres et peuvent nuire à certaines espèces animales et végétales en mer en bloquant le passage de la lumière.

  • Valorisation des algues vertes pour la fabrication de papier

Favini est un groupe papetier italien né en 1736 à Venise et racheté par la famille Favini en 1906. Il dispose aujourd’hui de 6 sites industriels et fait partie des leaders mondiaux de fabrication de papier, il est notamment spécialisé dans les papiers graphiques et le cartonnage-emballage de luxe.

Depuis 1992, la société Favini utilise les algues vertes de la lagune de Venise pour fabriquer du papier appelé Shiro Alga Carta, à la demande de la ville qui cherchait un moyen de valoriser la prolifération de ces algues. Mais suite à la pénurie d’algues dans la baie vénitienne, la société s’approvisionne désormais en Asie et en Bretagne.

Lors d’une conférence à Roscoff dans le Finistère au début du mois d’octobre, Favini a annoncé avoir acheté 130 tonnes d’algues vertes issues des côtes bretonnes en 2009 et 2010 pour la fabrication de son papier. Il a aussi expliqué son mode de fabrication, qui contient entre 30 et 80% d’algues fraîches en remplacement des fibres de bois. Il a ajouté que s’il y avait une demande d’Alga Carta en France, il fournirait un certificat pour prouver l’origine bretonne des algues vertes utilisées pour sa fabrication.

La gamme de papier Alga Carta est complètement écolo, puisque le bois utilisé en complément des algues est certifié FSC (Forest Stewardship Council, écolabel certifiant la gestion durable des forêts).  De plus, il est produit sans émissions de CO2 et il utilise des certificats d’électricité verte.

  • L’imprimerie Cloître, premier utilisateur de l’Alga Carta en France

L’imprimerie Cloître, basée à Saint-Thonan dans le Finistère, est la première imprimerie en France à proposer le papier fabriqué par Favini, à un prix légèrement supérieur au papier classique.

Cet imprimeur écologique travaille à 90% avec des fabricants de papier certifiés « bonne gestion des forêts ». Le papier Alga Carta est donc parfaitement intégré dans leur démarche développement durable, et en plus il « sent bon le papier et pas l’algue verte » comme le disent les employés de l’imprimerie.

  • Avis Sequovia

On savait que les algues pouvaient être valorisées de plusieurs manières comme pour la cuisine ou la fabrication de carburants de seconde génération. Mais Favini réalise ici une très belle performance en réussissant à valoriser un déchet toxique tout en préservant les forêts. En effet, les enjeux de la déforestation sont importants en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique mais aussi parce qu’elles jouent un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité et dans la survie de populations indigènes qui en sont tributaires.

Pour ce qui est des algues vertes, même si cette valorisation est particulièrement intéressante, il ne faut tout de même pas perdre de vue la nécessité de traiter le problème à la source en réduisant le niveau de nitrate dans l’eau. Sans compter que la France n’est pas exemplaire à ce sujet dans la communauté Européenne.