[Critique dvd] My little princess

Par Gicquel

Ce film s’inspire directement de l’enfance de la réalisatrice.  Sa mère Irina Ionesco, célèbre artiste controversée la photographiait à l’âge de quatre ans, nue devant l’objectif.

Sujet sensible, s’il en est, cette histoire commence comme un conte de fée, et se termine dans l’effroi. A tel point que si le film peut paraître bien souvent insupportable, c’est qu’il est difficile d’en dissocier le fond de la forme.

Une évidence : pour un premier long-métrage, c’est déjà un coup de maître. En se tenant toujours à distance, Eva Ionesco, nous évite le reflet scabreux et dénonciateur de son passé, laissant à ses partenaires le soin de s’approprier son histoire. L’ensemble est très soigné, un peu trop peut-être au regard de cette vie d’artiste qui toujours godille, entre  l’hystérie et la folie.

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Mais ne nous plaignons pas d’une mise en scène qui démontre plus qu’elle ne montre, et laisse le spectateur s’approprier ou pas un «  sanctuaire » qui tient lieu de décorum au film.

Là où Hannah retient dans son objectif sa petite fille  complice de ses lubies, avant de devenir la chose de  cette mère possessive et maltraitante. Qui agit au nom de l’art, dit-elle, transgresse des tabous, flirte avec des interdits… Sempiternelle question des limites de la création ; l’enfant, autant objet que sujet peut-il se prêter à la démarche quasi incestueuse d’une mère véritablement possédée par son appareil photographique?

Dans le rôle titre, Anamaria Vartolomei , transcende avec virulence le portrait qu’en fait la réalisatrice, dans une métamorphose aussi rapide qu’inquiétante. Face à cette enfance volée, Violetta  nourrit cette « fleur vénéneuse » caressée par une femme qui n’est plus une mère. Remarquable interprétation de  Isabelle Huppert , totalement investie dans son «  érotisme littéraire », totalement pervertie au regard des codes de la bonne société à qui il lui faut  rendre des comptes.

Ce regard extérieur qui terrorise la jeune Violetta quand elle retourne à l’école, mais contre lequel sa mère entend se battre au nom de la liberté d’expression. Ses amis pourtant la mettent en garde, dont le peintre Ernst, Denis Lavant , sur qui elle ne pourra malgré tout jamais compter, et qui campe dans le paysage de l’artiste, un personnage extraordinairement commun. A l’image de la grand-mère (Georgetta Leahu)  une femme tendre et aimante  chez qui Violetta pouvait aller se réfugier. Pour vivre enfin sa vie de petite fille ….

LES SUPPLEMENTS

  • - Entretien avec la réalisatrice ( 30 mn )

« Ecrire sur une matière intime, très proche, ne donne pas beaucoup de liberté », reconnaît la comédienne, photographe et réalisatrice.   « Dans les histoires intimes il y a toujours des sentiments impérieux qui prennent le pas sur l’imagination ». Elle dit qu’elle  ne pouvait pas mettre en scène des faits d’une grande violence morale. Elle a donc cherché à créer une certaine distance afin de construire une véritable narration.

Eva Ionesco affirme alors ne pas avoir voulu « psychologiser » les rapports mère-fille. Son souci premier n’était pas de proposer la réalité des faits avec réalisme, mais d’assumer le côté fictionnel de l’œuvre. De la même façon, la cinéaste ne voulait pas que le spectateur puisse porter un jugement moral trop hâtif sur les personnages du film.

Un sujet qui met le doigt sur le tabou  de la pédopornographie, la pornographie enfantine. Cette pratique existe au moins depuis les premières années Mitterrand. Beaucoup se sont interrogés sur cette transgression, certains artistes défendant l’idée que l’art ne saurait avoir de limites.

La réalisatrice souhaitait depuis longtemps travailler avec Isabelle Huppert.   « C’est la seule actrice à mes yeux qui dégage un véritable érotisme littéraire .C’est une icône qui peut se transformer en de multiples femmes, ce qui correspondait parfaitement au personnage d’Hannah : une femme qui vit dans les images. »

  • - Entretien avec Bertrand Burgalat ( 30 mn )

Le compositeur parle beaucoup de son rapport au film, de son travail avec l’équipe, mais sur ses compositions, difficile d’imaginer véritablement sa démarche. On sait que devant le manque de moyens, il a « fallu trouver des solutions, mais on n’est pas obligé d’avoir cinquante cordes. » Il dit aussi qu’il ne voulait pas coller aux années 70, à la limite quelques réminiscences (Suicide Roméo), « mais surtout une grande liberté, sans avoir de références à citer ».

Elle est brune, en jean …On a du mal à imaginer la comédienne du film , mais c’est intéressant à suivre. 500 jeunes filles ont été auditionnées.

Prix public conseillé : 20€