Ne laissez pas la raison guider vos choix !

Par Dominique Foucart

Ce titre peut paraître impertinent à tous ceux qui pensent qu’une bonne décision est une décision rationnelle. Et c’est vrai que ne pas laisser la place à la raison lorsqu’un choix s’impose serait absurde. Néanmoins, les études les plus sérieuses dans le domaine des neurosciences nous démontrent que la raison seule, en face de choix réellement difficiles, ne nous mène qu’à des impasses décisionnelles.

Chacun se rappellera sans doute l’exemple donné par Antonio Damasio dans son livre « L’erreur de Socrates » de ce patient, privé de ses émotions, et incapable de décider du jour de son prochain rendez-vous, car faisant sans cesse des aller-retour entre les avantages et les inconvénients de chacune des plages horaires proposées.

J’y pensais dernièrement, lorsque dans le cadre de mes consultations chez interactes, j’étais interpellé par la difficulté de quelques-uns de mes clients à opérer un choix affectif. Ils pensaient pourtant se baser également sur leurs émotions en pesant le pour et le contre de leurs choix possibles en termes d’impact sur les autres: « je ne suis plus amoureux de mon épouse et je vis dans l’indifférence depuis dix ans, je suis amoureux d’une autre femme que je vois depuis deux ans. Si j’annonce à ma femme que je la quitte, je vais la rendre dépressive et risque de me sentir responsable de sa dépression, mais je ne la déteste pas assez pour cela. Si j’annonce à ma maîtresse que je ne quitte pas ma femme, je mets fin à deux longues années d’espoir de son côté, et je m’enferme dans l’ennui pour de nombreuses années ».

En restant loin de ses propres émotions, mon client s’empêche de choisir. En s’empêchant de choisir, il rend tout choix futur encore plus difficile. Son choix, il ne le fera que s’il se laisse toucher par ses émotions. Le pour et le contre, il l’a pesé et sous-pesé tant et tant de fois qu’il n’y a plus vraiment de plateau de la balance qui pèse plus que l’autre. Aujourd’hui, il se trouve perdu au milieu d’une forêt dont le sol couvert de feuilles laisse à peine deviner le chemin. Et même sur ce chemin, il ne sait plus quelle direction mène à quoi. Va-t-il alors se coucher sur le sol et attendre que les autres décident pour lui de son avenir ?

Tout le travail de thérapie et d’accompagnement consiste alors à lui permettre de renouer avec ses émotions, dont il se place toujours tellement loin en commençant chaque phrase par « J’imagine que …, Je suppose que… » se détachant des émotions en les plaçant à l’extérieur de lui-même.