Qu’ont en commun Saint-Guilhem-le-Désert et New York?
Par un bel après-midi de printemps, un printemps du sud de la France où le soleil chauffe de toute la force de ses rayons obliques, nous sillonnons l’arrière-pays méditerranéen à la recherche du village de Saint-Guilhem-le-Désert. Dans la vallée de l’Hérault, gorges, eaux limpides aux tons turquoise, joli village, la région a tout pour assouvir le voyageur avide de nature et de vieilles pierres.
Au cœur des gorges de l’Hérault, dans le Val de Gellone, s’étire le village de Saint-Guilhem-le-Désert au rythme des ondulations du ruisseau Verdus. Le village qui s’est développé autour de l’Abbaye de Gellone a gardé une forte marque médiévale.
L’abbaye de Gellone est fondée en 804 par un cousin et lieutenant de Charlemagne qui las des guerres voulait se retirer dans un endroit isolé du monde, d’où le nom « désert ». Perdu au fond de magnifiques gorges, le monastère qu’il fait construire devient lieu de pèlerinage sur le chemin de Compostelle. L’église est construite, puis reconstruite dans le style roman languedocien, la première église devenant crypte. Viennent ensuite un premier cloître, puis un deuxième par-dessus. Le village prend le nom de Saint-Guilhem-le-Désert. À la Révolution, l’église abbatiale devient la seule et unique église paroissiale du village et le cloître est vendu parmi les biens nationaux. Du cloître il ne reste plus à l’abbaye de Gellone que les galeries nord et ouest de sa partie inférieure.
Pas un instant à perdre, exit la ville d’affaire, nous voici dans le métro new-yorkais en direction de Fort Tyron Park, à Washington Heights, au nord de Manhattan (et de Harlem). Première surprise à la sortie du métro, la vue sur la rivière Hudson est imbattable. L’endroit est atypique pour New York, et encore plus pour les États-Unis. Le musée est composé de cinq cloîtres médiévaux venus de France et de collections d’objets médiévaux présentés par ordre chronologique, de l’art roman du XIe siècle au gothique. L’histoire du musée est fort intéressante : à l’origine, le plus gros de la collection appartenait au sculpteur américain George Grey Barnard qui l’exposa dans un immeuble en briques de Fort Washington Avenue. Le reste de l’histoire relève de la bonne fée des musées. En 1925, Rockefeller remit une somme importante au Metropolitan Museum of Art pour l’acquisition de cette collection. En 1930, deuxième chapitre, Rockefeller fit don du magnifique Fort Tyron à condition que le MMA fasse construire un immeuble à la hauteur de la collection médiévale, et pour abriter une partie de sa propre collection. La collection est unique en Amérique.
Les cinq cloîtres qui ont donné leur nom au musée ont été démontés, puis reconstruits pierre par pierre. L’essentiel du cloître de l’abbaye de Gellone, son deuxième étage, a reçu ce traitement. Le décor végétal très élaboré des chapiteaux de ce cloître est remarquable. Ce n’est qu’une fois à l’intérieur de celui-ci que je me suis souvenue en avoir déjà vu partie. À priori, quel dommage que tout le cloître ne soit pas resté en France, mais en y pensant un peu plus, quel bonheur que de pouvoir admirer un si bel ouvrage sur le nouveau continent. Il n’y a pas meilleur ambassadeur pour faire rayonner une tradition et une histoire aussi riches, à la faveur des soubresauts de l’histoire d’un si beau pays que la France.