Tintin spielbergisé, la mort d'une oeuvre

Publié le 30 octobre 2011 par Jcgrellety

Est-ce bien grave ? Après tout, cette oeuvre qui a commencé de la pire des façons, sur des principes politiques d'extrême-droite, est devenue le modèle même d'un récit européo-occidentalo-centré, avec l'Un-Tintin et la dyade qu'il forme avec son chien, ou le Capitaine. Il faut dire que après ses errements initiaux, "Hergé" a su ramener son "héros" à plus de modestie, alors qu'il l'envoyait aux quatre coins du monde. Alors que la planète a été transformée par la colonisation-mondialisation, et au moment même où tant de peuples exigeaient, sur les principes "universalistes" de l'Occident (les "droits de l'Homme"), leur indépendance, le toujours jeune journaliste représente un voyageur "innocent", celui qui est justifié par le devoir d'informer comme de lutter contre "le" crime très organisé. Comme rarement, la Diversité humaine est plus qu'évoquée : actée et rencontrée. Et l'Histoire en cours est aussi rencontrée. L'histoire advient dans l'Histoire. Le récit imagé acquiert une force exceptionnelle, mesestimée par trop de spécialistes. Il fallait craindre qu'un jour, Hollywood, spécialiste de l'Exploitation, dans les salles et pas seulement, fasse un pont d'or à des héritiers extrêmement intéressés. Les médias, si perméables à toutes les propagandes publicitaires, colportent le fait : M. Spielberg, essoré par Madoff, a décidé de se refaire la cerise sur le dos d'un politiquement correct fédérateur. Et voilà qu'on nous vend "Tintin en 3D", avec mochione captoure, et tout et tout. Mais l'oeuvre, Images, n'est-elle pas par elle-même un style graphique : formes, couleurs, etc ? Il suffit d'ouvrir les yeux sur Tintin-3D pour être frappé par les différences : les joues du "jeune reporter", ses grands yeux ouverts, le visage d'Haddock, etc. Et là où le lecteur mettait en mouvement à partir des ordres transmis par le créateur, y insufflant, voix, ambiance, interprétation des situations et des propos, réflexions personnelles, le spectateur est désormais sommé de recevoir passivement, d'admirer la 3D parce que c'est la 3D, et la mochione captoure, et tout et tout. Hergé, amateur d'histoires nouvelles, de créativité, ne serait-il pas affligé de découvrir une telle différenciation affadissante sur la base d'un coper-coller d'une partie de ses propres récits ? Là où il fallait être fidèle, Hollywood a tout dégu... et là où il fallait innover, Hollywood s'est contenté de répéter. Rastapopoulos et consorts ont eu sa peau.