Portrait de créateur - Valentine Gauthier

Par Naomibar @NaOmiBar

Style urbain, composé de matières nobles, découpe stylisée, savoir faire éthique, voilà comment je décrirais la griffe de Valentine Gauthier. Grande voyageuse, elle nous invite à travers chaque nouvelle collection vers des continents et des époques différentes. Après des études de géo-ethnologie puis de stylisme, au cours de laquelle elle s’est spécialisée dans le costume ethnique et traditionnel, elle s’installe à Paris où elle intègre une école de mode : l'atelier Chardon Savard. En sortant de l'école, elle travaille pour la société qui supervise les boutiques "Just a Dream". "J'y étais notamment en charge du suivi des collections. C'était une expérience incroyable pour une jeune diplômée car j'ai eu l'occasion d'endosser de vraies responsabilités !" Elle fait ses armes chez des créateurs comme Martin Margiela puis lance sa première collection sous son nom en 2006, qui lui vaut le Grand Prix du Festival International des Jeunes Créateurs de Dinard.

"Journal des Femmes : Pourquoi avoir bifurqué vers la mode après la géo-ethnologie ?

 
Valentine Gauthier : J'ai toujours su que je ferais de la mode. Pourtant, comme dans de nombreuses familles, mes parents considéraient que ce secteur relevait de l'inaccessible et m'ont encouragée à m'inscrire à la faculté. Pendant un moment, j'ai donc laissé tomber l'idée de faire de la mode et du dessin professionnellement, tout en les gardant comme hobbies. Puis j'ai rencontré mon compagnon, qui m'a permis de dépasser cet entendement et m'a encouragée à persévérer dans le domaine qui me passionnait.

JDF : Pensez-vous que cette formation ait eu une répercussion sur votre univers créatif ?


VG :
La géo-ethnologie m'a apporté quelque chose de très fort. Je ne suis pas arrivée à l'atelier Chardon Savard en espérant faire de la mode parce que j'adorais le shopping comme 70 % des étudiantes. En ayant fait des études au préalable, je n'avais peut-être pas l'œil affûté sur les dernières tendances et sur les modèles dernier cri des créateurs mais j'avais une vraie vision des couleurs, des formes. J'ai pu développer un univers très personnel, imprégné de références culturelles et historiques. En ce sens, mes études ont été un atout supplémentaire."

Extrait de Journal des Femmes

"Hypethic : Quel est l’univers de la marque ?


VG : A chaque saison, nous développons un thème, une inspiration qui s’oriente autour d’une multitude d’images. L’inspiration peut venir d’artistes, de film, de la faune et la flore ou bien de l’Histoire. Comme le démontre la collection été 2011 qui s’inspire du clivage qui s’opéra entre les Amérindiens et les Conquistadores. 

Une vraie recherche de style à la fois contemporain et citadin avec une touche d’ethnique aux travers des imprimés et du travail de perlage.  L’Histoire du costume intervient sur certaines pièces au travers de crevées sur des épaules de robe ou de tops."

"Bowscouture : Quelles sont tes inspirations ? Et comment travailles tu ?

VG : Je m'inspire beaucoup de l'art contemporain et de l'art brut ainsi que du design des années 50 ou des années folles. Le monde animal et végétal, les voyages et les ethnies disparues ou l'histoire antique sont également au fondement de mes collections. Avant de commencer à dessiner, je constitue une bibliothèque de ces images qui m'inspirent, ensuite je cherche les liens, et l'histoire de la collection se construit.
J'aime l'art sous toutes ses formes mais pas sous tous les styles. J'aime les contrastes, le poétique contrebalancé par un style " amazone", la fluidité d'un tissu retenu par des empiècements bruts. Le contraste des matières nobles mixées à des matières moins soignées...Des coupes très féminines aux imprimés très primaux... En somme, j'aime faire le grand écart mais cela se doit d'être subtil." Extrait de Bowscouture

"Hypethic : Valentine Gauthier, mode éthique ?

VG : Militante, non. Je fais de la mode avant tout. Cependant il est vrai que nous travaillons le plus proprement possible. Mais il s’agit d’une conviction personnelle, cela n’est pas stipulé sur les étiquettes des pièces. Cette démarche dite durable ne doit pas être un accent marketing, les sociétés devraient le faire d’elles mêmes d’ailleurs.

En fait, je n’en parle que si l’on me pose la question. Nous faisons fabriquer en France, au Pérou, en Bolivie, en Inde et à Bali. Toutes nos matières sont naturelles et les pièces fabriquées dans les pays d’origine de la matière afin d’éviter les transports inutiles.

Toute notre démarche s’inscrit dans l’idée du développement durable, c’est pourquoi nous favorisons les échanges avec des acteurs qui respectent ces valeurs, même si nous faisons tout cela de manière discrète…

C’est très important de créer une relation de confiance avec les acteurs qui possèdent un véritable savoir-faire artisanal. C’est le cas à Bali où nous collaborons avec l’atelier d’un français installé là bas. où sont appliquées les mêmes règles qu’en France (35h par semaine, mutuelle obligatoire). Ces artisans maitrisent véritablement l’art de la broderie, ce sont de grands artistes !

En Inde nous avons mis en place une charte ;  l’usine doit la respecter. Et chose inhabituelle pour ce pays, cette usine est tenue par des femmes. Chaque saison nous allons les voir afin de nous assurer du respect de leurs engagements. C’est là-bas que s’opère la filature ainsi que la teinture du coton bio GOTS acheté sur place.

Au Pérou et en Bolivie, les fournisseurs des matières premières sont organisés en coopératives et les usines respectent les principes du commerce équitable. Il s’agit de grandes coopératives qui disposent de plusieurs clients. Cela a permis d’apporter des améliorations notoires à leurs villages et assure à chacun des villageois un travail.

En France nous avons établi des relations privilégiées avec Bosabo et la Botte Gardiane, deux partenaires qui ont une démarche responsable et qui réalisent les chaussures de nos collections. Production 100% française pour ces deux entreprises dont les modèles sont réalisés à la main.

Nous utilisons aussi des matières nobles telles que le coton soie, la soie, le coton-pima – qui ne pousse que sur les hauts plateaux péruviens - le lin ou bien encore le baby alpaga.

Cette recherche de savoir-faire et de qualité nous permet d’être présents dans une quarantaine de points de vente, des Etats-Unis à la Corée en passant par le Japon. Nous avons aussi eu la chance de pouvoir ouvrir une boutique en propre et nous vendons également sur internet."

Extrait d' Hypethic

Pour ceux qui sont de passage à Paris ou qui y habitent, n’hésitez pas à visiter sa boutique : 58 rue Charlot 75003 Paris. A l’étage se trouve l’atelier. Au rez-de-chaussée, l’espace vente, a été conçu dans un esprit design, blanc et épuré avec une cabine d'essayage à l'image d'une cabane montée sur de grosses roulettes de chantiers. Les portants sont d'anciens tuyaux à incendies rouillés recyclés. Le sous-sol se révèle une vrai caverne d'Alibaba.