La réforme constitutionnelle Hongroise de 2011.

Publié le 01 novembre 2011 par Vindex @BloggActualite
-Le Drapeau Hongrois-

La Hongrie est un pays d'Europe centrale, ayant pour capitale Budapest. Elle est reconnue comme État à compter de 896, date à laquelle elle se constitue alors en principauté. Elle a connu la forme d'une Monarchie de tradition et de religion chrétienne dès l'an 1000 jusqu'en 1946 avec une unique parenthèse républicaine entre 1918 et 1919.

En 1867, elle fusionne avec l'Empire d'Autriche, formant une puissance européenne majeure jusqu'en 1918 et la fin de la première guerre mondiale.

En 1946, le pays prend la forme d'une République, et elle deviendra en 1949, sous le joug politique de l'URSS, une démocratie populaire, jusqu'en 1989 malgré quelques insurrections populaire, notamment en 1956.

Depuis 1989, la Hongrie est une République pleinement indépendante et souveraine, dont le régime institutionnel est davantage tourné vers le parlementarisme, et ayant par ailleurs adhéré à l'Union Européenne depuis le 1er Mai 2004.

En date du 18 Avril 2011, le parlement Hongrois a adopté une réforme constitutionnelle de grande ampleur dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er Janvier 2012, après la mise en œuvre d'une consultation populaire et d'une rédaction par les membres de la majorité politique au pouvoir, en l'occurrence le Parti Fidesz.

En premier lieu, cette constitution est le fruit d'une promesse électorale tenue par le Parti de Viktor Orban (actuel Premier Ministre suite à sa victoire aux élections législatives de 2010), mais également celui d'une nécessité presque historique : en effet la constitution précédente datait de 1949 (début du régime de Démocratie Populaire), et malgré des amendements en 1989, le pays restait le seul de l'ex-bloc soviétique à n'avoir pas adopté une constitution nouvelle. Cette nouvelle Loi Fondamentale constitue donc une rupture définitive vis-à-vis des régimes politique antérieurs (et notamment ceux ayant connu l'emprise du communisme), et ce à plus d'un titre.

La Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l'Europe, s'est penché sur la réforme en question sur demande du gouvernement Hongrois en date du 21 Février 2011, ce qui a permis à cette première de rendre un avis juridique le 20 Juin 2011.

De par son contenu nouveau, il convient de se poser la question de connaître les apports de ce nouveau texte et d'en mesurer les conséquences sur la vie politique Hongroise. Ce texte ayant créé nombre de polémiques, il apparaît que la question se pose en terme d'évolution : cette réforme constitue t-elle un progrès constitutionnel ou engendre t-elle un régime remettant en cause certains équilibres démocratiques ?

La réponse est fort plus mesurée qu'il n'y paraît.

Ainsi, il convient en premier lieu de mesurer la teneur nouvelle constituant plutôt un progrès constitutionnel en notant une conservation de l'essentiel de « l'outillage » libéral et démocratique et en analysant la portée d'une affirmation claire de l'identité nationale hongroise ; puis en second lieu d'aller au-delà des seules lignes de la constitution, pour déceler quelques inquiétudes tenant surtout à la mise en pratique de cette nouvelle loi fondamentale , d'une part dans la procédure de révision mise en œuvre et d'autre en émettant des réserves quant à la teneur véritablement démocratique de certaines dispositions isolément innocentes mais que l'on ne peut détacher de la pratique et l'opportunité politique et qui, à ce titre, peuvent poser des problèmes concernant l'existence d'une alternance politique et donc d'un réel jeu démocratique.

Les progrès et apports de la réforme

La présence de l'essentiel des principes libéraux et démocratiques

Il convient tout d'abord de rappeler ce qui a été conservé entre 1949 et 2011, puis d'envisager les progrès dans certains domaines juridiques nouveaux.

Bien que l'article A) soit quelque peu modifié relativement au nom même de la Patrie, la Hongrie demeure une république, qui plus est parlementaire dans son régime politique.

La loi fondamentale conserve l'essentiel des équilibres entre les pouvoirs législatifs et exécutifs, et ne modifie pas le rapport entre les systèmes juridiques internes et européens.

D'ailleurs, l'Union Européenne qui est de nouveau mentionnée, pouvant par exemple « fixer des règles générales contraignantes ».

Les libertés économiques sont renouvelées à l'article M), mentionnant ainsi « la liberté et la concurrence économique ».

La dignité humaine est reconnue « inviolable » à l'article II du chapitre « Liberté et Responsabilité », lequel rappelle également la protection de la liberté, de la sécurité, de la sûreté en matière pénale, de la propriété, du droit au respect de la vie privée et familiale et, à ce titre, à la protection des données à caractère personnel.

De même, la liberté d'expression est également renouvelée dans son caractère fondamental, ce qui implique ainsi la reconnaissance de la liberté religieuse (et pour ce faire même le préambule énonce que « nous respectons les différentes traditions religieuses de notre pays ») mais également de la liberté de conscience et de pensée.

Enfin, cette réforme constitutionnelle laisse intact le statut prévu par la constitution de 1949 relatif aux relations entre l'État et les Eglises : l'un et les autres sont toujours séparés.

Cette constitution consacre donc à nouveau l'essentiel des principes et droits désormais traditionnellement attachés à toute constitution en matière de libéralisme politique et de droits fondamentaux. Aucune nouveauté ni aucune atteinte ne semble donc à déplorer au vu du préambule en la matière a priori.

Forte de la conservation de ce « catalogue fondamental », cette nouvelle constitution apporte quelques règles intéressantes en supplément.

D'abord, mais là encore dans un grand classicisme constitutionnel, la constitution Hongroise qui entrera en vigueur en Janvier 2012 consacre l'application en droit interne de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne adossée au Traité de Lisbonne, en reprenant l'essentiel de ses dispositions. Ce n'est pas tant un intérêt juridique (la plupart des droits de cette charte étant reconnus par la constitution elle-même) qu'un intérêt politique, et cela consiste surtout dans la volonté de la reconnaissance de l'activité du droit de l'Union en matière de droits fondamentaux. C'est un signal qui vise à mieux prendre en compte l'action de l'Union Européenne.

De plus, elle reconnaît un principe en matière de discipline budgétaire à l'article N) : « La Hongrie applique le principe d’une gestion budgétaire équilibrée, transparente et durable ». Il n'est pas question ici de juger de l'opportunité d'une telle disposition, et donc d'en tirer les avantages et les inconvénients, mais de remarquer qu'en l'espèce les rédacteurs de la constitution ont su tirer un certain profit de l'actualité en matière économique et budgétaire, procédant ainsi, à l'instar de l'Allemagne ou bien encore de l'Espagne, à l'adoption d'une certaine discipline budgétaire pour mener à bien une politique donnée en terme de gestion des deniers publics.

Enfin, l'article P) ajoute une très intéressante, et aussi relativement novatrice, disposition constitutionnelle, énonçant que « Les ressources naturelles, en particulier les terres agricoles et les réserves d’eau, la diversité biologique, notamment les espèces végétales et animales indigènes, ainsi que les valeurs culturelles constituent le patrimoine commun de la nation dont la préservation relève de la responsabilité de l’État et de chacun ». Cela démontre d'un certain intérêt pour la protection de l'environnement et d'une reconnaissance de nouveaux types de droits en dehors des seuls « droits de faire ».

Néanmoins il convient de faire état d'un autre progrès plus important encore résidant dans cette constitution, consistant dans l'affirmation d'une identité nationale hongroise.


Une affirmation de l'identité nationale et de principes fondateurs controversés

Nombreuses sont les constitutions dont l'objet était entre autre d'affirmer une spécificité nationale propre à la société reconnaissant pareille texte fondamental dans l'ordonnancement juridique.

Aussi le concept de Nation, exalté le plus souvent pour attribuer la souveraineté (donc le pouvoir politique) non plus à un monarque de Droit Divin mais à un peuple dans son ensemble se reconnaissant par divers critères plus ou moins objectifs, fut un des fondements du droit constitutionnel et de la formation des constitutions à travers le Monde.

Cette constitution, en particulier par son préambule, tient tout particulièrement à mettre en valeur la Nation Hongroise en tant que communauté politique à part entière et bien spécifique, se reconnaissant une existence propre, un gouvernement, et un texte fondamental fortement imprégné des valeurs qu'elle juge siennes.

Ainsi donc, les références à l'histoire de la Hongrie (« Nous sommes fiers que notre Roi Saint-Etienne ait placé l'État Hongrois sur des fondations solides (…) Nous sommes fiers de nos ancêtres qui se sont battus pour la survie, la liberté et la souveraineté de notre nation (…), nous respectons les acquis de notre Constitution historique [...] ») ainsi que celles à la religion chrétienne (« Bénis les Hongrois, Ô Seigneur ! (…) Nous reconnaissons la vertu unificatrice de la chrétienté pour notre Nation ») ou bien encore la vision élargie de la Nation Hongroise (« la Hongrie porte la responsabilité de la situation des hongrois vivant hors des frontières du pays (…) Les minorités ethniques vivant avec nous font parties de la communauté politique hongroise et sont des éléments constitutifs de la nation »)participent d'une reconnaissance, d'une proclamation de l'unité et de l'identité nationale propre à façonner la conscience politique de l'appartenance à une société organisée.

La vertu d'un tel préambule apparaît donc double : non seulement en sa valeur intrinsèque, qui réside dans la détermination d'un peuple qui se reconnaît, qui se proclame souverain, et qui proclame les principes fondamentaux qui lui seront applicables, mais en plus et surtout, dans son contexte politique et historique, du fait que la constitution de 1949 ne comportait aucun préambule semblable, apparaissant pourtant bien souvent important dans la naissance de l'État politique moderne, son lien avec l'idée de Nation étant indéfectible.

Les « fondements » qui suivent la rédaction de cette profession de foi nationale révèlent également la teneur aux abords « traditionnels » (d'aucuns diront conservateurs) de cette nouvelle constitution.

La référence à Dieu et au christianisme comme rassemblant la nation fut une première critique, comme potentielle discrimination, mais il apparaît au contraire que cette disposition n'a pour but que de vanter une certaine idée de l'état d'esprit hongrois imprégné de christianisme tout en respectant « les différentes traditions religieuses de notre pays »

Une autre critique estimait que cela « rendait possible l'élargissement du droit de vote vers les Hongrois de souche des pays voisins, risquant de créer des conflits avec les pays limitrophes à forte minorité hongroise », mais il semble qu'aucun problème ne se présente en la matière : en effet il apparaît logique qu'un ressortissant national vivant à l'étranger participe à la vie politique de son pays par le biais des élections.

Une autre remarque vint de la Commission de Venise, qui critiquait la reconnaissance de la vie du foetus dès sa conception en estimant d'une part « que cet article ne saurait signifier que la vie de l'enfant à naître possède une valeur supérieure à celle de sa mère » : il convient de ne pas ici sur-interpréter une telle disposition dans une telle mesure, et également là encore d'y voir une protection accrue, bien qu'orientée, de la dignité humaine sous toute ses formes, en affirmant les valeurs que la Hongrie décide de faire siennes. Il apparaît cependant probable qu'une telle disposition ne soit pas conforme à la Convention Européenne des Droits de l'Homme si jamais l'avortement venait à être pénalisé en Hongrie.

Une autre critique relative au conservatisme de ce texte était liée à la reconnaissance du « mariage comme communauté de vie entre un homme et une femme comme base pour sauvegarder la Nation » : il convient de préciser que la définition du mariage ressort de la compétence seule de l'État de Hongrie et que la disposition n'a pas pour objet d'interdire un certain mode de vie mais d'en privilégier un autre toujours dans l'optique de la protection de certaines valeurs jugées fondamentales.

Il est donc nécessaire de faire la part des choses et de voir dans ces dispositions des règles fondatrices à valeur de déclaration d'intention, dont la destination est la mise en place de principes fondamentaux d'organisation de la société, ce qui, au fond, est l'objet de toute constitution, texte qui n'appartient encore qu'aux peuples qui les rédigent ou les adoptent.

Il est en effet indispensable, pour une constitution, de se doter de principes forts et spécifiques liés à l'identité des peuples qu'elle est chargée d'encadrer, afin d'assurer une cohésion autour d'un idéal commun, ce que cette constitution, surtout en sa profession de foi nationale, fait d'une manière relativement modérée, mêlant droits fondamentaux et identité collective.

Néanmoins, il convient désormais de souligner les faiblesses de ladite constitution, notamment lorsqu'elle celle-ci entrera en pratique, en soulignant d'une part la procédure de révision mise en œuvre, puis en relatant les carences que cette constitution peut comporter.

Des inquiétudes quant à la mise en pratique de la réforme constitutionnelle


La procédure politique de révision

Une fois le parti politique FIDESZ au pouvoir après les élections législatives de 2010, une consultation nationale a été envoyée au peuple hongrois en Février 2011 (prêt de 8 000 000 de personnes) portant sur 12 questions, à charge pour ce-dernier de répondre à celles-ci pour inspirer les rédacteurs de la nouvelle constitution dans certaines orientations particulières. On par exemple été posées les questions « la nouvelle constitution hongroise doit-elle défendre des valeurs comme la famille, l'ordre, le foyer, le travail, la santé (…) donner des votes supplémentaires aux parents (…) exprimer les valeurs de cohésion nationale avec les Hongrois vivant au-delà des frontières » ou encore « parler aussi des obligations civiques »

Ainsi, ce type de questionnaire a incité une véritable participation du peuple à l'élaboration de cette nouvelle constitution dans ses grandes lignes et surtout, au vu des questions, dans sa profession de foi nationale.

Cependant, bien que cette consultation soit a priori un élément à porter au crédit de la légitimité de cette réforme constitutionnelle de grande ampleur, il convient de souligner d'abord que les questions bien que significatives ne relevaient que de déclarations d'intentions, insuffisantes à établir un régime politique équilibré.

De plus, il faut ajouter que malgré le fait que le plus souvent les réponses étaient unanimes ou très largement partagées par les hongrois sur les diverses questions (le plus gros « désaccord » se soldant malgré tout par un taux de 61% des réponses en faveur de la cohésion nationale en dehors des frontières), le retour des questionnaires fut très faible : seuls 11% des hongrois ont manifesté leur opinion par le biais de cette consultation nationale, ce qui porte un sérieux coup à l'aspect démocratique de cette procédure, puisqu'une très grande majorité n'a pas répondu.

S'en est suivi une rédaction très rapide (aspect critiqué par la commission de Venise : « La Commission avait critiqué le calendrier très serré de préparation, d'examen et d'adoption du texte, et les opportunités limitées ouvertes au débat sur le projet par les forces politiques, les médias et la société civile ») du texte en question (bien que certains articles furent repris de la constitution précédente) n'ayant d'ailleurs fait participer que les députés et ceux du parti Jobbik, les verts et les socialistes ayant boycotté les débats parlementaires initiés le 22 Mars 2011 du fait que la rédaction en elle-même ne fut l'objet d'aucune commission pluraliste mais uniquement de la formation d'un petit comité composé seulement de 6 personnalités proches du parti politique au pouvoir.

Il est donc à remarquer que l'élaboration de cette constitution n'a pas fait l'objet d'une consultation des diverses forces politiques du pays, ce qui en fait plus la constitution d'un parti (celui qui en avait promis l'adoption) plus que d'un pays.

Par ce débat parlementaire, quelques modifications ont lieu (notamment une proposition offrant aux parents la possibilité de voter pour leurs enfants mineurs) puis le texte est adopté le 18 Avril 2011 par l'assemblée.

Le vote en lui-même devait obtenir les 2/3 de l'approbation du parlement, ce qui fut le cas, bien que l'absence de consultation des diverses tendances et le faible retour de la consultation nationale (d'ailleurs relativement parcellaire au regard des nombreuses modifications constitutionnelles) aurait du inciter les autorités hongroises à convoquer un référendum pour l'approbation de cette constitution, ce qui ne fut pas le cas bien que certains sondages (qu'il s'agit de prendre avec le recul nécessaire) faisaient état d'une volonté de référendum populaire de la part du peuple hongrois, et ainsi la Commission de Venise regrettait que « le consensus n'ait pu se faire, parmi les forces politiques et dans la société, ni sur le processus constitutionnel, ni sur la teneur du texte »

La mise en œuvre de la constitution

Il convient ici de s'interroger à deux points de vue : sur la mise en œuvre effective de certains droits et libertés prévue dans la constitution, mais également sur la modification de la pratique politique par des modifications constitutionnelles a priori anodines.

D'un point de vue purement juridique, les droits et libertés sont restreintes tout d'abord en ce que ce texte restreint le champ de compétences de la Cour constitutionnelle. En effet, la nouvelle constitution dénie à la Cour constitutionnelle son droit de regard dans les affaires de finances publiques et de taxation, et ce jusqu'à ce que les objectifs de réduction budgétaires soient respectés, soit une restriction de la compétence d'un contre-pouvoir pour une durée indéterminée.

S'il apparaît évident qu'une juridiction n'a pas pour rôle de se faire juge de l'opportunité des décisions économiques prises par le pouvoir politique, il ne signifie pas pour autant qu'elle n'ait aucun pouvoir quant à l'analyse qu'elle doit faire de l'usage des dépenses publiques qui sont faites. Ainsi, il eut été préférable qu'une telle disposition soit le fait de la cour en elle-même, qui peut volontairement, mais de façon plus souple, limiter sa compétence d'analyse en la matière, comme l'a par exemple fait le Conseil Constitutionnel en France sur les lois de nationalisations de 1982, limitant en la matière son contrôle à celui de l'erreur manifeste.

De plus, toujours dans l'optique de la protection des droits fondamentaux, la Constitution ne comprend plus trois contrepoids importants : les médiateurs pour les minorités ethniques, pour la protection des données personnelles et pour la protection des générations futures. Effectivement, il est possible de s'interroger sur la volonté se cachant derrière la suppression de ces organes même si les droits des minorités par exemple restent clairement mentionnés dans la nouvelle constitution.

Cependant, a été créée en remplacement de ces médiateurs, un unique médiateur parlementaire des droits fondamentaux dont la mission semble plus globale, et garantissant moins l'application de ces droits, d'autant plus que, selon la commission de Venise, « l'Article XXIX (…) ne parle pas de respecter les droits des citoyens appartenant à des minorités nationales, sans définir d'obligations positives de l'Etat à cet égard ». Il ne faut pas voir ceci comme une négligence caractérisée ou encore l'annonce d'une stigmatisation des minorités locales, mais comme une moindre application constitutionnelle (donc moins facilement modulable juridiquement) de l'application de ces droits et libertés, et également comme le moindre respect d'une condition exigée par la Commission Européenne lors de l'entrée de la Hongrie (et d'autres pays d'Europe Centrale) dans l'Union en 2004, qui résidait dans le respect des minorités et dans la reconnaissance à leur égard de certains droits (condition pourtant jamais exigée des pères fondateurs ni au moment de l'Europe des 15).

D'un point de vue plus politique, il faut s'interroger sur la mise en œuvre de certaines réformes institutionnelles.

D'abord, la constitution modifie le mode de nomination des dirigeants de certaines institutions, avec des périodes de mandat de neuf, voire douze ans. C'est par exemple le cas de la Cour constitutionnelle, dont les 15 juges sont certes élus par l'assemblée, mais pour un mandat relativement long de 12 ans. Si l'on peut estimer que concernant certaines fonctions importantes, la fixation d'un mandat limité mais long a pour but d'éviter la pratique des épurations administratives, il faut observer l'effet néfaste que cela peut avoir sur l'alternance du pouvoir politique : avec ce type de mandat, bien qu'un autre parti arrive au pouvoir, il aura face à lui des proches d'autres partis politiques ayant le pouvoir d'empêcher la mise en œuvre de la politique voulue par la majorité portée au pouvoir par le peuple.

Aussi, la constitution de 2011 prévoit que le système de retraites et la politique fiscale ne pourront être dorénavant modifiés qu'à la majorité qualifiée des deux tiers du Parlement, ce qui liera également les mains d'un autre gouvernement si celui-ci n'a pas la majorité suffisante pour faire adopter les réformes qu'il entend mettre en œuvre. Là encore, on a donc une entrave à l'alternance politique, bien que les sujets concernés par cette disposition soient d'une importance cruciale.

Enfin, un nouveau Conseil budgétaire prévu à l'article 44 de la constitution, dispose du pouvoir d’opposer son veto à la proposition de budget du gouvernement et de demander au Président de la République de dissoudre l'Assemblée en cas d'échec à adopter un budget conforme à la constitution (les seuils qu'elle impose) avant certains délais. Ces pouvoirs n'ont été conférés au Conseil qu'après le renvoi, en décembre 2010, de ses précédents membres et leur remplacement par des proches du Fidesz, pour un mandat de 6 ans. Non seulement l'application de cette disposition soustrait le contrôle budgétaire à la cour constitutionnelle pour l'attribuer à un conseil non-élu, mais en plus ce conseil, dans la pratique, a été récemment composé de membres proches du parti au pouvoir, ce qui a encore une fois pour effet d'abolir un contre-pouvoir et d'atténuer le contrôle du peuple ou ses représentants sur la politique mise en œuvre par le parti en place. De plus, ce conseil a des prérogatives très importantes en matière budgétaire, puisqu'il peut « appuyer l'activité législative de l'Assemblée nationale, examiner le bien-fondé du budget central et participer à la préparation de la loi concernant le budget central » en plus de pouvoir inviter la dissolution de la chambre, dissolution qui d'ailleurs, risque d'avoir un effet néfaste sur la stabilité du régime en place et, en organisant de nouvelles élections législatives ou en menaçant de le faire, de restreindre la marge de manœuvre et le rôle du parlement en matière budgétaire, pouvant ainsi violer le principe de consentement à l'impôt.

Sources


-Loi Fondamentale de la Hongrie (2011).

-Constitution de la République de Hongrie (1949).

-Loi fondamentale de la Hongrie (wikipedia).

-Une démocratie parlementaire à lʼeuropéenne ? - Anne GAZIER - Pouvoirs, 2003/3 n° 106, p. 69-83.

-Commission de Venise : Avis sur la nouvelle constitution de la Hongrie.

-Hongrie : La Constitution de la zone grise - Sébastien GOBERT - Revue Regard sur lʼEst, 15 mai 2011.

-Hongrie : le Parlement a adopté une nouvelle Constitution ultra-conservatrice - LeMonde.fr, 8 avril 2011.

Rémi Decombe.