Sarkozy: Papandreou achève le ratage français du G20

Publié le 02 novembre 2011 par Juan
Mercredi 2 novembre, Nicolas Sarkozy est retourné « travailler » après quasiment une semaine de repos. Ses jours de repos à la luxueuse résidence de la Lanterne ont été gâchés par l'annonce surprise d'un référendum grec. Mardi, les Bourses s'effondraient partout, tirées vers le bas par les valeurs bancaires. En quelques heures, les faibles bénéfices du sommet européen de la semaine dernière étaient effacés.
A l'Elysée, on croyait arriver à Cannes avec l'accord européen du 26 octobre comme unique et maigre trophée pour ce G20 cannois.
Peine perdue ! le fiasco sera total.
Sarko au repos
Nous ne savons plus quel « éditorialiste » professionnel avait repris à son compte l'une des critiques UMPistes contre François Hollande la semaine dernière. Le candidat socialiste s'était pris quelques jours de congés, pour revenir réagir vendredi au monologue télévisuel de Nicolas Sarkozy de la veille. Certains avaient jugé bon de fustiger cette absence en pleine crise.
Rares ont été celles et ceux qui ont relevé que notre Monarque aussi était parti en vacances. Après sa dure semaine (dont un dimanche 23 octobre puis une quasi-nuit blanche le 26 au soir), on dira qu'il avait bien droit à quelques journées de repos. D'autant plus que son épouse avait accouché depuis peu. Il fallait bien qu'il retrouve les « deux femmes de sa vie », comme le titrait un magazine people.
Après tout, il n'est « que » président. Il a bien le droit à quelques journées de récupération comme n'importe quel salarié, n'est-ce-pas ? Sarkozy donc était en vacances depuis jeudi soir, juste après son show télévisé. Aucun rendez-vous officiel n'encombrait son agenda de vendredi à mardi soir. Il a pris ses quartiers au château de la Lanterne, à Versailles, avec Carla et Giulia. On l'a photographié courant dans les allées.
Grèce, ou le retour du peuple ?
La semaine devait être courte, reprenant par une journée de préparation avant son fameux sommet du G8 et du G20 à Cannes. La cité festivalière a été inévitablement bouclée par quelques dizaines de milliers de policiers et gendarmes. Mercredi, Sarkozy devait jouer au Monarque socialement concerné en recevant des ONG puis des représentants syndicaux du « Labour 20 » - L20, au Palais de l'Elysée.
Mais ce scenario s'est planté. Lundi soir, il a suffit que le gouvernement grec annonce l'organisation d'un référendum sur le nouveau plan de sauvetage pour que les Bourses du monde s'effondrent à nouveau dès le lendemain matin. Les peuples contre la Bourse ? A Paris, le CAC40 a chuté de 5,38%. La Société Générale perdait 16% en une séance.
Le sommet européen de la semaine dernière a eu un bien court effet. Et c'est tout le G20 cannois qui est menacé d'échec.
C'est la « panique en Europe ». Nicolas Sarkozy a réuni quelques proches en urgence à l'Elysée mardi vers 17h. Il était paraît-il « consterné ». Personne à l'Elysée n'avait vu le coup venir. Un conseiller anonyme confiait au Figaro: «Hier, personne en Europe n'a été prévenu de rien, et jamais les Grecs n'ont évoqué, même comme une vague possibilité, le risque d'un référendum la semaine dernière pendant les négociations à Bruxelles. »
Quelques minutes plus tard, un très court communiqué de la Présidence de la République annonçait la couleur: « Hier le Premier ministre Grec a pris l'initiative d'annoncer un référendum. Cette annonce a surpris toute l'Europe.» Puis: « La France tient à rappeler que le plan adopté jeudi dernier à l'unanimité par les 17 États de la zone euro est la seule voie possible pour résoudre le problème de la dette grecque. Donner la parole au peuple est toujours légitime mais la solidarité de tous les pays de la zone euro ne saurait s'exercer sans que chacun consente aux efforts nécessaires.» Et pour conclure, Papandreou sera convoqué mercredi, en fin de journée, pour s'expliquer.
Présidence crédible ?
La Grèce ne recevra sans doute pas sa prochaine tranche de 8 milliards d'euros de prêts pour faire face à ses échéances de remboursement. Un défaut du pays menace. Jeudi dernier à la télévision, Sarkozy qualifiait cette hypothèse de « catastrophe mondiale ».
« Si les Grecs n'en veulent pas, il ne sera pas adopté » avait déclaré le premier ministre grec Papandreou à propos de l'annulation de 50% de la dette grecque. Ce sera l'objet du prochain référendum. En quelques phrases et une annonce, Papandreou ruinait l'un des arguments sarkozyens: et si la Grèce ne voulait pas de cette coûteuse solidarité de l'eurogroup ?
Pour l'heure, le G20 qui débute jeudi risque d'être la confirmation d'un gigantesque gâchis. Sarkozy n'avait nullement besoin de cet accident grec. Sa présidence du G20 n'avait de toute façon servi à rien. 
Que retiendra-t-on de ces 12 mois écoulés de présidence française du G20 ?
Pas grand chose. L'année a été perdue. Sarkozy a sillonné les campagnes françaises, davantage préoccupé par sa réélection que par le sort du monde. La crise des dettes souveraines européennes a perturbé ses vacances et son story-telling. Trois ans après le krach boursier de l'automne 2008, la situation a objectivement empiré. Les marchés sont toujours aussi peu stables, aussi peu régulés, aussi peu convaincus. Les paradis fiscaux ont changé de nom. Et les Etats quémandent, à coup de plans d'austérité, quelques milliers de milliards d'euros d'emprunts.
Finalement, la présidence française du G20 ne fut qu'un mauvais jeu de télé-réalité boursière, une sorte de « Koh-Lanta du Triple A » jusqu'au dernier jour.
Depuis un an, Sarkozy a beaucoup parlé, beaucoup discouru sur l'avenir du monde et « sa » vision. Mais que s'est-il réellement passé ? Rien. On sait bien que la tâche était immense. Mais c'est toujours la même histoire. Notre Monarque agite ses bras, gonfle ses maigres muscles, surjoue le volontarisme et cache ensuite la faiblesse de ses résultats.
A-t-on besoin encore d'un président aussi vantard qu'inefficace, aussi peu crédible qu'agile ?
En janvier, il avait prononcé un vague et long discours de Grand Sauveur, au Palais de l'Elysée. Ses priorités étaient immenses, à la hauteur de la gravité de la situation:
(1) « La présidence française souhaite réformer le système monétaire international pour apporter des réponses collectives à ces dysfonctionnements et accompagner les mutations profondes que connaît l'économie mondiale, avec notamment la montée en puissance des grands émergents ». Fichtre ! On allait promouvoir une gestion coopérative des réserves de change, relever les fonds propres de nos banques, mieux coordonner les politiques macro-économiques des Etats. L'Europe à 27 n'y arrive même pas. La croissance mondiale s'est affaissée, on frôle la récession. Et les Etats, un à un, perdent leur fameux Triple A.

(2) La présidence française devait « renforcer la régulation financière », par exemple en matière de régulation du « secteur bancaire fantôme » (activité bancaire parallèle non régulée à ce jour) et « d'intégrité et de transparence des marchés financiers ». On sourit. En France, la régulation financière est restée bien modeste, plus modeste qu'ailleurs.
(3) « La France souhaite trouver des solutions collectives pour réduire la volatilité excessive des prix des matières premières, notamment agricoles ». En juin dernier, la réunion des ministres de l'Agriculture se clôturait sur un « plan d'action » qui n'était en fait qu'une longue suite de déclarations d'intention réaffirmant les droits des uns et les devoirs des autres. Il y avait même la reconnaissance de « l’importance du riz pour la sécurité alimentaire » (chapitre 17). Les 20 «encourageaient», « s'engageaient à promouvoir », «reconnaissaient », « soulignaient la nécessité », « applaudissaient », « insistaient », etc. Fantastique ! Parmi les rares résultats concrets, les 20 décidèrent de créer le Système d’Information sur les Marchés Agricoles « pour encourager les principaux acteurs des marchés agroalimentaires à partager leurs données » et de lancer « l’Initiative internationale de recherche pour l’amélioration du blé », un machin de coordination qui reliera différents programmes nationaux et internationaux de recherche.
(4) On se souvient, la crise avait vu débouler sur nos écrans français un personnage aussi savoureux qu'inattendu: « Sarko le Gaucho », l'homme de la droit décomplexée qui s'emballait à l'étranger contre le capitalisme mondialisé. Pour ce round du G20, Sarko-le-gaucho nous avait promis de faire « avancer 4 objectifs prioritaires dans ce domaine : l'emploi, notamment des jeunes et des plus vulnérables ; la consolidation du socle de protection sociale ; le respect des droits sociaux et du travail ; et une meilleure cohérence des stratégies des organisations internationales ». On attendait une sacrée rupture, la promesse d'une « nuit du 4 août » de la fiscalité mondiale, puisque les 20 plus grandes économies du monde étaient enfin réunis autour de leur survie collective et individuelle. Ce G20 de la dernière chance devait s'accorder pour répondre aux Indignés. Las, les ministres du Travail du G20 se sont bien réunis fin septembre, pour rien. Qu'a-t-il été décidé contre l'injustice partage de la valeur ajoutée, les cadeaux fiscaux aux fortunes internationales ? Rien. Mais les ministres du Travail et leurs hauts fonctionnaires ont beaucoup parlé, au cours d'une dizaine de réunions organisées par Xavier Bertrand. Le 26 septembre dernier, Sarkozy a fait un discours où il se félicita des résultats obtenus: « le principe d'une réunion ministérielle sur l'emploi lors de la prochaine présidence mexicaine » (sic!),« la création d'un groupe de travail intergouvernemental sur l'emploi des jeunes » (re-sic !), et « la contribution très utile du groupe consultatif des Nations Unies sur le socle de protection sociale présidée par Madame Bachelet ». A l'issue de cette ultime réunion parisienne, les 20 ministres listèrent leurs recommandations, pour le sommet final à Cannes, ces 3 et 4 novembre:  conforter l'emploi comme une priorité de politique économique, préparer les jeunes à trouver des emplois décents, soutenir l'intégration sociale et l'accès à l'emploi, renforcer la protection sociale, etc... Un verbiage incroyable, indécent, anachronique. Fallait-il en rire ou en pleurer ?
(5 ) Minée par des scandales nationaux (Woerth/Bettencourt, Karachigate, Bourgi) ou son soutien aux dictatures voisines (Egypte, Tunisie) avant d'opportuns retournements (Libye, Syrie), la Présidence Sarkozy avait quand choisi d'afficher la lutte contre la corruption comme l'un de ses priorités du G20 de l'année: « l'action du G20 en matière de lutte contre la corruption s'inscrit dans une stratégie globale de long terme en faveur d'un assainissement du climat des affaires, de la lutte contre l'évasion fiscale et du renforcement de l'État de droit ».
(6) Last but not least, Nicolas Sarkozy voulait  « agir pour le développement». Le mois dernier, le projet d'une taxe sur les transactions financières internationales était rejetée.
Sarkozy nous expliquait pourtant que le G20 « apparaît aujourd'hui comme une enceinte pertinente pour apporter des solutions concrètes aux problématiques du développement » . Faute de résultats tangibles, la moindre conférence bavarde est devenue un progrès de la régulation. Comme ce 28 octobre dernier, où Sarkozy expliqua, pas peu fier, que « le développement était autrefois un domaine qui ne regardait que les vieilles puissances du G7. Ce temps-là est heureusement révolu, de même qu'est également révolue l'époque, pas si lointaine, où l'on pensait que l'économie européenne et les autres grandes économies du monde, celle des Etats-Unis, et de la Chine, étaient indépendantes les unes des autres », lors d'une « conférence de la Présidence française du G20 sur le développement » rapidement oubliée.
Nicolas Sarkozy aura donc tout raté: la présidence française du G20 fut inutile, sans ambition, et perturbée dans ses derniers jours par ces soubresauts européens.
Ami sarkozyste, fais-tu encore confiance à ton mentor ?