Il n’y a rien de moral à augmenter les impôts

Publié le 07 novembre 2011 par Copeau @Contrepoints

Nous devons nous opposer à la fiscalité confiscatoire, car elle limite la capacité de l’individu à choisir ce qui est bon pour lui.

Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume-Uni

Pourquoi me tentez-vous, hypocrites? Montrez-moi la monnaie du tribut... (Matthieu 22:18-22:19)

Il y a six mois, l’Église d’Angleterre a été forcé de vendre l’un de ses trésors: un ensemble de 13 peintures de Francisco de Zurbaran représentant Jacob et ses fils. Ils ont été achetés pour £15 millions par un chrétien évangélique du nom de Jonathan Ruffer. Il en a fait rapidement don à l’église (voir ici).

Jésus a déjà donné quelques conseils sans concession pour les gens riches qui veulent faire une bonne action:

Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi. (Matthieu 19:21)

Presque personne ne peut suivre ces instructions à la lettre, mais Jonathan Ruffer m’apparaît comme s’en étant rapproché, bien plus que d’autres. Et comment cet homme extrêmement généreux, effacé et peu enclin à la publicité gagne-t-il sa vie? Comment fait-il pour se trouver en possession de £15 millions? La raison, c’est qu’il est gestionnaire de fonds – l’un de ces méchants parasites qui ont été hués, non seulement par la foule du mouvement « Occupy » regroupée devant la cathédrale St Paul, mais par ses associés de bureau.

Maintenant que Rowan Williams [Archevêque de Canterbury] s’est immiscé dans le débat sur une taxe sur les transactions financières, j’aimerais lui poser une question. Que considère-t-il comme étant le plus méritoire : donner son propre argent à de bonnes causes, comme Ruffer l’a fait, ou forcer clients et actionnaires à le faire au nom de la « responsabilité sociale des entreprises »? Quelle option a le plus de vertu: « vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres » ou se faire exproprier par le système fiscal?

Bon, c’est une question de rhétorique: en effet, même un Archevêque y a répondu avec éloquence:

L’intégrité est la valeur que nous portons en nous ou dans notre travail pour elle-même – ce qui vaut de faire des sacrifices, ce dont nous sommes heureux d’avoir fait tout simplement pour l’acte lui-même. On ne parle pas de la même chose si d’un côté je fais quelque chose juste parce qu’on me le demande ou si de l’autre je me retiens de faire quelque chose simplement par peur d’être pris en défaut.

Selon cette logique, nous devons nous opposer à la fiscalité confiscatoire, car elle limite la capacité de l’individu à choisir ce qui est bon pour lui. Il s’ensuit aussi que le seul but de la fiscalité devrait être de mobiliser des ressources. Le Ministère des finances publiques se trouve être la mauvaise administration pour ce qui est d’encourager un comportement moral.

L’argument légitime est de savoir si la « taxe Tobin » est en mesure de rapporter de l’argent en net. Je ne crois pas que ce serait le cas : l’effet négatif sur l’un des rares secteurs où la Grande-Bretagne possède encore un avantage en coûterait au gouvernement plus que le prélèvement opéré. Cela finirait par augmenter les taxes de tout le monde, y compris les pauvres. C’est une question sur laquelle les gens peuvent sincèrement se trouver en désaccord.

Le problème est que le Dr Williams n’aborde pas la question en termes de coûts et de revenus. Il le considère comme un problème moral, et est heureux de pourvoir à une sanction archiépiscopal qui ne s’applique qu’à un seul élément de l’équation. Et pourtant, le raisonnement sur lequel il fonde sa décision demeure vague. Je ne peux penser qu’à une seule occasion où Jésus lui-même s’est exprimé directement sur la question du paiement de l’impôt. Interrogé pour savoir s’il était bon de donner le tribut à César, il se mit en colère: « Pourquoi me tentez-vous, hypocrites? » demanda-t-il, avant de demander à ses interlocuteurs: « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Matthieu 22:21).

Il y a bien sûr plusieurs types d’interprétations que l’on puisse tirer de cet échange, mais le Dr Williams pourrait n’envisager qu’une seule d’entre elles: que Jésus était plus intéressé par notre relation avec le Créateur que par les questions touchant notre système fiscal. Si chaque pasteur anglican pouvait se dire la même chose, ce serait parfait.

L’Archevêque a écrit quelques analyses de première qualité à propos du travail de CS Lewis, et n’aura pas besoin qu’on lui remémore ce fameux passage. Le Dr Williams n’a pas d’expérience particulière en matière de politique fiscale, ni aucun mandat électoral. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne devrait pas avoir d’opinion, mais qu’il lui suffit comme tâche principale d’administrer cette part de nous qui vit éternellement, et non de s’occuper à modifier le code des impôts.

C’est une chose que de débattre, puis de rejeter, les points de vue moraux opposés à l’augmentation des impôts; c’en est une autre que de rejeter vos adversaires en les qualifiant paresseusement d’égoïstes. L’Archevêque devrait vraiment être plus éclairé.

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Traduction: JATW pour Contrepoints.