La Cousine Bette - Honoré de Balzac

Par Woland

Extraits

Personnages

Oh ! le beau mélo ! Sans rire, on se croirait chez l'incroyable et ébouriffant Ponson du Terrail. Jugez vous-même : une épouse fidèle (baronne Adeline Hulot d'Ervy) mais trompée de façon infâme par son mari, une espèce de vieux beau qui ruine sa famille et provoquera plus tard la mort de la digne épouse (baron Hulot d'Ervy) ; leur fille (Hortense), jeune personne "sage" et présentée comme bonne qui s'empresse de "voler" sans vergogne à sa cousine, la fameuse Bette du titre, l'homme dont celle-ci lui a pourtant avoué être amoureuse ; l'"Amoureux" en question (comte Wenceslas Steinbok), un noble polonais émigré et tombé dans la misère doublé d'un artiste-graveur exceptionnel ; un rival du baron dans le monde libertin (Célestin Crevel) qui, pour se venger de Hulot, lequel lui a pris une jeune maîtresse, entend se faire payer en nature tôt ou tard par la malheureuse Adeline ; une petite bourgeoise affairiste (Valérie Marneffe) qui s'empresse de tomber dans les bras du volage baron afin d'améliorer son ordinaire personnel et, au passage, celui de son maquereau de mari ; un beau baron brésilien (baron Montès) dont la jalousie, bafouée par Valérie, se retournera de façon horrible contre celle-ci et son époux ; et puis, bien sûr, la cousine Bette (Lisbeth Fisher), tour à tour admirable et monstrueuse, un cerveau rendu machiavélique par les injustices subies au nom de sa laideur et de sa pauvreté, et qui mènera presque la famille Hulot d'Ervy et surtout sa cousine, Adeline, à l'abîme avec, il est vrai, l'aide puissante de la Marneffe.

Oh ! oui ! Ponson du Terrail n'aurait pas fait mieux question mélo - et pourtant, il s'y connaissait !

Et pourtant, voyez-vous, "La Cousine Bette" est un fabuleux roman, l'un des meilleurs selon nous de Balzac. La grâce et la fougue du génie s'y révèlent sans effort, transformant ce qui est, effectivement, au départ, un horrible mélo en un drame qui vous étreint le coeur. Certes, comme d'habitude, on regrettera quelques égarements du style - mais on était dans la première moitié du XIXème siècle et le Romantisme régnait en maître - mais on n'est pas près d'oublier ni la flamboyante, subtile - et complètement détraquée - Valérie Marneffe, ni cette énigme, tour à tour émouvante et hideuse, que restera la cousine Bette. Eût-elle bénéficié d'un peu plus d'amour dans son enfance qu'elle ne serait pas morte désespérée par une vengeance qui lui échappait.

Quant à la fin réservée au baron, cet infâme vieux beau à qui l'on est en droit de préférer un Crevel - eh ! oui ! - ce vil remariage avec une servante-maîtresse après la mort, causée par le chagrin, de sa première épouse, elle est d'une justesse et d'un cynisme en tous points remarquables.

Une fois encore, on ne peut que constater l'incroyable compréhension de la nature féminine qui était celle de Balzac. Car, à y bien regarder, il arrive que le lecteur (la lectrice ?) se laisse émouvoir par Mme Marneffe et par son amie Bette. Il y a, dans ces deux femmes, si pervers que soient leurs actes, une volonté de rébellion qui n'est que la conséquence de la façon dont les hommes et la société les considèrent. C'est en cela que Balzac est précieux et unique, chez les écrivains mâles de son époque.