Créneaux

Publié le 07 novembre 2011 par Toulouseweb
BMI sera vendue à IAG, c’est-à-dire à British Airways et Iberia.
Enfant malade du transport aérien anglais, British Midland Airways, détenue depuis 2 ans par Lufthansa, va passer dans le giron de l’International Airlines Group, société-mère de création récente de British Airways et Iberia. Un regroupement qui consacre tout à la fois un échec allemand et la volonté du duo anglo-espagnol de croître rapidement.
Cette opération, annoncée sans le moindre détail financier, devrait devenir réalité au début de l’année prochaine, après approbation des autorités réglementaires concernées. BMI était en mauvaise posture, accumulait des pertes importantes, et ne trouvait pas sa place au sein du groupe Lufthansa. Néanmoins, l’opération qui vient d’être annoncée n’est pas simple, tant s’en faut. Elle suscite une vive réaction négative de Virgin Atlantic, et suscite une belle polémique autour des créneaux de décollage et d’atterrissage à l’aéroport de Londres Heathrow, les «slots» qui constituent une denrée de plus en plus rare.
BMI occupe en effet 11% desdits créneaux d’Heathrow, ce qui signifie qu’après fusion, la part de British Airways passera à 53%. Ce qui n’a rien de scandaleux pour une compagnie dominante, sur «sa» plate-forme principale, mais n’en suscite pas moins une contestation sévère. Il est vrai que cette opération est annoncée au moment où Justine Greening, récemment nommée ministre des Transports de Sa Gracieuse Majesté, soucieuse de protection de l’environnement (jamais un nom de politique ne fut aussi bien porté !), a cassé une récente décision de construire une troisième piste à Heathrow. Un véritable coup de tonnerre dans le ciel anglais : Heathrow étouffe, risque l’asphyxie, tout comme Gatwick, les autres aéroports de la région londonienne comme Stansted et Luton, exagérément lointains de la capitale, pouvant difficilement constituer de bonnes solutions de rechange.
De toute évidence, on assistera bientôt au regain d’actualité d’un dossier vieux de plusieurs décennies, le projet de création d’un nouvel aéroport sur l’estuaire de la Tamise. En supposant que cette idée finisse par devenir réalité, au mieux dans 15 ou 20 ans, on peut d’ores et déjà se demander comment Londres pourra conserver entre-temps sa première place aéroportuaire européenne. Aussi le choix de Justine Greening s’annonce-t-il lourd de conséquences en même temps que le point de départ d’une violente polémique.
Cette situation tend, dès lors, à éclipser l’intérêt de l’absorption de BMI par British Airways et Iberia. Il s’agit pourtant de la disparition d’une compagnie généraliste de taille moyenne, d’un modèle économique fragilisé par une concurrence sévère et un environnement qui lui était peu à peu devenu hostile. Proie facile, BMI avait été reprise par Lufthansa, cette dernière poursuivant une stratégie forcenée de croissante externe qui, aujourd’hui, n’est plus de mise. Mais, curieusement, les Allemands n’ont pas trouvé la bonne manière de faire et n’ont pas été capables d’endiguer les pertes de la compagnie. D’où un mouvement de découragement puis le renoncement pur et simple.
A ce moment, on aurait plutôt imaginé une initiative de Virgin Atlantic, maintenant adossée à Singapore Airlines. Si tel avait été le cas, une idée vieille comme le transport aérien anglais serait devenue réalité, la mise en place de ce qu’il était convenu jadis d’appeler outre-Manche une «second force airline», c’est-à-dire un numéro 2 solide et fort capable de concurrencer British Airways. L’idée était apparue après la fusion de BOAC et BEA, toutes deux compagnies étatiques, opération qui avait donné naissance à British Airways, compagnie nationale hégémonique. Mais rien n’y fit, pas même les efforts méritoires de British Caledonian, absorbée à son tour, encore moins ceux de Virgin, d’autres intervenants plus modestes n’arrivant pas à jouer dans la cour des grands, exception faite, bien entendu, d’EasyJet et du franc-tireur irlandais Ryanair.
Finalement, on retiendra que l’International Airlines Group a bien joué, qu’il permet à British Airways de combler son retard dans sa recherche de synergies et d’économies d’échelle, politique soutenue par des maisons amies en bonne santé, Vueling et Air Nostrum, en même temps que l’arrivée prochaine d’Iberia Express. Reste le problème non résolu de la capacité aéroportuaire londonienne, un vrai casse-tête qui suppose de gérer au mieux la pénurie. De quoi donner un peu d’optimisme à Air France-KLM et à Lufthansa.
Pierre Sparaco - AeroMorning