Il faut qu'on parle de Kevin

Publié le 07 novembre 2011 par Auroretaupin


Il faut qu'on parle de Kevin n'a pas un titre à la hauteur du sursaut littéraire qu'il est sur le point de faire à ses lecteurs. Du coup, il m'a fallu quelques années pour enfin sauter le pas, passer outre ce drôle de titre et ouvrir ce roman qui traînait dans ma bibliothèque depuis des années (sûrement influencée aussi par l'adaptation récente en film et le succès à Cannes de celui-ci, avouons-le).

Pourquoi faut-il que la narratrice parle de Kevin avec son mari ? (On le découvre très rapidement, aussi pas de risque à lire ce qui va suivre). Car Kevin a tué 9 de ses camarades et professeurs dans le gymnase de son lycée. Un vrai massacre à la Columbine.

Sa mère, après la tuerie et l'incarcération de son fils, décide d'écrire des lettres à son ex-mari pour revenir sur tous les éléments qui auraient du les alerter sur le caractère ... dangereux de leur fils.

Lionel Shriver réussit à reconstruire tout le faisceau d'éléments convergents vers ce terrible massacre, depuis la plus tendre enfance de Kevin jusqu'aux derniers jours avant l'évènement : son caractère capricieux et pleurnichard bébé, ses manipulations envers son père, sa mesquinerie avec sa petite soeur. Loin de ne parler qu'aux femmes avec enfant, ce livre essaye d'imaginer la genèse d'un drame avec une justesse et une finesse d'analyse qui sont stupéfiantes. Le petit Kevin ne plantait pas des aiguilles dans des petits animaux, ou ne torturait pas un oiseau tombé du nid, non ! Il était plutôt insidieusement méchant, trouvant toujours des boucs émissaires ou des circonstances atténuantes pour justifier ou minimiser ses méfaits, semant au passage la discorde entre ses deux parents.

Lionel Shriver plante parfaitement le cadre de son roman, avec des personnages complexes et réalistes : la mère lucide depuis longtemps sur la double personnalité de son fils, le père naïf et manipulé, la petite soeur en retrait, et surtout Kevin, terrible personnage dont on ne comprend les motivations qu'à la toute fin.

L'auteur donne à son livre un suspense et un rythme haletants, nous en dévoilant à chaque chapitre un peu plus sur la tragédie, en filigrane des lettres adressées au mari, qui reprennent des éléments de ce jour, au détour d'une phrase de la correspondance. Malgré un contexte qu'on croit avoir déjà parfaitement cerné, on se surprend à avoir été floutée par l'habile romancière (oui, oui, Lionel est une femme), et on aime ça !

Il faut qu'on parle de Kevin, à lire absolument avant de voir le film !