Le 04/11/2011 à 22h 10 sur ARTE : « L’ESPECE HUMAINE EN A-T-ELLE TERMINE AVEC L’EVOLUTION GENETIQUE ? »

Par Ananda

Voilà une question qui se situe « au cœur de notre identité », pour la bonne et simple raison qu’elle « porte sur notre avenir ».

Il y a donc lieu de la poser, et c’est ce que s’efforce de faire ce documentaire.

Les « avancées de la génétique » ont-elles réussi à dégager une « vision globale de l’évolution humaine » ?

« Des environnements extrêmes nous ont-ils forcé à changer ? »

L’histoire de notre passé, déjà, nous indique très clairement que « l’évolution nous a façonnés ».

Alice ROBERTS, anthropologue, est au fait de toute « notre évolution passée », dont les débuts ne datent certes pas d’hier.

Qu’on en juge…ainsi qu’elle nous le rappelle, l’arbre qui nous a donné naissance, l’arbre de la Vie est « un arbre gigantesque, vieux de trois milliards et demi d’années ».

Les animaux, quant à eux, sont apparus « il y a six cent millions d’années ».

Nos ancêtres directs dans le règne animal, les Hominiens, n’ont vu le jour qu’il y a seulement « sept millions d’années » et, pour finir, notre espèce d’hominidés proprement dite, l’Homo Sapiens, ne remonte pas, vraisemblablement, à plus de quelques « deux cent mille ans », époque « très récente à l’échelle de la Vie sur Terre ».

Une durée de  200 000 ans, c’est une durée qui peut être qualifiée d’« infime ».

L’évolution, de son côté, est à l’origine de « la fantastique diversité des êtres vivants ».

Mais « quel est le temps nécessaire pour qu’une espèce évolue ? ».

Pour essayer d’éclairer notre lanterne quant à cette épineuse question, Alice Roberts se rend dans le DEVON, coin de l’Angleterre où se trouve une « mine à l’abandon » dont le taux d’arsenic est de deux à trois fois plus élevé que le seuil de toxicité de cette substance. Là, Mark HOBSON a eu la chance de dénicher des VERS DE TERRE qui se sont adaptés complètement à ce « sol empoisonné » et y ont évolué sans problème. Non seulement ils ont changé de teinte de façon caractéristique, mais ils sont carrément devenus « une nouvelle espèce ». Ce qui le prouve ? L’étude de leur ADN a révélé une « différence génétique marquée » d’avec la souche des vers de terre communs (les lombrics que l’on trouve, par exemple, « dans nos jardins »). De plus, elle a déterminé que cette différenciation en profondeur n’était intervenue qu’en l’espace de seulement « 170 ans » ! C’est tout simple : « une mutation aléatoire » a été sélectionnée par ces vers de façon à leur permettre de survivre à leur nouveau milieu mortellement riche en arsenic.

En ce qui concerne l’Homme, cependant, les choses furent plus compliquées : « un détail nous rend très, très différents des autres animaux » ; ce détail tient à un évènement majeur, qui marqua notre histoire : il y a 60 000 ans, l’humanité essaima hors de l’Afrique, et c’est sans doute pour une bonne part au cours de cet incroyable voyage que « nos ancêtres ont commencé à se protéger contre l’environnement », en domestiquant le FEU, en se confectionnant et en portant des VÊTEMENTS et en accumulant les INVENTIONS, qui se firent de plus en plus nombreuses, en des laps de temps de plus en plus courts.

Au point que l’on peut également se poser à bon droit une question : notre TECHNOLOGIE, en nous protégeant de la nature, ne nous a-t-elle pas aussi préservé de la sélection naturelle ?

Dit en d’autres termes : « sommes-nous identiques aux Hommes apparus en Afrique il y a 200 000 ans ? ».

OXFORD (Angleterre) renferme « les plus vieux ossements d’Homme moderne trouvés au Royaume-Uni ». Le spécimen, un squelette recouvert d’ocre rouge et baptisé « La Dame Rouge » pour cette raison, est en réalité le vestige « d’un homme qui a vécu il y a 33 000 ans », au temps de l’Homme de Neandertal et des mammouths.

Après s’être demandé tout haut : « ses os sont-ils pareils aux miens ? », Alice Roberts les considère et nous les montre en concluant qu’ils semblent avoir « à peine quelques siècles ».

Ainsi, poursuit-elle, « rien dans ce squelette n’indique que nous avons changé depuis des millénaires ».

Voilà qui tend nettement à prouver que nous n’avons guère évolué.

Pourtant, c’est peut-être un peu vite dit dès lors que l’on se focalise sur nos aspects, nos apparences actuels qui, eux, au contraire, montrent de manière éclatante que, physiquement, nous différons énormément les uns des autres.

Alors ? Ces différences ne seraient-elles que superficielles ?

Existerait-il aussi, « en profondeur », des différences notables ?

Alice Roberts s’empresse de dire que, si l’on veut répondre à cette interrogation, « l’étude des environnements extrêmes » constitue « la meilleure approche ».

Le Pr Cynthia BILL s’est, ainsi, tournée vers « les hauteurs de l’Himalaya, où vivent les SHERPAS népalais ou tibétains », qu’elle a été, en l’occurrence, chercher à une altitude de 3 500 mètres, dans « la dernière bourgade avant l’Everest ».

A de pareilles hauteurs, « l’air raréfié des montagnes » s’avère potentiellement très dangereux, si ce n’est même mortel pour l’Homme .

Et pourtant on constate que les Sherpas, qui habitent cette contrée depuis 10 000 ans, « ne souffrent pas de ce manque d’oxygène ».

Une étude s’imposait, et le Pr Bill la mena sur leur sang. En premier lieu, elle mit en relief un taux faible d’HEMOGLOBINE (16,4 précisément). Ensuite, en étudiant cette fois « leur flux sanguin », elle identifia un « système circulatoire unique », notamment caractérisé par « la grande densité, la grande largeur et la grande sinuosité des réseaux de vaisseaux sanguins ».

Il s’agissait là de réelles « particularités biologiques ».

Conclusion de la chercheuse : « nos travaux prouvent une évolution par la sélection naturelle », et ils en apportent une « preuve irréfutable ». Fait extrêmement important, qui atteste que « l’être humain [dans le cas qui nous occupe] n’a pas cessé d’évoluer ».

Ce fait, toutefois, ne s’en limite pas moins à la population des Sherpas de l’Himalaya. Et « partout ailleurs » ?

Alice Roberts se rend au BROAD INSTITUTE, dans le MASSACHUSSETTS.

C’est, tout bonnement, l’endroit où on a « cartographié » le génome humain. Cartographie des plus précieuses, si l’on prend en compte le fait qu’elle ouvre une véritable « fenêtre sur notre passé » dont, en fait, l’ADN contemporain est une « mémoire vivante ».

Et que nous dit-il relativement à nos « mutations récentes », ce fameux génome ?

Eh bien, qu’on y a trouvé pas moins de « 250 régions où une sélection s’opère ». Ce qui fait qu’au total « nous sommes bien plus éloignés de nos ancêtres que la science ne l’estimait ».

Pour commencer, originellement, nous avions tous la PEAU NOIRE. Ceci est attesté en nous par de « nombreuses mutations de pigmentation », qui ont touché, au cours des derniers millénaires, toutes les populations ayant quitté le berceau africain pour gagner les hautes latitudes de l’hémisphère nord. Ces mutations de pigmentations reconnaissables diffèrent selon les souches ethniques concernées : celles des Européens leur sont propres et il en va de même pour celles que portent les Asiatiques.

D’autres modifications, décelées aussi dans le génome humain contemporain, sont liées à des TYPES DE REGIME ALIMENTAIRE.

Enfin apparaissent « les mutations les plus récentes » : celles en relation avec l’ALTITUDE et celle liée à une maladie du sang apparue « lors des dix derniers millénaires en Afrique » en réaction à la menace que constituait le paludisme, la DREPANOCYTOSE.

Et aujourd’hui ?

La situation actuelle de l’humanité étant absolument inédite, L’ABONDANCE DE NOURRITURE, L’ACTION DE LA MEDECINE ET LA PRATIQUE INTENSIVE DE L’HYGIENE faisant que, désormais – du moins dans les sociétés hautement industrialisées à fort développement technologique – tout le monde se trouve en position de transmettre ses gènes à la génération suivante, « pouvons-nous encore évoluer de nos jours ? ».

Et où chercher – s’ils existent – des « indices de notre évolution actuelle » ?

Les tombes occidentales du XIXe siècle sont là pour nous révéler à quel point la « mortalité infantile » pouvait être « forte » à cette époque toute proche. Pour tout dire, un bébé sur deux atteignait les vingt et un ans.

Un spécialiste commente (de façon un peu cynique) : « ces enfants morts étaient le carburant de la sélection naturelle ». Et c’était bien vrai, puisque leur disparition éliminait les gènes les plus fragiles. « Médecine moderne » et, de façon peut-être encore plus importante, « ingénierie moderne » ont, sans conteste, débouché sur un « essoufflement de l’évolution ».

Reste pourtant le cas du « RISQUE EPIDEMIQUE » qui, lui, est loin d’en avoir fini avec les Hommes.

Rien, en effet, ne garantit, même aujourd’hui, que nous soyons à l’abri d’une CATASTROPHE SANITAIRE, toujours envisageable et, vu sous cet angle, les VIRUS et les BACTERIES pourraient fort bien être les agents d’une « résurgence de la sélection naturelle ».

A la question « sommes-nous au terminus de l’évolution ? », on peut donc catégoriquement répondre non, car, nous explique un savant, « il faudrait que nous maîtrisions définitivement les maladies ». Or, virus et bactéries mutent, s’adaptent avec une rapidité foudroyante. Chacun connait le cas des agents pathogènes devenus résistants aux médicaments classiques.

Non, « virus et bactéries ne sont pas immuables », loin s’en faut, et de cela, il résulte que « notre avenir dépend de leur devenir ».

En voici un exemple, celui d’ « un virus qui s’attaque aux poulets ». D’après Andrew REED, cet agent pathogène a peut-être muté à cause de la vaccination des poulets ou de l’élevage intensif. Quoi qu’il en soit, il a muté, ce qui le rend potentiellement dangereux…

Reed commente : « nous ne faisons que modifier le cadre de sélection », mais certainement pas, pour autant, la sélection elle-même ; « bactéries et virus seront TOUJOURS PRESENTS », qu’on se le dise, et malheureusement rien n’exclut qu’une PANDEMIE MONDIALE complètement imprévisible vienne un de ces jours remettre la sélection naturelle « aux commandes » !

Un autre facteur est aussi à prendre en considération : la sélection par « la naissance » - ou, posé sous forme de question : « qui fait des enfants dans chaque société ? ».

Ce facteur a intéressé un scientifique américain qui a pris pour terrain d’étude la petite ville de FREMINGHAM (Massachussetts). Son étude, entreprise à partir des « tendances de fécondité » d’une communauté entière, a elle aussi montré clairement que « l’évolution se poursuit encore », tant quant à la TAILLE et au POIDS des gens que quant à « L’AGE OU L’ON A SON PREMIER ENFANT » ou celui de la survenue de la MENOPAUSE.

A la question « à quoi ressemblera la prochaine génération d’habitants de Fremingham ? », le chercheur fournit des réponses plutôt prudentes, quoique pourtant claires : « on a constaté que les gens deviennent plus petits et un peu plus grassouillets ». Il ajoute que, si le « contexte culturel » est pour beaucoup dans ce phénomène, il est indéniable qu’ « une part génétique » joue aussi un rôle.

Ainsi peut-on, « in vivo », cerner le processus de la sélection à l’œuvre : « le plus probable, c’est qu’elle nous fait évoluer à la façon d’un yo-yo ».

De toute façon, « à long terme, la direction reste totalement inconnue »…

Seule chose qui paraisse sûre, incontournable : « la culture explose » et tout nous laisse penser qu’elle changera notre biologie ; les savants estiment d’ailleurs que « nous sommes en plein milieu du processus ».

Eu égard aux « changements considérables de notre mode de vie depuis un siècle », on pourrait croire que « nous allons peut-être réécrire les règles de la sélection naturelle » par notre technologie.

Une belle (et un peu inquiétante) illustration nous est donnée par ce qui est, en ce moment même, en train de se passer à LOS ANGELES.

Los Angeles, connue pour être « la ville de la perfection physique ». Los Angeles que « l’arrivée du génie génétique » ne pouvait que toucher de plein fouet !

A L.A, Jeff STENBERG en est maintenant à aider des couples à « créer des bébés sur mesure ».

De quelle façon ?

Par le choix des critères esthétiques autant que par le « dépistage des maladies génétiques » mené dès le premier mois de l’embryogenèse, par examen génétique d’une seule cellule prélevée.

L’examen de cette seule cellule permet de déterminer la présence ou l’absence de maladies génétiques, le sexe du futur enfant et même, virtuellement, « la couleur des yeux et des cheveux ».

On a affaire à une authentique  course à la perfection qui aurait presque de quoi rappeler l’idéal des lebensborn du régime nazi !

Peut-on voir en cela « un tournant pour l’avenir de l’humanité » ?

En un sens, oui, car ce sera, tout de même, si ça se développe, la première fois qu’une espèce animale « prendra son avenir en main ».

Pour Jeff Stenberg, les moyens sont d’ores et déjà là et, même si on la freine pour des raisons éthiques évidentes (ce qui est, d’ailleurs, le cas pour le moment), « la technologie ne va pas disparaître ».

Il est temps, à présent, de tirer une conclusion plus vaste de toutes les données dont ce film nous a permis de prendre connaissance.

Quoique les voix et les avis soient quelquefois contradictoires et un peu dissonants, il est, malgré tout, « clair que NOUS NE CESSERONS JAMAIS D’EVOLUER ». Parce que nous sommes des êtres de chair et des êtres de culture, de technologie, « nous évoluons peut-être plus vite que jamais auparavant ».

Et, après tout, « l’être humain est exceptionnel, mais pas tant que ça », pas au point, en tout cas, de ne pas être à la merci d’une quelconque « catastrophe naturelle » qui pourrait fort bien « nous éradiquer ».

Et pourtant (paradoxe !), « par rapport à l’Homme des cavernes, nous sommes [bel et bien] un nouvel animal ».

Là encore, une fois de plus, nous tombons sur la dualité de notre nature. Animal et plus qu’animal, porteur d’une nouvelle animalité où réside aussi l’essence de notre mystère.

Plus largement, si l’on change d’échelle de temps, nous sommes voués à disparaître au même titre que toutes les formes de vie terrestre.

L’évolution elle, en revanche, aura le privilège de nous survivre ; elle « se poursuivra tant que la planète pourra abriter la Vie », même en dehors de l’Homme, lequel n’est, à tout prendre, dans l’arbre de l’évolution, « qu’une petite brindille ».

P. Laranco