Comment répondre à l’UMP et à Sarkozy ?

Publié le 14 novembre 2011 par Variae

L’UMP tousse, dérape, accumule les sorties de route et les expériences plus ou moins heureuses. L’UMP renoue avec les ficelles de 2007, ment, intoxique, flirte sans cesse avec le ridicule. Mais l’UMP s’est remise en ordre de bataille, incontestablement, avec ses aboyeurs qui jaillissent comme le diable de sa boîte à chaque intervention socialiste, avec ses campagnes de tracts aussi délicates qu’une charge de chars d’assaut.

 

Je me méfie toujours grandement de la coupure qu’il peut y avoir entre les militants acharnés, nourris 24h sur 24 à l’information politique et habitués à décrypter presque sans y penser la propagande, et le reste de la population, même s’intéressant à la politique, même rejetant Sarkozy – mais moins au fait de la chronique des échecs et des impostures de la droite, telle qu’on peut la suivre au jour le jour sur les médias militants. Cette méfiance m’incite à la plus grande prudence quant à la perception que l’on peut avoir de la communication de l’UMP et de l’Elysée, selon que l’on soit un militant ou non. Cela tient parfois tout simplement à des problèmes de disponibilité de l’information. Pour prendre un exemple récent, la convention de l’UMP sur le projet du PS était objectivement ridicule, mais qui l’a vue ? Inversement, l’allocution présidentielle pré-G20 sur la crise pouvait probablement avoir un effet rassurant pour les Français qui regardent le JT de 20H, ne suivent que de loin les joutes politiques sur le sujet, et sont d’abord inquiets pour l’avenir du pays. Sinon, Nicolas Sarkozy ne connaîtrait probablement son actuelle (légère) embellie dans les sondages, et les Français ne continueraient pas à lui attribuer une capacité de décision et de volonté supérieure, comme cela transparait dans une étude du jour.

De ces quelques considérations, évidentes sur le papier mais que l’on est souvent trop prompt à oublier, il faut tirer des leçons opérationnelles pour la stratégie de réponse et de riposte à l’UMP, que l’on soit militant surmobilisé ou simplement sympathisant désireux de contribuer à l’alternance en mai prochain.

Premièrement, refuser la dispersion et la course en tous sens. Une des forces de la droite sarkozyste a toujours été le contrôle de l’agenda politique, en lançant (avec plus ou moins de succès, mais c’est un autre sujet) des débats fortement idéologiques et souvent coupés des problèmes immédiats des Français. Les innombrables moulinets autour de l’identité nationale en font partie, tout comme la sortie de vendredi dernier sur l’idée de modifier la nature du 11 novembre. Ces polémiques présentent l’avantage double, pour leur promoteur, de donner l’impression d’agir et de réformer, et de déporter ses opposants sur d’inutiles débats pour ne pas les laisser frapper là où cela fait vraiment mal. Nul doute que d’autres ballons d’essai de ce genre (sur l’uniforme à l’école par exemple) seront tentés dans les prochains mois.

Deuxièmement, refuser de répondre aux provocations. Même mécanique que précédemment : les insultes, les exagérations verbales régulièrement commises ces derniers temps par les porte-flingue du président ont pour double fonction de faire diversion et de neutraliser la possibilité même du débat public. Répondre à l’exagération par l’exagération démonétise la parole politique, et dégoute probablement les citoyens qui assistent à ces joutes surréalistes. A cet égard, l’attitude de hauteur adoptée par François Hollande dès les primaires citoyennes me semble être de très bon aloi.

Troisièmement, mettre les rieurs de son côté. J’ai multiplié ces derniers temps les billets sarcastiques contre la droite, en réponse à ses agressions répétées. La bouffonnerie est la meilleure réponse à la bouffonnerie. S’indigner et crier systématiquement au scandale contre les dérapages verbaux de l’UMP tend à la longue à leur donner de l’importance et donc une certaine légitimité. La puissance destructrice du rire est bien plus efficace. Dégonfler la baudruche plutôt que dépenser son énergie en coups inutiles contre elle, en somme. Pointer le ridicule d’une majorité qui n’en manque pas.

Quatrièmement, revenir sans cesse aux faits, et tout particulièrement à ce qui peut sembler simple et évident. La multitude d’affaires et d’échecs impliquant la droite est finalement une protection pour elle : cela donne une impression de nébuleuse floue et incompréhensible (Ne serait-ce que le tandem Clearstream / Karachigate) qui peut vite déboucher sur un « tous pourri » délétère. Par ailleurs, la mémoire médiatique a ses limites, surtout avec une actualité mondiale aussi chargée où crise et révolutions se succèdent. Il faut donc plutôt se concentrer sur les quelques affaires les plus graves pour la République, les quelques échecs les plus cinglants (emploi, croissance, pouvoir d’achat, impôts …) et les marteler encore et encore, y compris auprès des journalistes (on a vu leur peu d’empressement à creuser l’affaire de la chambre présidentielle à 37 000 euros), de façon claire et avec un vocabulaire standardisé.

Cette dernière question constitue un cinquième point fondamental. Il est de bon ton de moquer et critiquer la vogue des « éléments de langage », mais ils répondent à une donnée simple : dans le maelström informationnel auquel nous sommes soumis, seule la répétition du même a une chance de s’imposer. C’est ce que met de son côté en œuvre l’UMP avec sa campagne de communication anti-PS, qui reprend ce qui pourrait sembler de vieilles antiennes dépassées, mais qui peut tout à fait réactiver des images négatives si on n’y prend garde. Cette « collectivisation », standardisation du message – avec des adaptations individuelles et selon les cas, bien entendu – est paradoxalement une idée compliquée à faire passer à gauche tant on a tendance à y célébrer la liberté individuelle d’expression et l’autonomie créative du militant. Hélas, une attaque, fût-elle en des termes brillants, sur un ou quelques blogs ne marque pas. En revanche, répétée mille fois plus fort et inscrite dans la durée, elle passe à une autre dimension. Pour revenir à l’épisode de l’hôtel cannois à plusieurs milliers d’euros, si les informations de la presse étrangère ont eu un écho énorme sur le web alors même que les journaux français étaient d’une extrême prudence à leur égard, c’est entre autres parce qu’elles venaient réveiller le terreau fertile du « Sarkozy bling bling », enraciné dans l’opinion depuis 2007.

La profusion de griefs à l’encontre du sarkozysme pourrait finalement lui profiter, si l’on s’y perd. C’est probablement un des plus grands défis d’ici à mai pour la gauche : tenir contre lui une ligne ferme, sans en démordre.

Romain Pigenel