Rétrospective Yayoi Kusama à Beaubourg : festival de pois et phallus !

Par Kaeru @Kaeru
Si vous connaissez le livre Triste revanche de Yoko Ogawa, l'énorme citrouille jaune à pois noirs encouverture vous aura sans doute intrigué. C'est ainsi que j'aidécouvert Yayoi Kusama. Son univers coloré, féminin, avec unetouche d'absurdité m'intriguait. La rétrospective organisée par lecentre Pompidou à Paris est une occasion rêvée de les voir en vrai le travail de Kusama. Pour moi, rien ne remplace le fait devivre l'expérience de rencontre avec une oeuvre originale, des'imprégner de l'émotion qu'elle dégage.
La semeuse au petit pois
Yayoi Kusama(née en 1929) est très connue au Japon. Elle était déjà unefigure célèbre dans les années 60, aux cotés d'Andy Warhol. Il fautattendre les années 90 et 2000 pour qu'elle soit reconnue commeacteur majeur de l'art contemporain mondial auprès d'un public pluslarge.
Ses installations colorées et ludiques avec des pois quireflètent leur parfaite rondeur dans des miroirs, des jeux delumières guillerets, séduisent et amusent.
Si lepoisest lasignature de Kusama, elle s'exprime aussi par son travail deplasticienne. Elle recouvre des objets du quotidien et meubles pardes boudins de tissus monochromes.
Des sortes de phallus quienvahissent ainsi fauteuils, tabourets, et même vêtements... Descréations qui rappellent le passé sulfureux de l'artiste qui, entreorgies et consommation effrénée de drogues diverses, a mené unejeunesse radicale dans ses passions et son expressionartistique.

Les premières peintures


Spirale d'une vie en folie
Larétrospective au Centre Pompidou à Paris, présente de façonchronologique les œuvres de Kusama. La visite commence par sespremières peintures au début des années 50. Ces toiles m'ontfascinée par leur surréalisme organique, leur vision à la foismagique et dérangeante.
Partie au Etats-Unis en 57, Kusamasurprend rapidement la scène New-yorkaise avec le minimalisme de sesoeuvres : un travail de grands formats monochromes blanc où le poisapparaît, tel la maille d'un filet infini. La révolution sexuelleet la curiosité d'une période, ou tous les excès sont possibles aunom de la liberté, font sortir la peinture de la surface plane de latoile.
Kusama s'exprime alors comme plasticienne avec des objetsde récupération. Elle les accumule, les agence, les détourne. Elles'essaye aussi à l'art vivant dans des happening où la peinture etcorps se mêlent, toujours avec des pois. Une série de photos et unfilm témoignent de cette période extravagante.
Après son retour au Japon, la plasticienne s'exprime
Descente àvide
De retour au Japon en 73, une série de dramespersonnels menacent son équilibre psychique, déjà fragile. Depuis1977 elle vit dans un institut qui utilise l'art-thérapie. Elle aréalisé de nombreuses installations où miroirs et lumièreplongent le visiteur au cœur d'une vision psychédélique, où laréalité et l'illusion se surimposent et brouillent la donne.
Sesderniers tableaux, des grands formats aux couleurs violentes m'ont unpeu déçus. Je ne retrouve pas la finesse du début ou l'énergieprovocatrice et féminine de sa démarche de plasticienne. En voyantles derniers tableaux de Picasso, exposés dans les collectionspermanentes du musée, j'ai eu la même sensation. Une impressionnede grossièreté dans le trait, de facilité.
Alors, une fois achevéela visite, je suis revenue encore pour admirer les premiers tableaux.On trouve déjà toutes les graines fertiles de l'univers deKusama.
Et atterrissage réussi !
Lascénographie de l'exposition est remarquable. Les oeuvres sont misesen valeur avec simplicité et intelligence. La circulation est aisée.J'aurai aimé qu'il n'y ait pas plus de texte, cependant leprospecteur distribué à l'entrée est très informatif. Un regretquand même, il n'y a que deux salles d'installation de type“all-over” et elles sont de de taille assez réduites.
La secondesurtout, dans la pénombre, avec des myriades de diodes multicolores,est totalement inadaptée s'il y a trop de monde. Difficile deprofiter pleinement de la magie du lieu quand on tente de ne pasécraser son voisin. D'autant que l'oeuvre est conçue pour nousfaire perdre nos repères visuels, une peu comme un palais des glacesen visite nocturne.
L'expérience m'a quand même énormémentplu.
Voyage magique au pays des pois
L'art contemporain est parfois assez déroutant. Ilarrive que ce ne soit pas l'oeuvre en elle même, mais l'idée, ladémarche, qui justifie qu'une oeuvre soit exposée. Si couvrir degommettes une pièce paraît à la portée de n'importe qui, yconsacrer une vie de recherche et se dédier entièrement à cetteobsession transcende l'acte.
La vie de Yayoi Kusama, depuis saplus tendre enfance, a cette ligne pure et directe. Elle est vouée àson art. Une expression profonde est nécessaire de son ego, qui peuà peu se dilue dans ses productions jusqu'à ce que l'artiste et sonœuvre fusionne dans un feu d'artifice chatoyant de pois et dephallus !

Les pois sont partout !


Quelques liens pour les curieux
Le site officiel (avec une petite vidéo)
ChezOgijima, deux articles sur l'artiste :
- La visite de l'exposition
- Lacitrouille jaune de NaoshimaCopyright : Marianne Ciaudo