Vous voulez sauver votre pays ? Vendez-le  !

Publié le 20 novembre 2011 par Philippemeoule

L'ineptie économique, sociale et humaine qui frappe les peuples européens (et les autres), aujourd'hui, trouve sa source en France.

En effet, une réforme de la Banque de France, votée en 1973 sous l’impulsion de Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances de Pompidou, interdit au Trésor public d’emprunter directement à la Banque de France à des taux d’intérêt nuls ou très faibles. La Banque de France ne peut donc plus financer par de la création monétaire les déficits publics. Le gouvernement français est dès lors obligé de faire appel aux marchés financiers, c’est-à-dire à des banques privées et ce, aux taux d’intérêt du marché. Il s’agit d’un acte fondateur et destructeur car il inaugure la mainmise des marchés financiers sur les Etats. Cette disposition allait être intégralement reprise lors de la création de la Banque centrale européenne (BCE), puis dans tous les traités européens." C'est pas beau, çà !?

Les marchés, comme on dit, donc les banques, donc les spéculateurs, donc les grandes entreprises, possèdent ainsi nos pays et en exigent les modes de gestion qui leurs semblent les mieux adaptés à leurs rendements ! Pour ce faire, ils tentent de placer des armées d'experts aux manettes, experts qui n'ont de comptes à rendre qu'à eux-mêmes et surtout pas aux citoyens. Cela devrait rassurer les agences de notations, elles-mêmes actionnaires des multinationales, banques et autres prédateurs modernes... Et d'ailleurs, le CAC 40 va bien, merci pour eux !

Les dirigeants politiques (enfin, ce qu'il en reste !), et les grands patrons ont raison, je crois, de s'inquiéter de la montée des Indignés ! Car à trop prendre les gens pour des demeurés, à trop jeter les travailleurs à la rue, à trop jouer avec les nerfs de "la plèbe", un beau jour, le retour de manivelle pourrait être violent et généralisé.

Vous voulez sauver votre pays, vendez-le !

C'est ce que nous dit Aliki Papadomichelaki, membre de Synaspismos, dans son article paru hier dans l'Huma.

Ma patrie, la Grèce, par l’accord nommé « Mémorandum no 1 », qui rappelle les années de l’occupation allemande, reste dépendante et endettée. Elle reste prisonnière, « transformée en champ de tir » (comme le dit bien une chanson grecque). Mon pays est à la merci des usuriers, des puissants de la finance, des banquiers qui exigent le retour de leur emprunt. La Grèce, connue comme le berceau de la démocratie, vient de se soumettre à un gouvernement illégal, dit « d’unité nationale ».

Cette nouvelle manœuvre politique, commandée par le « couple » Merkel-Sarkozy, ignore complètement les exigences d’une démocratie représentative, et donc le recours aux urnes. La tactique de l’élite politico-financière grecque est déjà connue largement par notre peuple : elle se soumet pleinement aux orientations d’un capitalisme ultranéolibéral qui a conduit le pays à la faillite. Ainsi, la Grèce sera achetée plus facilement par la suite. Le dicton de l’UE est le suivant : « Voulez-vous sauver votre pays ? Vendez-le ! » Cet esprit est d’ailleurs inclus dans l’acte de l’emprunt du 1er mémorandum, qui fut dicté par la troïka, le jour noir du 12 février 2011. Ledit mémorandum n’a pas été encore présenté au Parlement grec pour être adopté, rappelant ainsi les pratiques des régimes coloniaux.

Le nouveau gouvernement aura comme tâche essentielle l’adoption du 2e mémorandum conclu le 26 octobre 2011 à Cannes. Il achèvera le travail du premier : la décomposition complète des relations de travail – telles qu’elles s’étaient cristallisées au XXe siècle, grâce aux luttes des travailleurs dans le monde. Les élections législatives ne se dérouleront qu’à la fin du moi de février 2012.

Les deux grands partis unis dans la coalition « d’unité nationale », ainsi que l’élite économique nationale et européenne, sont très inquiets des luttes actuelles du peuple grec, marquées par des journées de grève générale et des manifestations dans toutes les villes du pays. Dans la seule capitale, ont défilé, durant six heures, un demi-million de gens.

Le chômage atteint 20 %. La jeunesse est sans avenir, en matière de travail mais aussi en termes de perspective d’éducation. La privatisation de l’enseignement supérieur est en marche. Les retraités du secteur public ont vu leurs pensions diminuer de 40 %. Les prix galopent. 140 000 familles sont sans électricité ; elles ne peuvent payer leurs quittances. La Grèce est en train de retourner aux années soixante du siècle passé.

Les sondages donnent aux deux partis du système moins de 40 %, alors que, au sein de la gauche, le pourcentage du PC grec et de Synaspismos – à eux seuls – dépasse les 25 %. Si les formations politiques de la gauche parlementaire et extraparlementaire, qui refusent de se plier aux mémorandums, se mettent d’accord sur un programme électoral minimal, avec comme objectif central la défense des droits sociaux et le redressement économique du pays en faveur de l’intérêt national et social, il sera possible de revendiquer la formation d’un gouvernement. C’est cette perspective que craignent les élites en Grèce et en Europe en court-circuitant les législatives.

La crise mondiale a cassé les relations de travail en Grèce et a détérioré la démocratie représentative. Les peuples portugais, irlandais, espagnol et italien sont sur la « liste d’attente ». Évidemment, ici, en Grèce, nous sommes conscients que les luttes des travailleurs, les luttes de toute une population fière mais écrasée socialement, ne resteront pas sans fruits. Nous nous battons pour les droits des travailleurs, en espérant donner l’exemple : ne pas plier les genoux. Nous aspirons aussi à être soutenus par la solidarité de forces du travail dans le monde, par tous ceux et celles épris de justice sociale et de respect de la démocratie.

Le capitalisme est essoufflé. Faisons en sorte que de nouvelles perspectives s’ouvrent graduellement. La participation active et consciente des gens est la condition sine qua non pour des solutions alternatives. Ouvrons les voies, le temps presse.

Aliki Papadomichelaki.