Chateaubriand et Talleyrand

Par Alain Bagnoud


Non content de triompher de ses rivaux littéraires, Chateaubriand à la fin de sa vie écrase aussi ses rivaux politiques. Il ne s'agit plus de Napoléon, à qui il a déjà réglé son compte. Mais des grands hommes du temps, La Fayette, Thiers ou Talleyrand.

C'est à ce dernier que va la charge la plus forte dans les Mémoires d'outre-tombe. Un portrait d'une dizaine de pages qui démolit un membre après l'autre de l'homme d'Etat qui a survécu à tous les régimes à force de tourner sa veste.

C'est virtuose et assez réjouissant.

Surtout peut-être la comparaison implicite mais constante entre le prince et le vicomte. Talleyrand n'a aucun sens de l'honneur, trahit sans cesse. François-René est toujours resté fidèle à des princes ingrats. Le prince de Bénévent n'est qu'un suiveur qui a profité de tous les événements sans les dominer, et en visant son profit personnel. Le Vicomte a influencé durablement la France (retour du christianisme, défense de la chartre, liberté de la presse), et renoncé par principe à toutes ses charges, au prix d’une grande gêne.

Et surtout, Talleyrand a provoqué la guerre d'Espagne sous Napoléon, qui a été une catastrophe. Chateaubriand a provoqué la guerre d'Espagne sous la Restauration, qui a été un triomphe.

Si, après ça, on se sait pas comparer...