Histoires d'Hommes de Xavier Durringer

Publié le 24 novembre 2011 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

Facebook on dira ce qu'on voudra, ça reste quand même un outil incroyable pour ce qui est de partager des coups de coeur culturels (à défaut d'autre chose).

Alors quand il y a quelques temps, j'ai publié le billet sur les "chroniques" de Xavier Durringer, j'ai immédiatement eu quelques retours dont un qui m'a particulièrement réjouie. Et pour cause. Il y était fait mention d'un autre ouvrage signé par Durringer, "Histoires d'Hommes" que j'ai immédiatement entrepris de me procurer étant donné que l'extrait que j'ai pu lire m'a complètement bluffée. On y retrouve sa "patte" , ce talent sidérant qui lui permet d'agencer des mots pour en faire de la vie.

Magie.

Bon, je l'annonce donc ici : Cette plume là est sans aucun doute celle qui m'a le plus touchée ces 6 derniers mois (au moins).

Preuve à l'appui.

S'il en fallait encore.

Enjoy : 

"6.

Faut pas que je t'aie dans la tête. Faut pas que je t'aie dans la tête. Je vis plus. Je pense plus qu'à toi. T'es comme le centre et je pense plus qu'à toi. T'es comme le centre et je tourne autour.

Je papillonne. Tu vois le truc, je papillonne tout autour de toi. Tu m'aveugles. Je volette et je brûle. Je tape dans le mur. Je tombe. C'est aussi simple que ça. Je tombe. J'arrête pas de tomber comme si ça s'arrêtait jamais. Un trou sans fond.

Je peux plus rien faire. Je me traine comme une âme en peine. Je rôde vers tes endroits, je déambule, comme une bulle d'eau. Je fais le culbuto.

J'en crève.

Ma fille, ne pense plus à lui, il te brûle, il brûle ta vie.

Personne ne sait que moi, personne ne sait, y'a que moi, y'a que moi qui sais. Vous, vous vous imaginez des trucs mais vous êtes bien loin de savoir pourquoi. Pourquoi je suis comme ça avec lui.

(...)"

"23.

Y'a qu'à moi que je mens. Les autres je m'en fous, mais c'est à moi que ça fait mal. J'évite les glaces et les miroirs ou alors j'affronte carrément, je me regarde et je vois un gros mensonge, une énorme tromperie dans sa nuisette. Et j'ai envie de rire, c'est comme un tour à moi-même, un étonnement, je me retrouve quelque part. Même si à un autre endroit ça fait mal.

C'est pas un mélange des deux. C'est soit l'un, soit l'autre état. Soit je suis triste, soit je suis gaie.

Ca dépend à quoi je pense, ça dépend sur quel plan ça se passe. Ca peut aller très vite d'un état à l'autre, ça oui mais ça se chevauche que très peu. 

Quand je pleure ça se chevauche un peu, du rire aux larmes ou l'inverse. Ca se chevauche.

J'ai le saké qui remonte."

"4.

Les mecs tièdes sont à chier, à vomir, à oublier.

Le mec qui vous dit de belles paroles, si chaudes que vous fondez, des mots sucrés enrobés de sérieux, du très sérieux, le mec qui vendrait des esquimaux aux esquimaux. C'est simple, vous fondez.

Il vous prend la main mine de rien et dit vous avez chaud ? Il vous demande ça comme ça. Et vous, vous répondez un peu. Vous êtes brûlante et vous dites un peu, j'ai un peu chaud,  c'est le manque d'air, le manque de vent, je boirais bien un peu d'eau fraîche, une carafe entière avec des glaçons. Il dit garçon, de l'eau fraîche avec des glaçons s'il vous plaît. Il dit ça en riant, un charme fou et vous vous dites qu'est-ce qui se passe là, pourquoi moi ? Non pas que j'ai pas confiance en moi bien que je me sois fait baiser un paquet de fois, baiser dans le sens avoir, mais ça va de pair généralement.

Mais je me dis en le voyant dire en riant "glaçons", je me dis c'est incroyable ce que j'ai envie qu'il me prenne dans ses bras. C'est stupide, j'ai le cœur qui tape et le ventre qui se dilate, puis se serre, faut que je me lève que j'aille aux toilettes, me regarder dans les yeux, voir de quoi j'ai l'air.

Et tout se passe comme sur des roulettes.

Et c'est reparti le manège, le premier soir, lui c'est pas comme les autres, il rit et les gens qui rient ne jouent pas de double jeu sinon ils riraient jaune, ils oseraient pas rire, ils feraient juste les sérieux mais lui il rit et je me sens bien, tranquille, nature, envie de tout donner, de ne rien retenir, pas faire semblant, donner tout. Comme si je sautais en parachute, me lâcher, me laisser flotter et me laisser aller au gré du vent, de ses désirs, on part loin, on verra bien où on s'arrête.

Mais le truc, c'est que l'histoire s'arrête vite. Déjà le lendemain, à sa façon de se rhabiller, de se retourner, ses gestes furtifs pour mettre la chemise dans le pantalon, de dire je t'appelle un taxi, avant d'avoir bu le café ensemble. Je t'appelle un taxi.

Non non, n'appelle pas c'est bon, je vais marcher c'est bon, j'en trouverai un en marchant et il vous dit sur la droite, t'en trouveras sur ta droite au coin du boulevard, y'a une station sur ta droite, ta droite, c'est ce "ta" qui tue et là il rit plus du tout, tout ce qu'il fait est très sérieux, beaucoup trop sérieux, la moindre chose qu'il fait a de l'importance, c'est du sérieux de chez sérieux, il a pas le temps, il a plus de temps. Là vous avez le parachute qui vrille en torche, vous tombez de haut, vous avez tout donné dès le premier soir. Vous vous êtes racontée de la petite enfance à aujourd'hui avec force détails de A à Z et vous tombez de haut quand il vous ramène à la porte en regardant sa montre le salaud comme un rendez-vous chez le gynécologue. Il regarde sa montre et vous prend dans ses bras sans vous embrasser, il vous serre fort, trop fort, limite claque dans le dos, deux trois tapes, gentil gros chien gentil et vous dit dans un souffle, à bientôt, j'ai ton numéro, je t'appelle vite c'est promis, ça veut bien dire ce que ça veut dire, je t'appellerai, ça veut dire m'appelle pas c'est pas la peine, je t'appellerai. Et vous savez qu'il sait déjà plus où il a foutu votre numéro le petit con. Tout d'un coup il a rapetissé, nettement moins beau, plus petit.

Envie de lui mettre une gifle d'éducation comme un éclair à quoi bon.

Et digne vous descendez les marches, envie de pleurer, velours d'époque, vous poussez la double porte vitrée poignées dorées, vous appuyez sur le bouton de la grosse porte d'entrée et ça sonne, un drôle de son, de clac et vous la prenez la claque en pleine gueule et vous marchez jusqu'à la station de taxis, les lunettes de soleil de travers et y'en a pas de taxis, et là y'a un homme, jeune cadre costumé qui vous sourit et vous dit, y'a jamais de taxi dans cette station, à cette heure-ci, ils font l'escargot à Roissy.

Et vous dites ah bon, ils font l'escargot, comme ça.

Et vous fondez en larmes. Et l'homme vous dit, ça va pas ? Et vous répondez, ça va, ça va mieux, ça va passer en remettant vos lunettes d'aplomb. Et ça ne passe jamais complètement. C'est pour ça qu'on prend des cachets chéri. Pour que ça continue. Jusqu'au jour où on décide d'en finir. Ils ne savent pas que je suis une princesse quelque part ces abrutis. Le prochain s'en souviendra."

"28.

Tu trouveras le sommeil juste, l'équilibre endormi, car il te regarde"

Extrait d' "Histoires d'hommes" de Xavier Durringer. (13 euros Théatrales)

Bien sûr que l'extrait 4. m'évoque ceci :