L’approche adaptée aux émergents

Publié le 28 novembre 2011 par Sylsol

Les avis sont très partagés sur l’exposition aux marchés émergents. Faut-il se fixer sur la forte croissance ou l’inflation ?
Indéniablement, les prévisions de croissance demeureront plus favorables à l’extérieur du monde développé. Une main-d’œuvre bon marché, une structure démographique dynamique et une plus grande capacité à s’endetter ne sont que quelques critères assurant l’avantage de nombreux pays émergents.
D’un autre côté, les risques de surchauffe sont le plus souvent invoqués par ceux qui restent frileux à l’idée d’investir sur ces marchés. L’inflation est essentiellement le reflet de l’augmentation des prix des matières premières, mais l’impact sur le coût de la vie est plus violent dans les pays émergents.
Or, les pressions exercées par les prix des biens de grande nécessité peuvent être rattachées à ce qui constitue encore probablement le risque prépondérant pour les pays en forte expansion. Le mécontentement populaire né d’une percée de l’inflation peut déboucher sur une révolution. L’analyse historique montre que ce facteur a été à l’origine de changements de régime importants. Autrement dit, la prospérité économique peut être ruinée par l’occurrence de conflits armés.
Sans postuler une rupture d’une telle ampleur, certains redoutent les conséquences de l’inflation en matière de politique monétaire. Dans la pratique, la lutte des autorités contre le risque inflationniste s’exprime au travers de conditions de crédit plus restrictives. Les conséquences pèsent sur les chiffres de croissance et in fine, sur les cours des actifs financiers.
Qui de la croissance ou de l’inflation l’emportera ? A l’instar de l’arbitrage entre risque et rendement sur les marchés financiers, une plus forte croissance économique s’effectue généralement au prix d’une inflation plus élevée. Au-delà de toute analyse structurelle, la croissance émergente ne peut rester indemne face aux problèmes d’endettement déplorés à l’Ouest. Toutefois, la progression de l’activité dépassera encore celle des pays développés. Quant à l’inflation, celle-ci évoluera aussi en fonction de la croissance économique. Sans un nouveau choc sur les cours des matières premières, l’inflation devrait se tasser, voire reculer dans un environnement de croissance au ralenti.
Où investir dans cette perspective ? Se prononcer nécessite d’abord de définir l’univers potentiel. Il n’existe pas à ce jour de consensus sur les membres d’une telle constitution. Le regroupement le plus célèbre fait référence au Brésil, à la Russie, à l’Inde et la Chine. Depuis la consécration de l’acronyme BRIC, le Mexique, la Corée du Sud, la Turquie et l’Indonésie ont été avancés comme ayant rejoint les illustres mentionnés. Le concept de Next-11 y ajoute l’Iran, l’Egypte, le Nigeria, les Philippines, le Pakistan, le Vietnam et le Bangladesh.
Evidemment, le choix de l’investisseur dépendra de l’objectif poursuivi. Deux motifs au moins peuvent être invoqués dans la volonté de s’exposer aux marchés émergents. Le plus intuitif recherche des rendements élevés en vertu de l’argument de la croissance économique. L’autre s’inscrit dans une approche intégrée de construction de portefeuille en questionnant le pouvoir de diversification que pourraient procurer des actifs moins traditionnels que ceux associés au monde développé.
Parmi les quinze pays considérés, l’examen des chiffres de croissance et d’inflation fait ressortir l’Indonésie. Suivant une démarche similaire à celle utilisée dans le cadre d’un ratio de Sharpe, le taux de croissance économique surpassant 6% rapporté à un taux d’inflation proche de 4% produit un arbitrage intéressant. Certes, les économies chinoise ou indienne présentent des taux de croissance bien supérieurs, mais les autorités n’ont pas fini de combattre l’augmentation des prix.
Sans conteste, tout choix fondé sur deux critères uniquement peut sembler téméraire. Toutefois, une analyse plus détaillée confirme l’attrait relatif de l’économie dont il est question. Outre l’avancée de la paix dans la région, relevons la force de la demande domestique et sur une base comparative, les moindres risques liés à l’évolution du crédit. A la lumière de ces facteurs, l’économie indonésienne semble moins vulnérable à un ralentissement global pouvant engendrer d’importants retraits de capitaux. Enfin, le principal indice des actions ne présente pas de signe de valorisation excessive.
Cependant, on ne peut prétendre à ce que l’exposition fournisse un fort atout de décorrélation. Les statistiques démontrent qu’en moyenne, les actions des pays évoqués réagissent dans le même sens que ceux du monde développé. Dans une volonté de réduire le bêta et d’accroître l’alpha, un fonds de fonds réunissant les talents de plusieurs gérants actifs sur les marchés émergents constitue une solution intéressante.
(Camille Vial & Yann Schorderet / Mirabaud & Cie Banquiers Privés - LeTemps.ch - 28/11/11)