Notes sur la création : Pascal Quignard

Par Florence Trocmé

La poésie, le mot retrouvé, c’est le langage qui redonne à voir le monde, qui fait réapparaître l’image intransmissible qui se dissimule derrière n’importe quelle image, qui fait réapparaître le mot dans son blanc, qui réanime le regret du foyer toujours trop absent dans le langage qui l’aveugle, qui reproduit le court-circuit en acte au sein de la métaphore. Les images ont besoin de mots retrouvés comme les hommes, chez qui le langage est second, tombent perpétuellement sous la nécessité d’être réagencés par le langage – d’être de nouveau acquis à l’idée de langage ; c’est-à-dire le vrai langage ; c’est-à-dire le langage où le réel est défaillant, où l’enfer remonte en même temps qu’Eurydice, où le sevrage les poursuit dans leur dos, où le désir de nouveau redresse le corps vers l’avant, érige ; c’est-à-dire le langage où le mot manque 
 
Pascal Quignard, Le nom sur le bout de la langue, P.O.L., 1993, Folio 1995, p.74