Nucléaire: quand Sarkozy perd son sang-froid.

Publié le 27 novembre 2011 par Juan
L'allocution était informelle, évidemment. Cela faisait longtemps qu'il n'avait joué à ce genre d'intervention surprise, faussement décontractée. On attendra quelques jours pour savoir comment les salariés avaient été castés pour le spectacle. Quelques caméra et photographes étaient là, évidemment.
Vendredi 25 novembre, pendant 18 minutes et 52 secondes, Nicolas Sarkozy monologua, micro en main et écharpe autour du cou, devant des salariés de l'entreprise Isover-Saint-Gobain. Cette entreprise fabrique de la laine de verre, un isolant thermique. On croyait donc que le Monarque serait écologiste, le temps d'un meeting électoral; qu'il parlerait d'économies d'énergie. Et bien, nous nous trompions.
Nicolas Sarkozy avait la rage atomique.
Paternalisme
« Mesdames et Messieurs, merci de me recevoir... Pardon de garder une écharpe mais... j'dois protéger mon instrument de travail ». François Mitterrand portait lui un chapeau, nota notre confrère Vogelsong sur Twitter.
Gros sourire, Sarkozy est quasiment hilare de son introduction. Les salariés sont tous en uniforme jaune et gris, casquette inclue. : « jsuis très heureux d'être parmi vous dans une des rares usines qui ne souffre pas et qui ne souffrira pas de la crise. Je le dis, parla,t sous le contrôle de Nathalie Kosciusko-Morizet, la meilleure des énergies, c'est l'économie d'énergie, et vous fabriquez les matériaux qui permettent cette économie d'énergie, notamment dans le secteur où nous en avons le plus besoin, qui est celui de l'habitation... qui représente 40% (il jette un regard à NKM)... 43% de la consommation d'énergie dans notre pays
Quand il est en meeting électoral, comme ce vendredi, le candidat Sarkozy est toujours pédagogue et caricaturale. « La France est un pays qui n'a pas d'énergie solaire, fossile... n'a pas de pétrole... On n'a pas de gaz... Et nous devons plus que les autres travailler les économies d'énergie... Et les économies d'énergie, c'est le métier d'Isover »
Connaissez-vous le bilan de Nicolas Sarkozy en matière d'économies d'énergies dans le bâtiment ?
Autosatisfaction
Le monarque continua le service après-vente de son mandat. Pour déraper très vite.
« Pour produire, vous avez besoin d'être compétitif. Pour être compétitif, il y a d'abord toute la partie innovation, recherche, ... C'est toute la nouvelle gamme de produits que je vous remercie d'avoir appelé Grenelle... ça nous fait plaisir... (...) c'est le crédit impôt-recherche, c'est tout ce sur quoi le ministre de l'Industrie Eric Besson travaille. Mais dans votre prix de revient, le prix de l'électricité que vous consommez... c'est 10% de votre prix de revient. »
Nous étions à 2 minutes et 35 secondes de l'intervention, et voici la véritable obsession du moment...
« La France a des atouts naturels - sa location géographique, son climat. Elle a des atouts dont elle s'est dotée: sa démographie, la qualité de sa main d'oeuvre... et l'énergie nucléaire. »
Tabou
Nous y sommes, la défense du nucléaire. Il répéta donc que tous ses prédécesseurs depuis 65 ans « qu'ils soient de gauche ou de droite, ont garanti un consensus au-delà des divergences naturelles en démocratie... mais depuis 65 ans, il y a un consensus selon lequel l'investissement dans le nucléaire permettra à la France de compenser l'absence de gaz et l'absence de pétrole. » Il loua donc tous les ouvriers, les ingénieurs, les techniciens qui contribuèrent depuis des « générations » à donner cette « avance technologique ».
« Grâce [au nucléaire], les Français, vous-mêmes, vous payez l'électricité deux fois moins cher que les Allemands. Pour une usine comme la vôtre, l'accès à une énergie peu chère, c'est absolument nécessaire pour la compétitivité de vos produits. »


« Je ne peux pas laisser détruire ce consensus.»

Caricatures
Il enchaîna contre François Hollande, Eva Joly, les écologistes et tous ceux ou toutes celles qui espèrent replacer le nucléaire au centre du débat politique. Evidemment, il ne nommait personne. Il ne veut toujours pas reconnaître qu'il est en campagne.
Comme quelques heures plus tôt et plus au Nord, quand il visita l'usine d'enrichissement d'uranium d'Areva à Pierrelatte dans la Drôme, Nicolas Sarkozy plongea dans la caricature. Quelques éditorialistes considérèrent que le Monarque voulait imposer le nucléaire dans la campagne. C'est très certainement faux. Il voulait qualifier la moindre critique contre le nucléaire de trahison nationale ou d'erreur historique, au choix.
Comme lors de la catastrophe de Fukushima en mars dernier, le mot d'ordre était simple: circulez, y-a rien à voir. Nous eûmes donc droit à une salve assez inédite, qui témoignait d'un manque de sang-froid, d'une recherche désespérée d'angle d'attaque électorale pour sa campagne qu'il n'ose avouer.
« Mettre en cause la filière nucléaire, c'est mettre en cause la pérennité des usines dans le secteur électro-intensif (...), on ne peut pas dire 'je défends l'industrie' et 'je remets en cause la filière nucléaire'. Le jour où le prix de l'énergie sera multiplié par deux, posez-vous la question 'est-ce que Saint-Gobain pourra garder son usine ici en France ?'»
« On n'a pas le droit de rompre un consensus politique de soixante-cinq ans au risque de détruire les emplois de l'industrie française, c'est une folie. » 

«Quand l'intérêt national est à ce point mis en cause, ma responsabilité c'est de dire 'on n'a pas le droit'


L'argumentation porta peu. Dans leur ensemble, les commentaires, exceptés au Figaro, furent goguenards. Deux jours avant, Eva Joly s'était isolée de son propre camp, et caricaturer François Hollande comme l'otage de la candidate écologiste n'avait pas grand sens.
« La ville d'Avignon n'est pas prête d'être menacée d'un tsunami. » Roooo, on sourit.... En septembre dernier, l'Autorité de Sûreté nucléaire s'inquiétait justement de la sécurité de 8 centrales françaises face au risque sismique français de 8 centrales. Sarkozy continuait, s'emballait, argumentait sur la défense de l'atome. L'assistance, impassible, semblait s'interroger sur ce délire solitaire.  « 99% et demi des victimes de Fukushima sont des victimes du tsunami, du tremblement de terre, pas de la centrale.» Nicolas Sarkozy racontait n'importe quoi. La pollution nucléaire tue dans la durée. 80 000 personnes ont été évacuées  de la zone de 20 km autour de la centrale de Fukushima Daiichi. 
Et les retraites ?
Vers la fin, le Monarque reprit son service après-vente. L'exercice était rodé, personne n'avait de micro pour réagir et les salariés étaient encadrés. Si on ne réforme pas le régime des retraites, qui paye ? Il posa un silence, avant d'enchaîner par cet incroyable mensonge: « Grâce à la réforme, en 2017, le régime des retraites auquel vous appartenez sera équilibré... vos retraites seront payées. »
Nicolas Sarkozy oublia qu'un an à peine après l'adoption de sa réforme, 4 mois après son entrée en vigueur, Nicolas Sarkozy avait été contraint à l'amender, en avançant d'une année le passage à 62 ans/67 ans.
« J'aurais aimé me passer de l'épreuve de la réforme des retraites. »
Nous aurions aimé nous passer de l'épreuve de Sarkofrance.

La France peut-elle sortir du nucléaire ? (3/3) par alternativeseconomiques