La tablette sous le feu de Fahrenreit 451

Publié le 02 décembre 2011 par Sheumas

Mon prochain livre est annoncé par mon éditeur sous un format numérique... Traitre ! Suis-je en train de passer du côté de ceux qui renieraient le livre ? Outre les questions d’ordre stratégique et commercial, une petite mise au point s’impose auprès de mes lecteurs !

   La prolifération de l’outil numérique présenté comme la grande menace contre le Livre déclenche des passions et des polémiques au milieu desquelles on voit même se mêler ceux qui n’ont jamais été lecteurs et qui, Cassandre de bibliothèques, annoncent déjà l’inéluctable disparition du livre : bruissement du papier qu’on froisse, odeur des pagées avalées à la petite cuillère, ombre tutélaire et rassurante des étagères à livres...

   Gone with the wind ? Envolés au vent mauvais d’un outil diabolique ? D’un ogre mangeur de livres ? D’un lance-flammes lancé dans une impitoyable chasse aux mots ? Ce désolant scénario, rappelle un peu celui imaginé par Ray Bradbury il y a quelques décennies... Fahrenheit 451 : par ordre du gouvernement, des légions de pompiers pyromanes mettent le feu aux livres. Face à l’autodafé, une poignée de héros mènent une bataille acharnée. Non à l’Infâme, non à la Bêtise ! Il faut jouer l’Esprit contre l’Outil. L’Intelligence contre le Gadget. La Flamme contre le Bûcher !

   Pour résister, les guerriers du feu ont l’idée d’ingurgiter les phrases des livres afin de les conserver dans la mémoire et de les échanger ensuite, en réunions, au cours de longues récitations destinées à entretenir le tison. Comme l’écrit Victor Hugo, « si l’on met le bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l’on ne bâillonne pas la lumière ».

     A l’heure du numérique, faut-il donc à nouveau armer la mémoire et redouter la lumière de l’écran tactile ? Les fameuses « tablettes » offrent au lecteur qui se berce de mots l’occasion de stocker, sous de la lumière feutrée, un relai de Pensée, un diffuseur de lumière. Les livres restent à la maison mais en même temps, les livres accompagnent.

   « Les poings dans mes poches crevées, mon paletot devenait idéal »... « Sous le ciel, Muse », je m’en vais désormais, avec, au fond de ma poche, une « barrette de mémoire vive », un vrai « dictionnaire portatif » du genre de celui dont, rêvaient Voltaire et les Encyclopédistes !