Le cheval de Turin

Par Tibo75

samedi 03 décembre 2011
Je l’attendais depuis des mois… Le dernier film de Béla Tarr ! Et peut-être malheureusement le dernier tout court selon son réalisateur puisqu’il peine de plus en plus à financer ses films. Il faut dire que ne sortant que dans deux salles à Paris, il a peu de chances de faire beaucoup d’entrées.
En même temps, je comprends un peu, ce genre de film est bien loin des blockbusters qui peuplent nos écrans et peut en rebuter plus d’un.
« Le cheval de Turin » part de l’histoire de Nietzsche qui un jour de 1889 à Turin étreint un cheval en pleurs et sombre dans la folie pour ne plus en sortir, c’est le destin de ce cheval et de ses propriétaires dont parle le film. Alors que Dieu a crée le monde en six jours, on voit le monde se détruire en six jours, le cinéaste montre ces six journées identiques (du moins au premier abord) du père et de sa fille, le lever, chercher l’eau dans le puits, regarder le monde par la fenêtre et manger une pomme de terre, le coucher. Chaque journée est filmée sous un angle différent mais avec toujours ces magnifiques plans séquence maîtrisés à la perfection par Béla Tarr. La caméra, par ses lents mouvements, distille l’action où chaque parole est rare – mis à part l’irruption d’un voisin débitant comme une mitraillette des textes Nietzschéen. Il faut regarder, réfléchir, s’évader, revenir à l’écran, penser, ce film laisse une place immense au spectateur mais l’amène irrémédiablement vers l’obscurité et la fin du monde.
Comme toujours au cinéma, au bout d’une heure je me sens mal dans mon fauteuil et les mouvements des voisins – ou plutôt des gens qui rentrent cinq minutes dans la salle pour s’apercevoir peu après qu’ils se sont trompés de film – me troublent un peu, c’est dommage, j’attends avec impatience le DVD (mon canapé est plus confortable !) car tout ceci a un peu nui à l’évasion de mon esprit.
La musique, toujours la même, répétitive, lancinante nous conduit lentement vers la dernière scène qui est merveilleuse, l’éclairage est magique, on sent qu’il a été réglé au millimètre, les deux personnages glissent vers le néant, puis le générique, sans musique, la salle qui ne s’éclaire pas (le projectionniste n’était plus dans sa pièce), nous plonge à notre tour dans ce néant. C’est bien difficile après de revenir à la surface de la rue de Rennes et de ses décorations de Noël.