Les bruits de la rue

Publié le 06 décembre 2007 par Rendez-Vous Du Patrimoine

La strada entra nella casa par Umberto Boccioni (1882-1916),
Musée Sprengel, Hanovre
"Le bruit de la rue pénètre dans la maison". Ce tableau peint en 1911 par le "futuriste italien" nous interpelle avec sa force graphique particulière sur la relation maison/rue, silence/bruit, intérieur/extérieur, tranquillité/activité...
Mais aussi passé/présent.
Les bruits d'aujourd'hui sont ceux de la voiture et des camions, des travaux de voirie, des sirènes et des sifflets. L'homme est tout compte fait peu présent et bien silencieux. Ses cris bien faibles dans le vacarme ambiant... sauf quand il s'agit de s'injurier entre automobilistes.
Il fut un temps pas si lointain, j'en témoigne, où les cris des marchands et ambulants pouvaient se faire entendre.
Dans les années 60, si ma mémoire ne me trompe pas, en pleine ville d' Angers, on entendait passer le marchand de peaux de lapins, qui, en tirant sa cariole, criait (j'ai encore sa "modulation" stridente dans l'oreille) : "Peaux d'lapins, pôôôô..." En fait, il achetait les peaux des lapins écorchés par les ménagères. Les supermarchés et les barquettes de viande sous plastique n'existaient pas. Les jardins abritaient des clapiers.
Peu de temps après claquaient les sabots des chevaux qui partaient du haras proche avec leur calèches rouges et noirs et leur cocher haut perché. C'était avant son déménagement au Lion-d'Angers.
Cela sentait le crottin quand on sortait. Et quelque part, la ville était encore un peu à la campagne.

Le site consacré à Chaligny en Lorraine nous apprend que ces peaux de lapin valaient 10 centimes... Leur prix à Angers devait être assez proche (je m'en préoccupais peu et j'ignorais même que ce petit métier ne serait bientôt plus qu'un souvenir d'enfance).
A Provins (Seine-et-Marne), ce sont des niflettes que l'on vendait à la criée : de petits gâteaux à la crème sur un fond de pâte feuilletée que les enfants portaient dans des paniers au moment de la Toussaint en chantant :
"Voilà mes p'tites, Voilà mes grosses; Voilà mes p'tites niflettes toutes chaudes. C'est mon Maître qui les fabrique; pour contenter toutes ses pratiques; Arrivez petits et grands. Elles sont toutes chaudes et toutes bouillantes".

Cris de la rue, parfum d'antan... Tous sont présents derrière les photos en noir et blanc rassemblées par Pierre Perret dans le beau livre de photographies d'Atget à Willy Ronis qu'il consacre aux "petits métiers".
Maintenant les bus et les voitures passent à grande vitesse et cela sent l'essence.
Respirons néanmoins son parfum avec délectation, car lui aussi sent la rareté. Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !