Dans ce concert d’indignations et de dénonciations, souvent nourri d’une tentative cachée de déculpabilisation, une phrase du ministre de la justice doit retenir l’attention: "il faudrait", a dit Michel Mercier, une "évaluation pluridisciplinaire de la dangerosité". On devrait prendre le ministre au mot. Et lui rappeler le vif débat qu’il sous-tend: celui sur l’abandon, au nom de la rationalisation comptable et budgétaire des pratiques hospitalières, de la psychiatrie de secteur qui visait, selon un de ses fondateurs, à soigner "tous les malades d’un secteur géographique donné en s’appuyant sur les concepts d’une psychiatrie humanisée et fécondée par la psychanalyse". Il suffit pour s’en convaincre de lire le manifeste militant signé par les plus grands noms de la psychiatrie analytique et paru récemment aux Éditions Érès. Dans leur "Initiative pour une Clinique du Sujet", dont le sigle -ICS- rappelle la place prépondérante accordée à l’inconscient, ces praticiens s’en prennent à la classification des maladies mentales du DSM, le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux de l’Association des Psychiatres Américains choisi comme référence unique par l’OMS: déni de la causalité psychique, refus de laisser leur place aux événements traumatiques du patient, intrusion subreptice de la morale dans la nosographie où "l’incivilité" devient une maladie qui invite à en déceler les causes organiques. Sans parler de l’introduction dans le futur projet de DSM V, de nouveaux référentiels de nature uniquement quantitative comme les "troubles de l’hypersexualité" ou l’instauration d’évaluations "prédictives" à même de définir des "troubles futurs". On sait ce qu’il en est, dans l’esprit de certains, des bambins agités de trois ans.
"Pour en finir avec le carcan du DSM" critique le préalable organiciste, exclusif d’autres approches, dans la formation universitaire des futurs cliniciens. Il dénonce par surcroît les pressions des compagnies d’assurance arcboutées sur ces références pour leurs remboursements et celles des groupes pharmaceutiques qui exploitent ces grilles pour adapter, voire créer leurs médicaments. En témoigne la production de la Ritaline, parallèle à la création des troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention.
On ne saura jamais si le recours à la dimension inconsciente aurait pu sauver Agnès en comprenant mieux Martin. Une incertitude qui ne doit pas faire renoncer aux exigences thérapeutiques: il en va de la sauvegarde du sujet. Et de celle d’autres victimes en puissance.
Après le viol et le meurtre d’Agnès par un adolescent, la réflexion doit porter sur l’approch...