Syrie : et maintenant ?

Publié le 04 décembre 2011 par Egea

L'affaire syrienne dure depuis maintenant de longs mois. On dénombre 4000 morts (chiffre vraisemblable : d'ailleurs, il faut l'avoir à l'esprit quand on regarde ce qu'on dit des victimes du conflit libyen, avec soi-disant 50.000 morts).

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La seule question qui vaille est : le régime peut-il tenir ? Entre les soulèvements tunisien ou libyen voir yéménite qui parviennent, selon des modalités différentes, au but, et les exemples iranien ou barheini qui échouent à changer de régime, on peut trouver des modèles plaidant pour une solution ou l'autre.

1/ Il faut regarder la carte intérieure, je pense, pour comprendre les rapports de force.

2/ De ce point de vue, la carte qui illustre ce billet rend bien compte de l'organisation du pays : il est en effet organisé principalement selon un axe Sud-Nord : Deraa, Damas, Homs, Hama, Alep, sur une frange de terre "utile" d'environ cinquante Km de large, à cinquante Km à l'intérieur du pays. Deux zones annexes se connectent à cette bande utile : la frange côtière, au nord du Liban, où se concentrent d'ailleurs la majeure partie des Alaouites; et la vallée de l'Euphrate ainsi que la frontière avec la Turquie, cette frontière voyant l'essentiel de la population kurde du pays.

3/ Dès lors, les deux régions annexes sont attentistes ou soutiennent le régime : la bande côtière pour des raisons évidentes, le régime étant dominé par les Alaouites (une branche du chiisme) ; la bande septentrionale parce que les Kurdes ont leur propre agenda, et soutiennent leurs frères du Kurdistan turc : de ce point de vue, il faut remarquer que l'AKP d'Erdogan a repris, de façon encore plus violente que le kémalisme traditionnel, la lutte contre le séparatisme kurde en Turquie. Par conséquence, selon le principe que les ennemis de mes ennemis sont mes amis, si la Turquie s'oppose à Bachar Assad, et tant que celui-ci n'agresse pas les Kurdes syriens, il n'est pas utile pour eux de soutenir les opposants du régime. Dès lors, le reste du pays, (désert de Syrie et frontière irakienne) constituent des zones sûres pour le régime, d'autant que les Irakiens n'ont aucune envie d'avoir un inconnu à leur frontière occidentale : il serait en effet probablement sunnite, donc hostile à la connexion chiite irako-iranienne.

4/ La bande centrale est donc l'enjeu.. Or, la révolte se concentre dans deux villes importantes mais moyennes, Homs et Hama. Les deux principales villes, Alep et Damas, sont restés totalement à l'écart du mouvement et surtout encadrent Homs et Hama. Il n'y a donc pas de continuité géographique de la rébellion, ni de liaison directe et facile avec l'extérieur : on est donc fort éloigné de ce qui s'est passé en Libye voire au Yémen, et plus proche de ce qu'on a vu en Iran ou à Barhein.

5/ Surtout, politiquement, cette rébellion peine à s'organiser : on peut bien sûr évoquer la multiplication des conseils nationaux de transition de tout acabit. On remarque d'abord qu'aucun n'a réussi à attirer une personnalité Alaouite d'importance : ils sont donc soit laïques, soit sunnites, soit islamistes, mais ils ne démontrent pas une "unité nationale" évidente.

6/ Dès lors, tant que le régime pourra maintenir un appareil répressif assez efficace pour assurer la domination des zones rebelles; et tant qu'il manifestera une unité politique supérieure à celle de la rébellion (car il n'y a eu aucune défection d’importance, à la différence de ce qu'on a vu en Tunisie ou en Libye), il devrait subsister. Mais c'est une stratégie dangereuse, car la répression qui ne met pas un terme au soulèvement entretient finalement celui-ci et réussit à unir les opposants, mais aussi à favoriser un soutien de l’extérieur.

Bachar Assad devrait donc passer Noël prochain à la tête de la Syrie. Rien n'est dit au-delà. Et les conséquences sur la réorganisation en cours au Moyen Orient sont donc difficiles à calculer.

Réf : je tiens à signaler l'excellent encart du Monde, publié sur le sujet le23 novembre : bravo!

O. Kempf