SALLE 5 - VITRINE 4 ² : LES PEINTURES DU MASTABA DE METCHETCHI - 7. LE PROPRIÉTAIRE DE LA TOMBE (Première partie)

Publié le 06 décembre 2011 par Rl1948

    Dans quelque civilisation qu'elle naisse, de quelques croyances, et quelques motifs, de quelques pensées, de quelques cérémonies qu'elle s'entoure, et lors même qu'elle paraît vouée à autre chose, depuis Lascaux jusqu'à aujourd'hui, pure ou impure, figurative ou non, la peinture ne célèbre jamais d'autre énigme que celle de la visibilité.

Maurice Merleau-Ponty

L'Oeil et l'Esprit

Paris, Gallimard, Folio Essais n° 13

p. 26 de mon édition de 2002

   Plus personne, je présume - et j'espère -, n'ignore que depuis le 15 mars dernier, nous consacrons nos visites au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre à un certain Metchetchi, haut dignitaire de la cour du roi Ounas de la Vème dynastie, qui eut le privilège, en tant qu'imakhou, d'avoir sa demeure d'éternité quelque part dans les parages de la pyramide de son souverain et dont, depuis la restructuration des salles égyptiennes de ce musée en 1977, sont ici exposés sur le mur nord de la cinquième d'entre elles un fragment de linteau auquel, plusieurs semaines consécutives nous avons réservé toute notre attention, ainsi qu'une quarantaine de morceaux peints sur mouna arrachés à l'une des chambres de sa sépulture.

 


 
   (A nouveau, un tout grand merci à SAS, conceptrice du blog Louvreboîte, pour l'amabilité avec laquelle elle a bien voulu réaliser à mon intention une série de clichés concernant ces vitrines.)

   J'ai beaucoup hésité, beaucoup tergiversé quant au choix de la ligne de conduite à adopter pour vous les présenter l'ensemble de ces pièces. La méthode la plus simple, partant, la plus convenue, eût été de les considérer tels qu'ici disposées, c'est-à-dire dans un ordre qui, de gauche à droite et de haut en bas, balayant ainsi du regard un peu plus de sept mètres de longueur, vous les eût décrites les unes après les autres.

   Dans ce cas de figure, je respectais la position choisie - pour l'instant - par le Conservateur. Ce qui, à mes yeux, relevait de sa seule décision car dans la salle dédiée à la Vème dynastie de l'Ancien Empire où je les trouvai jadis, avant le redéploiement des collections égyptiennes auquel je viens de rapidement évoquer, au bout de cette même aile de la Cour Carrée - proche d'ailleurs du célébrissime Scribe qui maintenant à l'étage supérieur semble plutôt admirer la façade de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois -, ces fragments de peinture n'avaient pas tous été organisés par le concepteur de l'époque dans le même ordre qu'aujourd'hui. Et demain peut-être, pour l'une ou l'autre excellente raison, leur emplacement dans la vitrine, voire dans le musée, changera encore ...

     D'autant plus, j'aime à le souligner, qu'ils ne proviennent incontestablement pas du même mur de la chambre dans laquelle les scènes s'étaient à l'Antiquité succédé de registres en registres.

   La reconstitution actuelle, sans être stochastique puisqu'elle se réfère néanmoins en partie à des parallèles connus dans d'autres mastabas, n'en demeure pas moins subjective, donc sujette à variations.

   Voilà donc la raison pour laquelle j'ai opté pour une présentation qui me semblait plus logique et plus intellectualisée. En effet, quand on les étudie un tant soit peu, l'on se rend très vite compte que ces fragments  font état de deux  attitudes distinctes, toutefois récurrentes du propriétaire d'une tombe : ou il est figuré passif, c'est-à-dire qu'on le voit  bénéficier des différents rites inhérents au culte funéraire qui lui est rendu et recevoir les nombreuses offrandes qui lui assureront matériellement son éternité  ; ou il est actif et alors soit représenté en train d'inspecter, de surveiller, de dispenser ses ordres au personnel de ses domaines, soit s'adonnant à l'un ou l'autre jeu de société ou  savourant de la musique.

   D'aucuns parmi vous m'opposeront peut-être que mon choix se révèle tout aussi arbitraire que celui du Conservateur en charge de la salle ; que je suis bien prétentieux de vouloir ainsi "remodeler" la vitrine à ma guise ; que je recherche une inutile difficulté ; qu'il eût été préférable, pour une simple question de visibilité, de me conformer à ce qui existe, à ce qui est, hic et nunc, immédiatement reconnaissable ...

   Ceux qui le pensent ont peut-être raison et l'avenir de nos rendez-vous futurs ou corroborera le bien-fondé de mon approche ou, au contraire, l'infirmera.

     Nonobstant, et pour que vous ayez constamment à l'esprit l'emplacement de telle ou telle pièce dans le long meuble vitré, je mettrai photographiquement un point d'honneur à vous la situer.    

   Ces préliminaires exposés, permettez-moi de vous présenter, à partir cette fois d'une peinture, Metchetchi, l'occupant de la tombe que vous connaissez déjà par la gravure grâce au linteau de la vitrine voisine.

   Et tout d'abord, avec cet éclat presque cordiforme (E 25544), le deuxième dans la partie supérieure gauche, dont seules quatre lignes d'inscriptions sont encore très partiellement lisibles. 

     Si nous avions oublié à cet instant les deux seuls titres gravés sur le linteau, nous bénéficierions ici de manière fort heureusement plus détaillée de quoi alimenter notre curiosité quant à sa situation précise de ce haut fonctionnaire au sein de l'Etat pharaonique puisque nous pouvons lire de gauche à droite, - ou parfois deviner grâce à l'un ou l'autre signe à peine encore visible -, qu'il était Homme lige du Roi, Administrateur du chacal à la Grande Maison (c'est-à-dire à la Résidence royale), Dignitaire du Roi, Directeur du bureau des Khentyou-shé, Chef des étoffes, Préposé aux secrets du Roi dans toutes ses places, Imakhou (= vénérable) auprès d'Anubis sur sa montagne.

     Pour terminer la présentation de notre dignitaire de cour, je me propose, le 10 décembre prochain, d'épingler un autre  fragment peint de cette même moitié gauche de la vitrine 4 ².

     A samedi ?

   Même salle, même heure ...

(Ziegler : 1990, 124)