Henri Deluy (Anthologie permanente)

Par Florence Trocmé

Aujourd’hui Poezibao offre à ses lecteurs une recette de cuisine ! Signée du poète, traducteur, directeur de revue Henri Deluy, qui vient de faire paraître chez Al Dante un Manger la mer, lieux, soupes et bouillabaisses autour du monde !  
 
 
 
« LA MARSEILLAISE » 
LA SOUPE DU DIMANCHE 
 
Marseille, entre l’Estaque et les Goudes, le Vieux Port. Capitale d’une capitale, le Vieux Port marseillais, et son folklore, facile mais prégnant, la Canebière, le bar de l’OM, les pêcheurs, à quai, un filet à la main, les marchandes d’arapèdes et de cacahuètes, les poissons vivants, en tas, et les oursins, à l’étalage. Les grandes gueules au soleil. Et, sur le Cours d’Estienne d’Orves, à deux pas du Vieux Port, en face du « Péano », qui fut, dans les années cinquante et soixante, le bar des peintres et des poètes, à côté du journal « La Marseillaise », l’appartement familial. Et durant des années, chaque semaine la « soupe du dimanche »… 
 
Sur la table, suivant le marché du jour : girelle, bavarelle, rascasse, loup, roucaou, morceaux de congre, petite baudroie, carrelet, galinette, cavillon, grondin, muge, pageau, pagre, petite daurade, petite Saint-Pierre – la « poule de mer »-, rouquier, sar, sole, petite turbot, vive…et aussi, à l’occasion, grosses têtes de gros poissons, et de petits crabes, des favouilles, cadeau, à l’époque, du pêcheur ou de la poissonnière, à leurs clients.  
 
En cocotte, faire sauter, dans deux cuillerées à soupe d’huile, trois blancs de poireaux, un oignon, avec une poignée de favouilles (pour l’arôme et la couleur), les retirer rapidement, les réserver au chaud ; ajouter deux tomates préparées ; laisser évaporer un instant, en touillant avec la cuiller en bois ; ajouter trois gousses d’ail écrasées, une petite poignée de fanes de fenouil sauvage, deux centimètres d’une écorce d’orange séchée, branches de sarriette, feuille de laurier, un tout petit piment ; laisser venir ; ajouter un kilo de poissons entiers ; porter à ébullition forte (vingt minutes) ; retirer l’écorce d’orange, les branches de sarriette, la feuille de laurier ; passer l’ensemble au tamis, puis à l’étamine, ou au torchon, en écrasant et pressant les poissons réduits en bouillie ; remettre ce bouillon au feu, rectifier l’assaisonnement ; ébullition, ajouter une petite poignée de grosses pâtes, puis les pâtes cuites, le feu éteint, un gramme de safran.  
Servir en soupière et ne pas hésiter à faire craquer les favouilles dans la bouche pour en éprouver le riche fumet !  
 
A table, commentaires sur commentaires, pour préparer la soupe du dimanche à venir… 
 
Henri Deluy, Manger la mer, lieux, soupes & bouillabaisses autour du monde, Éditions Al Dante, 2011, pp. 70 et 71, 17€ 
 
Henri Deluy dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extrait 1, compte rendu de Les Arbres noirs (par Tristan Hordé) 
NDLR, sur ce site description de nombreux poissons de la Méditerranée et ici une superbe planche photographique où on retrouve plusieurs des poissons évoqués par Henri Deluy 
Et sur la favouille, voir ici