Addiction sexuelle et cinéma : Shame, l’enfer intérieur de la dépendance

Publié le 14 décembre 2011 par Frédéric Duval-Levesque

De Steeve McQueen – GB 2011 1h39mn  – avec Michael Fassbender, Carey Mulligan, James Badge Dale, Nicole Beharie… Scénario de Steve McQueen et Abi Morgan… Festival de Venise 2011 : Prix d’Interprétation Masculine et Prix de la Critique Internationale.

Après le saisissant Hunger, dont on ne s’est pas encore vraiment remis (souvenez-vous, Bobby Sands et ses compagnons de l’IRA soumis à la répression incroyablement violente, inhumaine, des prisons de Margaret Thatcher), préparez-vous à une nouvelle claque, certes moins brutale mais tout aussi marquante.

Le nouveau film de Steve McQueen aborde une autre forme de captivité, intérieure celle-là, l’addiction au sexe, et il le fait avec une puissance, une maîtrise, une audace exceptionnelles.

Bien sûr la présence renouvelée et inouïe de Michael Fassbender (Bobby Sands, c’était lui) n’est pas pour rien dans l’impression renversante que laisse le film. Beau, sensuel, fascinant comme dieu ou diable, l’acteur est magnifié par la caméra amoureuse de McQueen. Il faut voir la première scène, dans cet appartement aux murs blancs, atmosphère glacée, lumière bleutée : c’est le matin, le corps de Brandon (Fassbender, donc), déambule, nu, le sexe reposé, au contraire des muscles de ses bras, de ses jambes, nerveux, tendus, à fleur de peau, on le suit aux toilettes, on le voit uriner, on le suit sous la douche, il se masturbe (le geste est suggéré, mais explicite) alors même qu’on devine que sa nuit n’a pas été spécialement chaste.

C’est beau, c’est d’une crudité percutante en même temps que d’une élégance suprême, et l’on sait tout de suite où Steve McQueen va nous entraîner : dans l’intimité la plus profonde de cet homme, cet enfer que l’on découvrira petit à petit, dans la honte qu’il a de lui-même à ne pas aimer ce qu’il est, ce qui l’anime et le ronge, sa passion obsessionnelle et irrépressible pour le sexe. Mais si, pour décrire cette addiction, le sexe et ses pratiques investissent souvent l’image, le film n’est à aucun moment exhibitionniste, complaisant ou vulgaire. Des seins écrasés contre une vitre, des mains qui se crispent, des corps entremêlés, le visage de Brandon tordu, déformé par les spasmes, McQueen trouve toujours le plan juste, l’idée forte pour exprimer le désir, la séduction, le plaisir, la jouissance.

Et tout ce qui se cache de détresse derrière tout ça…

Il réussit à donner à chaque scène, sexuelle ou pas, sa beauté propre, son érotisme, son tempo, sa respiration. Ils nous offre ainsi de magnifiques moments, notamment cette scène de longue jouissance qui nous fait ressentir comme jamais la souffrance de Brandon et fait naître une véritable empathie, ou encore cette séquence d’intense émotion, avec sa soeur Sissy (Carrey Mulligan) qui interprète, sur un tempo lent et déstructuré, le New-York, New-York de Liza Minnelli.

On l’écoutera en entier, au bord des larmes…

Brandon impose son rythme, comble son manque à la cadence infernale de ses multiples expériences sexuelles.

Il suit des inconnues dans la rue dès lors qu’il a capté un regard, il fait appel à des prostituées, regarde du porno trash sur le net, chez lui, à son boulot, fréquente les backrooms.

On le suit à la trace, dans un New-York grouillant de vie, qui semble cristalliser les solitudes et attiser les désirs les plus fous.

Steve McQueen cite Milan Kundera : « la honte n’a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais l’humiliation que nous éprouvons à être ce que nous sommes sans l’avoir choisi, et la sensation insupportable que cette humiliation est visible de tous »

Que fait Brandon du regard de ces femmes, loin d’être les plus moches, qui succombent à son charme, à l’urgence de son désir, même seulement fantasmé ?

Comme c’est le cas dans cette autre scène, délicieusement vertigineuse, dans le métro, sur fond de musique classique mélancolique, où une jolie rousse, assise face à lui, se laisse doucement envahir, jusqu’à l’embrasement, par le trouble que provoque son regard posé sur elle…

Brandon peut donc posséder toutes les femmes qu’il veut.

Mais être capable de séduire plein de femmes ne signifie pas savoir communiquer avec elles, savoir nouer des liens avec les autres, même pas avec sa propre sœur…

Source: utopia.fr, divers

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