J’ai donc envie de vous parler de la tendresse. Qu’est-ce que je fais lorsque je suis tendre ? Quand je regarde, émue, le visage d’un enfant qui dort, ou que je tiens la main à la peau si fine d’une vieille personne ? Qu’est-ce que je fais ? Qu’est ce que je sens ? Un élan du cœur qui se met en mouvement vers le bas, un mouvement qui me fait me pencher. Dans cette tension douce, j’ai l’impression de me fondre dans quelque chose de plus vaste que moi. La vulnérabilité qui est en face de moi – celle du bébé qui dort, celle de la très vieille personne, confiante, abandonnée – éveille en moi une tension faite d’attirance et de retenue, comme si je savais que, par un geste trop fort ou trop rapide, je pouvais abîmer ce rayonnement que dégage la personne vulnérable quand elle s’abandonne avec confiance. Cette retenue n’est-elle pas le vrai critère de la tendresse ? Un élan du cœur qui cherche la proximité et, en même temps, avec sollicitude et respect, garde un bout de distance. Une distance d’amour !
En grec, « tendresse » se dit storgê, ce mot désignant l’amour qui ne prend pas, mais qui accueille. La racine ster désigne ce qui est solide, ce qui maintient solidement, ce qui soutient sans plier. Ainsi storgê, ce serait l’oeuvre affermissante, l’énergie d’amour qui rend solide. Nous sommes bien loin de la tendresse molle et débilitante. Ne croyez pas que la tendresse soit mièvre. Elle est une force puisqu’elle rend solide. Une force qui aide nos petits enfants à grandir et à affronter les soucis de la vie, une force qui aide nos âgés, si seuls parfois en ces périodes de fête, à puiser la joie de vivre dont ils ont besoin. Un regard tendre, un geste tendre peuvent transformer quelqu’un. Vous le savez aussi bien que moi. C’est une confirmation du « bon » de l’autre, un don de confiance. C’est en cela que la tendresse est créatrice.
Marie de Hennezel
Source : Psychologies